Vu, enregistrée au greffe de la cour le 23 octobre 1993 la requête, présentée par M. Martial X..., demeurant ... (Haute Savoie) ;
M. X... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juin 1992 en tant qu'il ne lui a accordé qu'une décharge partielle de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982 ainsi que des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980 et 1981 et a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1982 ;
2°) d'annuler ledit jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1979 ;
3°) de prononcer la réduction de 192 330 francs de la base de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée ;
4°) de prononcer la réduction de 245 583 francs pour l'année 1980, de 289 256 francs pour l'année 1981 et de 202 700 francs pour l'année 1982, des bases des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu établies pour lesdites années ;
5°) de prononcer la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1979 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 1994 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de son entreprise individuelle ayant pour activité l'exploitation d'un bar-restaurant, le dépannage en électroménager et la vente et l'exploitation d'appareils de jeux automatiques, le requérant a été assujetti à une imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982 et à des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 1979 à 1982 ; qu'il conteste le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 17 juin 1992 en tant d'une part qu'il ne lui a accordé qu'une réduction insuffisante de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée et des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des années 1980, 1981 et 1982 et, d'autre part, qu'il a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu établie pour l'année 1979 ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décisions du 5 janvier 1993 postérieures à l'introduction de la requête, le Directeur des services fiscaux de la Haute-Savoie a prononcé des dégrèvements en droits et pénalités à concurrence de 133 083 francs en ce qui concerne l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée, de 92 495 francs et de 3 578 francs en ce qui concerne respectivement les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des années 1980 et 1981 ; que les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont dans cette mesure devenues sans objet ;
Sur les conclusions relatives aux impositions établies pour l'année 1979 :
Considérant que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables pour absence de réclamation préalable au Directeur les conclusions du requérant relatives aux impositions établies pour l'année 1979 en relevant que les réclamations qu'il a présentées les 17 avril 1985 et 13 avril 1987 ne portaient que sur les impositions des années 1980 à 1982 ; que le requérant développe en appel des moyens relatifs à la régularité et au bien-fondé des impositions établies pour l'année 1979 sans contester l'absence de réclamation préalable qui est sur ce point le fondement du jugement dont il est fait appel ; que par suite, ses conclusions relatives aux impositions établies pour l'année 1979 doivent être rejetées ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 302 ter du code général des impôts : "Le chiffre d'affaires et le bénéfice imposables sont fixés forfaitairement en ce qui concerne les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 500 000 francs ( ...) ; le régime d'imposition forfaitaire du chiffre d'affaires et du bénéfice demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre de la première année au cours de laquelle les chiffres d'affaires limités prévus pour ce régime sont dépassés ( ...)." ; qu'en application des dispositions de l'article L.8 du livre des procédures fiscales, le forfait devient caduc lorsque sa détermination est la conséquence d'une inexactitude constatée dans les renseignements fournis par le contribuable ou dans les documents dont la production est exigée par la loi ;
Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité, l'administration a déclaré caducs les forfaits de chiffre d'affaires et de bénéfice conclus pour la période biennale 1980-1981 ; qu'en l'absence de dépôt dans les délais légaux des déclarations correspondants au régime réel d'imposition le requérant a, pour les années 1980 à 1982, été imposé à la taxe sur la valeur ajoutée suivant la procédure de taxation d'office et, par voie d'évaluation d'office, en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux ;
Considérant que le requérant a souscrit pour l'année 1980 une déclaration 951 faisant apparaître un chiffre d'affaires de 253 930 francs ; que si pour l'année 1981 la même déclaration 951 faisait état d'un chiffre d'affaires de 676 799 francs, il remplissait encore s'agissant de la première année de dépassement les conditions prévues par la loi pour bénéficier du régime forfaitaire ; qu'en revanche, pour l'année 1982 constituant la deuxième année de dépassement l'administration lui a indiqué par lettre du 1er juillet 1982 qu'il devait souscrire les déclarations afférentes au régime réel d'imposition ;
