Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 21 mai 1993, présentée pour M. Richard X... demeurant rue de la Liberté à EMBRUN - 05200 PAR Me F. ROSENFELD avocat ;
M. X... demande que la cour :
1°) réforme le jugement en date du 12 mars 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune des Orres à lui verser une indemnité de 95 564,40 francs qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice subi du fait des illégalités affectant la création de l'emplacement réservé n° 4 par le plan d'occupation des sols révisé approuvé par délibération du conseil municipal du 30 juillet 1988 et le rejet de sa demande de permis de construire un restaurant d'altitude par arrêté du maire du 22 novembre 1988 ;
2°) condamne la commune des Orres à lui verser la somme de 2 249 070 francs à titre d'indemnité et la somme de 25 000 francs au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 1995 :
- le rapport de M. VESLIN, conseiller ;
- les observations de Me ROSENFELD, avocat de M. Richard X... et Me VIDAL-NAQUET, avocat de la commune des Orres ;
- et les conclusions de M. GAILLETON, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un jugement du 22 mai 1992 le tribunal administratif de Marseille a annulé, d'une part, la délibération du conseil municipal des Orres du 30 juillet 1988 en tant qu'elle approuvait à l'occasion de la révision du plan d'occupation des sols de la commune la création d'un emplacement réservé n° 4, d'autre part, l'arrêté du maire de cette commune du 22 novembre 1988, portant refus du permis de construire sollicité par M. X... pour l'édification d'un restaurant d'altitude, en raison du caractère erroné des motifs tirés de l'existence de l'emplacement réservé n° 4 et du caractère incomplet du dossier de demande sur lesquels il se fondait ; que, par ailleurs, il a ordonné un supplément d'instruction sur les conclusions présentées par M. X... tendant à ce que la commune des Orres soit condamnée à lui verser une indemnité de 1.159.070 francs en réparation du préjudice imputé aux fautes ainsi commises ; que, par le jugement attaqué en date du 12 mars 1993, le tribu-nal administratif de Marseille a condamné la commune des Orres à lui verser une indemnité de 95.564,40 francs en réparation du préjudice subi ;
Sur l'imputabilité du préjudice invoqué :
Considérant que par l'effet du jugement du 22 mai 1992, devenu définitif en ce qui concerne les annulations prononcées, M. X... est redevenu titulaire du permis de construire tacite qu'il avait obtenu dès le 24 novembre 1988 et que l'arrêté du 22 novembre 1988, en raison de sa notification tardive, avait implicitement mais nécessairement retiré ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressé ne peut plus désormais mettre en oeuvre l'autorisation délivrée dès lors que, n'ayant pu acquérir le terrain nécessaire suite à la caducité de la promesse de vente passée, l'édification et l'exploitation d'un restaurant d'altitude sur le terrain ultérieurement acquis par la commune ont entre temps fait l'objet d'un bail à construction au bénéfice d'une société tiers ; que la commune des Orres ne peut utilement soutenir que le préjudice allégué par M. X..., tenant à l'impossibilité dans laquelle il se trouve ainsi de réaliser son projet de construction alors qu'il n'est pas soutenu que le permis tacite obtenu méconnaîtrait d'autres règles d'urbanisme en vigueur, serait exclusivement imputable au fait que l'intéressé n'a pas répondu aux appels de candidature lancés par le syndicat intercommunal les Orres-Embrun, lesquels concernaient l'édification et l'exploitation d'un restaurant d'altitude selon les modalités différentes d'un bail à construction ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune des Orres, M. X... justifie à la fois de l'existence du préjudice qu'il invoque et de son imputabilité aux fautes commises par la commune lors de l'édiction des décisions illégales sanctionnées par le jugement du tribunal administratif susrappelé ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que si M. X... soutient qu'il aurait subi un chef de préjudice tenant aux frais de déplacement et de téléphone exposés inutilement pour les besoins de son projet de construction, il ne produit aucune pièce de nature à constituer, comme l'ont estimé les premiers juges, un commencement de preuve des sommes qu'il allègue avoir dû débourser ; que, s'agissant des soucis et de la perte de temps imputables aux fautes de l'administration, il n'établit pas que les premiers juges auraient