Vu le recours, enregistré le 8 septembre 1993 au greffe de la cour administrative d'appel, présenté par le ministre du budget ;
Le ministre du budget demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 15 avril 1993 en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. X..., en droits et pénalités, des compléments d'imposition à l'impôt sur le revenu afférents aux seuls redressements dont le rétablissement est sollicité, soit pour un montant en base de 594 543 francs et 192 271 francs au titre, respectivement, des années 1984 et 1985, et des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ;
2°) de remettre à la charge de M. X..., d'une part les compléments d'imposition à l'impôt sur le revenu afférents aux seuls redressements dont le rétablissement est sollicité, soit pour un montant en base de 594 543 francs et 192 271 francs au titre, respectivement, des années 1984 et 1985, assortis, à titre principal, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses, à titre subsidiaire, des pénalités pour absence de bonne foi, d'autre part les droits qui lui ont été réclamés en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 1995 :
- le rapport de Mlle PAYET, conseiller ;
- et les conclusions de M. COURTIAL, commissaire du gouvernement ;
Considérant que dans son recours dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 15 avril 1993, le ministre du budget demande le rétablissement, d'une part, du complément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre des années 1984 et 1985 dans la limite des redressements s'élevant respectivement en base pour lesdites années à 594 543 francs et 192 271 francs et correspondant à des loyers excédentaires de crédit-bail et à un passif injustifié, l'ensemble assorti, à titre principal, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ou à titre subsidiaire, des pénalités de mauvaise foi et, d'autre part, du complément de taxe à la valeur ajoutée mis à la charge de l'intéressé pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ;
Sur la régularité de la vérification de comptabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification s'est effectuée dans le cabinet de comptabilité SECOGEFI à Martigues à la demande expresse de M. X... qui, par lettre datée du 3 mars 1987, exposait au service qu'il ne disposait pas d'un local approprié dans son entreprise à Saint-Mitre Les Remparts ; que M. X... n'établit pas que le vérificateur aurait refusé d'avoir avec lui un débat oral et contradictoire ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal s'est fondé sur l'irrégularité résultant de l'absence d'un tel débat pour prononcer la décharge des impositions en litige ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande de M. X... ;
Considérant que le report à une date ultérieure du début de la vérification ayant été demandé par le contribuable lui-même, par une lettre dont aucun élément ne permettait à l'administration de penser qu'elle n'émanait pas dudit contribuable, le service n'était pas tenu de faire parvenir un nouvel avis à celui-ci avant de procéder aux opérations de vérification ;
Sur la régularité de la réponse aux observations du contribuable :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, M. X... n'a formulé dans les réponses à la notification du 6 mai 1987 aucune remarque à l'encontre du redressement relatif à la comptabilisation d'opérations diverses ; qu'ainsi, dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 2 juillet 1987, le vérificateur n'avait pas à justifier à nouveau du redressement dont s'agit ;
Sur le bien-fondé des impositions :
. En ce qui concerne la prescription :
Considérant qu'il ressort de l'examen de la notification de redressement susmentionnée que le vérificateur a exposé les motifs qui l'ont amené à rectifier les écritures passées dans les comptes "factures à recevoir" et "travaux facturés d'avance", ainsi que les modalités de calcul des redressements correspondants ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que cette notification n'est pas suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, et qu'elle n'a pu ainsi constituer un acte interruptif de prescription ;
. En ce qui concerne les bases d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que M. X... n'a développé aucun moyen relatif au bien-fondé des loyers excédentaires de crédit-bail ;
Considérant, en second lieu, s'agissant des autres redressements en litige afférents aux charges à payer et aux produits comptabilisés d'avance inscrites au passif du bilan des années en cause, que M. X... ne justifie pas du bien-fondé de ces écritures ;
Sur les pénalités appliquées en matière d'impôt sur le revenu :
Considérant, en premier lieu, que d'une part, ni la passation d'écritures de régularisation du passif minorant le résultat imposable, ni l'importance des sommes éludées, ne constituent des manoeuvres frauduleuses ; qu'en revanche, de telles irrégularités justifient l'application des majorations pour absence de bonne foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts, lesquelles étaient suffisamment motivées dans la réponse aux observations du contribuable du 2 juillet 1987, conformément aux dispositions de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales n'énonce aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé de sanctions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées ; que, par suite, M. X... ne peut utilement invoquer ces dispositions à l'appui du moyen tiré de la violation de la présomption d'innocence ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 112 de la loi de finances pour 1993 du 30 décembre 1992, le législateur avait entendu exclure l'obligation pour l'administration de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement des pénalités fiscales ;
Considérant enfin que l'application de la pénalité de mauvaise foi ne saurait être regardée comme portant atteinte au droit de propriété au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne susmentionnée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration est fondée à demander, à titre subsidiaire, que les pénalités de mauvaise foi soient substituées aux majorations pour manoeuvres frauduleuses ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation". ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. X... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer une somme au titre des dispositions susmentionnées ;
Article 1er : Les droits complémentaires de l'impôt sur le revenu correspondant aux redressements en base de 594 543 francs et de 192 271 francs au titre, respectivement, des années 1984 et 1985, ainsi que les droits de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985, sont remis à la charge de M. X....
Article 2 : Les pénalités de mauvaise foi sont substituées aux majorations pour manoeuvres frauduleuses mises à la charge de M. X..., dans la limite du montant des majorations mentionnées ci-dessus.
Article 3 : Le jugement en date du 15 avril 1993 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre et le surplus de la demande de M. X... sont rejetés.