Considérant que si, à la suite de la vérification de comptabilité, l'administration a conclu que le requérant relevait du régime réel à compter de l'année 1980, l'administration ne disposait, antérieurement aux opérations de vérification que des renseignements résultant des déclarations du contribuable ; que, par suite, le requérant ne peut pour contester la caducité des forfaits dont il était titulaire, utilement faire valoir que l'administration ne lui aurait demandé de se placer sous le régime réel qu'à compter de l'année 1982 ;
Considérant que le requérant ne conteste pas en appel que les renseignements qu'il a fournis dans ses déclarations 951 étaient inexacts ; que, par suite, à supposer même qu'il aurait pleinement satisfait aux obligations comptables auxquelles sont tenus les contribuables forfaitaires, il ne peut utilement invoquer cette circonstance pour contester la caducité des forfaits dont il était titulaire ;
Considérant que le requérant n'est, en conséquence, pas fondé à soutenir que les impositions litigieuses des années 1980 à 1982 ont été établies au terme d'une procédure irrégulière ; que lesdites impositions ayant ainsi été régulièrement établies d'office le requérant a la charge d'apporter la preuve de leur exagération ;
En ce qui concerne les bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que le requérant soutient que la reconstitution effectuée par le vérificateur a fait une évaluation insuffisante du montant des recettes de jeux qui sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il propose une autre méthode consistant à retenir, compte tenu de l'achat d'appareils supplémentaires, une progression des recettes de jeux de 20 % chaque année par rapport aux recettes déclarées en 1979 ; que l'administration qui ne conteste pas que le requérant a effectivement exploité en 1980 et 1981 des appareils supplémentaires par rapport à ceux en service en 1979 et a reconstitué les bases d'imposition du requérant après avoir écarté l'ensemble des énonciations de ses déclarations, ne peut se borner à faire référence sur ce point aux recettes déclarées par le contribuable ; que le requérant doit, en conséquence, être regardé comme apportant la preuve que l'administration a sous estimé le montant de ses recettes de jeux exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il y a lieu par suite, comme l'admet l'administration à titre subsidiaire, de réduire ses bases d'imposition de 218 893 francs pour 1980 et de 274 131 francs pour 1981 ;
Considérant qu'après avoir retenu pour l'année 1980 un montant d'achats de 302 938 francs, l'administration a admis en ce qui concerne l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, un montant d'achats complémentaires de 78 277 francs ce qui, compte tenu d'achats d'appareils de jeux pour 115 872 francs, conduit à retenir un montant de 265 402 francs sur lequel la taxe sur la valeur ajoutée payée ouvre droit à déduction ; que le requérant ne conteste pas en définitive que son droit à déduction a déjà été pris en compte sur un montant d'achats de 144 280 francs et que le dégrèvement de 19 071 francs prononcé en cours d'instance par l'administration le remplit de ses droits en ce qui concerne les achats complémentaires ;
Considérant que de la même façon pour l'année 1981, l'administration a admis en ce qui concerne l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée un montant d'achats complémentaires de 267 311 francs, conduisant, compte tenu d'achats d'appareils de jeux, à retenir un montant d'achats ouvrant droit à déduction de 412 086 francs ; que le requérant ne conteste pas davantage que compte tenu du droit à déduction déjà pris en compte, le dégrèvement de 3 048 francs prononcé en cours d'instance le remplit dans ses droits en ce qui concerne les achats complémentaires ;
Considérant qu'aucun redressement de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée n'a été effectué pour l'année 1982 ;
En ce qui concerne les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu pour les années 1980 et 1981 :
Considérant que l'administration a reconstitué les recettes du requérant à partir des crédits constatés sur ses comptes bancaires ; que le requérant soutient qu'un certain nombre de sommes prises en compte ne constituent pas des recettes professionnelles ;
Considérant que l'administration a prononcé des dégrèvements après avoir admis les justifications du requérant pour 101 871 francs au titre de l'année 1980 et pour 4 596 francs au titre de l'année 1981 ;
Considérant que pour le surplus le requérant se borne à soutenir que trois chèques d'un montant global de 17 000 francs représentent des encaissements de complaisance sans apporter d'autre indication sur la cause exacte du versement ; qu'il n'apporte pas ainsi la preuve du caractère non professionnel des sommes en cause ; qu'en ce qui concerne les impayés ayant donné lieu à plusieurs mouvements bancaires, le requérant n'établit pas que l'administration n'ait pas pris en compte toutes les sommes pour lesquelles il a apporté des justifications
Considérant que le requérant soutient, sans être sérieusement contredit, que cinq versements de 10 000 francs et un solde de 6 728 francs soit 56 728 francs, constatés au cours de l'année 1980 au crédit de ses comptes bancaires représentent le prix de cession d'un droit au bail ; qu'il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que ces sommes ont été retenues au nombre de ses recettes professionnelles et à demander que ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu soient réduites de 56 728 francs pour l'année 1980 ;
