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21/07/1995 | FRANCE | N°94LY01315

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Pleniere, 21 juillet 1995, 94LY01315


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 août 1994, présentée par Mme Rosa X... demeurant à Vice ... "Les Oliviers" ;
Mme X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 1992 du ministre délégué au budget portant annulation, à compter du 20 mars 1991, de la pension civile d'ayant cause dont elle était titulaire ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil

;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des trib...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 août 1994, présentée par Mme Rosa X... demeurant à Vice ... "Les Oliviers" ;
Mme X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 1992 du ministre délégué au budget portant annulation, à compter du 20 mars 1991, de la pension civile d'ayant cause dont elle était titulaire ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 1995 :
- le rapport de M. SIMON, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. GAILLETON commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article L. 58 et de l'article L. 60, alors en vigueur, du code des pensions civiles et militaires de retraite, la femme d'un fonctionnaire ayant fait l'objet d'une révocation avec suspension des droits à pension reçoit, pendant la durée de la suspension, une pension fixée à 50 % de la pension dont bénéficiait ou aurait bénéficié effectivement le mari ; qu'aux termes de l'article 265 du code civil issu de la loi du 11 juillet 1975 : "Le divorce est réputé prononcé contre un époux s'il a eu lieu à ses torts exclusifs ... L'époux contre lequel le divorce est prononcé perd les droits que la loi ou des conventions passées avec des tiers attribuent au conjoint divorcé. Ces droits ne sont pas perdus en cas de partage des torts ou de divorce par consentement mutuel" ; qu'en vertu de l'article 304 du même code les conséquences de la séparation de corps obéissent aux mêmes règles que les conséquences du divorce énoncées notamment à l'article 265 précité dudit code ; qu'il résulte de ces dispositions générales du code civil auxquelles ne déroge aucune disposition législative spéciale du code des pensions civiles et militaires de retraite que les droits que la loi, en vertu des articles L.58 et L.60 susmentionnés de ce code, attribue à la femme d'un fonctionnaire ayant fait l'objet d'une révocation avec suspension des droits à pension ne sont perdus par celle-ci, en cas de séparation de corps, que si cette dernière est prononcée contre elle, et ne le sont pas dans les autres cas, notamment en cas de séparation de corps prononcée sur demande conjointe ;
Considérant que si le ministre entend opposer aux conclusions de la requérante l'article R. 70 du code des pensions civiles et militaires de retraite, alors en vigueur, selon lequel : "... en cas de séparation de corps non prononcée au profit exclusif de la femme, cette dernière cesse de bénéficier des dispositions de l'article L. 60 ...", ces dispositions réglementaires qui ont pour effet d'exclure du bénéfice de l'article L. 60 les femmes séparées de corps sur demande conjointe des époux, sont devenues incompatibles avec les dispositions de l'article 304 du code civil issues de la loi du 11 juillet 1975 et sont désormais, dans cette mesure, privées de base légale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., qui percevait depuis le 4 décembre 1973, date de la révocation de son mari, une pension d'ayant cause en application des dispositions de l'article L. 60 du code des pensions civiles et militaires de retraite, a été séparée de corps par l'effet d'un jugement rendu le 5 mars 1991 par le tribunal de grande instance de Nice prononcé sur la demande conjointe des époux X... ; que, bien que ce droit à pension lui ait été ouvert à la date de la mesure de révocation, la séparation de corps était soumise, compte tenu de la date à laquelle elle est intervenue, aux dispositions de l'article 304 du code civil issu de la loi du 11 juillet 1975 ; que, dans ces conditions, Mme X... dont la séparation de corps, compte tenu de sa date, est soumise aux dispositions de l'article 304 nouveau du code civil issu de la loi du 11 juillet 1975, et dont, par suite les effets, contrairement à ce que soutient le ministre doivent s'apprécier à la date à laquelle elle a été prononcée, est fondée à exciper de l'illégalité des dispositions de l'article R. 70 sur lesquelles le ministre délégué au budget a fondé son arrêté du 1er avril 1992 prononçant l'annulation de sa pension civile d'ayant cause, pour soutenir que cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions législatives susrappelées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 juin 1994, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre délégué au budget ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement et de faire droit à la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 juin 1994 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du ministre délégué au budget du 1er Avril 1992 portant annulation de la pension civile d'ayant cause de M. X..., à compter du 20 mars 1991, est annulé.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 94LY01315
Date de la décision : 21/07/1995
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

48-02-01-09 PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - QUESTIONS COMMUNES - AYANTS-CAUSE -Epouse séparée de corps d'un fonctionnaire révoqué avec suspension des droits à pension - Perte du droit à pension en cas de séparation sur demande conjointe (art. R. 70 du code des pensions civiles et militaires de retraite) - Illégalité.

48-02-01-09 Les dispositions de l'article R. 70 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui ont notamment pour effet d'exclure du bénéfice des dispositions de l'article L. 60 du même code les épouses séparées de corps sur demande conjointe des époux, se sont trouvées privées de base légale à compter de l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 304 du code civil issues de la loi du 11 juillet 1975 en vertu desquelles, notamment, les droits que la loi attribue au conjoint séparé de corps ne sont perdus que si la séparation de corps est prononcée contre lui et ne le sont pas, notamment, si elle est prononcée sur demande conjointe. Ainsi, une séparation de corps sur demande conjointe des époux prononcée en 1991, ne fait pas perdre à l'épouse, nonobstant les dispositions de l'article R. 70 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les droits à pension, ouverts antérieurement à ladite loi, qu'elle tenait de l'article L. 60 du même code du chef de son mari.


Références :

Code civil 265, 304
Code des pensions civiles et militaires de retraite L60, L58, R70, 304
Loi 75-617 du 11 juillet 1975


Composition du Tribunal
Président : M. Guihal
Rapporteur ?: M. Simon
Rapporteur public ?: M. Gailleton

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1995-07-21;94ly01315 ?
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