fait une appréciation erronée des circonstances de l'espèce en lui attribuant, au titre des troubles dans les conditions d'existence, une somme de 15 000 francs ; que les frais correspondants à l'achat d'une licence d'exploitation d'un débit de boissons de 4ème catégorie, même s'ils correspondent selon le requérant à la saisine d'une opportunité s'étant présentée sur la commune, ne peuvent être regardés comme directement imputables aux fautes incriminées alors qu'il est constant qu'ils ont été exposés le 4 février 1989 à une date où, comme l'a jugé le tribunal, le permis de construire sollicité avait été refusé à l'intéressé ; que, de même, la somme de 100 000 francs, correspondant au montant d'une perte financière subie par suite du placement en Bourse de liquidités provenant de la cession de deux fonds de commerce intervenue en 1987 et en 1988 pour les besoins du montage financier de l'opération de construction, ne peut être regardée comme présentant un lien de causalité directe avec les fautes de la commune des ORRES ;
Considérant, par contre, qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges ont procédé à une appréciation insuffisante des conséquences onéreuses de l'immobilisation inutile du dépôt de garantie de 46 000 francs, effectué lors de la passation de la promesse de vente du terrain le 13 mai 1988, en condamnant la commune à lui verser de ce chef une indemnité de 3 000 francs ; qu'il en sera fait une juste appréciation en portant le montant de l'indemnité due à ce titre à la somme de 5 000 francs ;
Considérant par ailleurs, que si comme l'a jugé le tribunal le manque à gagner tenant à la perte des bénéfices qu'aurait pu tirer annuellement M. X... de l'exploitation du restaurant d'altitude projeté présente un caractère éventuel, il n'en demeure pas moins que, eu égard à l'état d'avancement de son projet, l'intéressé a été privé de d'une chance sérieuse de créer ce fonds de commerce et de tirer de son exploitation les bénéfices qu'il pouvait raisonnablement en escompter, compte tenu notamment de sa localisation, en raison des fautes commises par la commune des Orres ; qu'il est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté en totalité ce chef de préjudice ; qu'il sera fait une juste appréciation de cette perte de chance en lui accordant à ce titre une indemnité de 100 000 francs ;
Considérant enfin, que, si comme l'a jugé le tribunal la somme de 77 564,40 francs demandée à M. X... au titre des honoraires d'architecte dus pour la mise au point du dossier de demande de permis de construire correspond à des frais exposés en pure perte du fait de la faute de la commune, une telle somme ne peut constituer un préjudice indemnisable, comme le soutient la commune par la voie de son recours incident, qu'à la condition que l'intéressé justifie de son paiement effectif ; qu'il y a lieu en conséquence, sur ce point, de réformer le jugement attaqué et d'assujettir le versement de cette indemnité à la justification de son paiement effectif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la condamnation mise à la charge de la commune des ORRES au bénéfice du requérant doit être portée à la somme de 197.564,40 francs, sous réserve que le requérant justifie du paiement effectif de la somme de 77.564,40 francs due au titre des honoraires d'architecte ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les conclusions présentées par M. X... au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doivent être examinées au regard des dispositions de l'article L.8-1 du même code, seules en vigueur à la date du présent arrêt ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. X..., qui ne constitue pas une partie perdante à la présente instance, soit condamné à verser à la commune des ORRES la somme qu'elle demande à ce titre ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner la commune des ORRES à verser la somme de 5 000 francs à M. X... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme de 95.564,40 francs que la commune des ORRES a été condamnée à verser à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 1993 est portée à 197.564,40 francs sous réserve, à concurrence de 77 564,40 francs, que l'intéressé justifie du paiement effectif à l'architecte de sa note d'honoraires.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune des ORRES est condamnée à verser à M. X... la somme de 5 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté ainsi que le surplus du recours incident de la commune des ORRES.