Considérant que l'administration a estimé que le requérant avait effectué des prélèvements sur la caisse de son entreprise individuelle qu'elle a évalués à 45 000 francs pour l'année 1980 et à 50 000 francs pour l'année 1981 ; que si le requérant a la charge de la preuve, l'administration, qui ne fournit aucune indication sur la méthode qu'elle a suivie, ne l'a pas mis à même de discuter utilement cette évaluation devant le juge de l'impôt ; que le requérant admet avoir effectué des prélèvements par chèques à hauteur de 40 000 francs pour 1980 et 21 000 francs pour 1981 ; que pour le surplus, il se borne à soutenir sans apporter de justification qu'il a bénéficier au cours de ces deux années de disponibilités provenant de gains au pari mutuel urbain lui permettant d'assurer ses dépenses de vie courante sans avoir à effectuer de prélèvement en espèces ; que, dans ces conditions, il y a lieu de fixer à 40 000 francs pour l'année 1980 et 45 000 francs pour l'année 1981, les prélèvement effectués par le requérant tant en chèques qu'en espèces sur la caisse de son entreprise individuelle et de réduire ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de 5 000 francs pour chacune des années 1980 et 1981 ;
Considérant que le requérant a produit des pièces justifiant qu'en sus des montants retenus par le vérificateur, il a réalisé des achats complémentaires pour 78 277 francs en 1980 et 287 311 francs en 1981 ; que l'administration n'a pas contesté la réalité et le montant desdits achats dont elle a d'ailleurs admis l'existence pour les droits à déduction en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ; que toutefois le requérant n'a apporté aucun élément tendant à établir que ces achats complémentaires correspondraient à des acquisitions de petit matériel pouvant être portées en frais généraux immédiatement déductibles ; que le requérant ne justifie pas davantage que les amortissements correspondant auxdits achats constituant des immobilisations auraient été régulièrement portés en comptabilité avant l'expiration des délais de déclaration ; qu'il n'est par suite pas fondé à demander que ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu des années 1980 et 1981, soient réduites au titre d'achats complémentaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les bases d'imposition du requérant à l'impôt sur le revenu doivent être réduites de 61 728 francs pour l'année 1980 et de 5 000 francs pour l'année 1981 ;
En ce qui concerne les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu pour l'année 1982 :
Considérant que le requérant demande que la valeur estimée à 202 700 francs d'appareils de jeux ayant fait l'objet d'une saisie judiciaire, soit portée en pertes sur l'année 1982 ;
Considérant que l'opération judiciaire en cause qui constituait une saisie conservatoire et non une confiscation, ne peut être regardée comme ayant entraîné pour l'entreprise une perte définitive desdits matériels le 31 décembre 1982 à la clôture de l'exercice, et autorisait seulement le requérant à constituer une provision dans le respect des règles de forme prévues par les dispositions de l'article 38 de l'annexe III au code général des impôts ; qu'en outre, alors qu'une décision du Procureur de la République du 31 mai 1988 lui en a refusé la restitution au motif que son droit de propriété sur ces appareils était contestable, le requérant n'a apporté aucune justification complémentaire de nature à établir qu'ils étaient inscrits à l'actif de son entreprise ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le vérificateur a refusé d'admettre cette somme comme pertes au titre de l'exercice clos en 1982 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander que ses bases d'imposition soient réduites en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée de 493 024 francs et en ce qui concerne l'impôt sur le revenu de 61 728 francs pour l'année 1980 et de 5 000 francs pour l'année 1981 ; qu'il y a lieu de réformer en conséquence le jugement attaqué, de prononcer les décharges partielles correspondantes et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 133 083 francs en ce qui concerne l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée établie pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982 et des sommes de 92 495 francs et 3 578 francs en ce qui concerne respectivement les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu établies au titre des années 1980 et 1981, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2 : Les bases d'imposition de M. X... à la taxe sur la valeur ajoutée sont réduites de 493 024 francs pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982.
Article 3 : Il est accordé à M. X..., décharge de la différence entre l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il a été assujettie pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982 et celle résultant de l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Les bases d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu sont réduites de 61 728 francs pour l'année 1980 et de 5 000 francs pour l'année 1981.
Article 5 : Il est accordé à M. X... décharge de la différence entre les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980 et 1981 et celles résultant de l'article 4 ci-dessus.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 juin 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.