Vu le recours du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, enregistré au greffe de la cour le 2 novembre 1990 ; le ministre demande à la cour :
- à titre principal :
1°) d'annuler le jugement du 22 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de BASTIA a accordé à Electricité de France la décharge de la totalité des parts régionale et départementale et de la moitié de la part communale de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984 dans les rôles de la commune d'Ajaccio,
2°) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge d'Electricité de France ;
- à titre subsidiaire, de rétablir Electricité de France dans les rôles de la commune d'Ajaccio au titre des années 1982 à 1984 à concurrence des sommes dégrevées par le tribunal administratif de Bastia et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 1992 :
- le rapport de M. X..., président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;
Sur le principe de l'exonération temporaire de la taxe professionnelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 1465 du code général des impôts en vigueur à la date des impositions contestées, "Dans les zones définies par l'autorité compétente où l'aménagement du territoire le rend utile, les collectivités locales et les communautés urbaines peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer de la taxe professionnelle en totalité ou en partie les entreprises qui procédent sur leur territoire ... à des décentralisations, extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique ... Lorsqu'il s'agit de décentralisation, extension ou créations d'établissements industriels ou de recherche scientifique et technique répondant à des conditions fixées par décret en tenant compte notamment du volume des investissements et du nombre des emplois créés, l'exonération est requise sans autre formalité ... " ;
Considérant, d'une part, que la production d'électricité constitue une activité à caractère industriel tant en raison des conditions de production de cette forme d'énergie qu'en raison de sa nature ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées que les considérations relatives à l'aménagement du territoire ne jouent que pour la délimitation par l'autorité compétente des zones dans lesquelles peuvent s'appliquer des exonérations temporaires de la taxe professionnelle ; que, par suite l'administration fiscale ne peut subordonner le droit d'un contribuable à bénéficier d'une exonération temporaire, à la condition qu'il ait pris en compte de telles considérations ; que ni la circonstance que la production d'électricité ne serait pas considérée comme une activité industrielle par la réglementation relative aux primes d'aménagement du territoire, ni le refus opposé précédemment par le fonds de développement économique et social aux demandes d'exonération formulées par Electricité de France sous l'empire de la législation antérieure à 1980, ne peuvent davantage justifier le refus opposé à la demande d'Electricité de France tendant au bénéfice des dispositions précitées de l'article 1465 du code général des impôts, dès lors que cet établissement public satisfaisait aux conditions mises par les textes à l'octroi de l'exonération en cause ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle Electricité de France a mis en service les deux premiers groupes de la centrale thermique que cet établissement public a réalisée sur le site du VAZZIO près d'Ajaccio les délibérations en date des 31 juillet 1959 et 5 juillet 1963 par lesquelles, respectivement, la commune d'Ajaccio et le Conseil Général de la Corse avaient décidé d'exonérer de la patente, pour une durée de cinq années, en totalité pour le département et à concurrence de 50 % pour la commune, les entreprises procédant à des transferts, extensions ou créations d'installations industrielles, étaient toujours en vigueur ; que ces délibérations ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 1465 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 ; que, par suite, étant observé qu'il n'est pas contesté que celle prise par le Conseil Général visait également la part régionale de la taxe professionnelle, Electricité de France était en droit de s'en prévaloir à l'appui de sa demande d'exonération ;
Sur la portée de l'exonération temporaire de la taxe professionnelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 322 G de l'annexe III au code général des impôts, "le bénéfice de l'exonération temporaire de taxe professionnelle prévue par l'article 1465 du code général des impôts est subordonné aux conditions suivantes lorsqu'un agrément n'est pas nécessaire : I - En cas de création ou décentralisation d'un établissement industriel : a) Dans les départements d'Outre-Mer et de la Corse ... 1°) Dans les communes situées dans une unité urbaine d'au moins 15 000 habitants et de moins de 50 000 habitants : réalisation d'un investissement minimal de 500 000 francs et création d'au moins quinze emplois ... II - En cas d'extension d'un établissement industriel : a) Dans les départements d'Outre-Mer et de la Corse ... 1°) Dans les communes situées dans une unité urbaine d'au moins 50 000 habitants : réalisation d'un investissement minimal de 800 000 francs et : - soit création d'au moins trente emplois se traduisant par un accroissement net d'au moins 25 % du nombre des emplois ; - soit création d'au moins 120 emplois ..." et qu'aux termes de l'article 322 J de la même annexe, "la réalisation des conditions prévues à l'article 322 G s'apprécie au 31 décembre de la première année au cours de laquelle l'entreprise a procédé à l'une des opérations mentionnées à cet article ..." ;
Considérant, d'une part, qu'à supposer que, comme l'ont estimé les premiers juges, l'installation de la centrale du VAZZIO ait constitué une opération unique, la réalisation des conditions prévues en matière d'investissement et d'emploi par l'article 322 G précité, doit conformément aux dispositions de l'article 322 J s'apprécier au 31 décembre de la 1ère année au cours de laquelle est intervenue l'opération soit, en l'espèce, au 31 décembre 1981 ; qu'à cette date, le chiffre de la population d'Ajaccio résultant du dernier recensement était de 49 065 habitants ; que si le volume des investissements réalisés et le nombre d'emplois créés lors de la mise en service des deux premières tranches le 17 août 1981 satisfaisaient aux conditions prévues à l'article 322 G aucune disposition du code général des impôts ne prévoit que les investissements réalisés et les emplois créés à l'occasion de la mise en service des tranches ultérieures peuvent être pris en compte pour le calcul des bases exonérées ;
Considérant, d'autre part, qu'à supposer même que chaque mise en service de tranches ultérieures soit regardée comme constituant une extension d'établissement au sens des dispositions de l'article 322 G, les tranches 3 et 4 et 5 et 6 mises en service respectivement les 1er janvier 1982 et 1er janvier 1984, si elles satisfaisaient au 31 décembre de chacune de ces années à la condition tenant au volume des investissements, ne comportaient en revanche pas des créations d'emplois en nombre suffisant, les conditions prévues à l'article 322 G devant s'apprécier en ce qui concerne lesdites années par rapport à celles prévues pour les communes d'au moins 50 000 habitants, catégorie dans laquelle se situait la commune d'Ajaccio à l'issue du recensement de 1982 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, comme le soutient à bon droit le ministre délégué au budget, le volume des investissements réalisés et le nombre des emplois créés postérieurement au 31 décembre 1981 ne pouvaient en tout état de cause être pris en compte pour la détermination des bases exonérées ;
Sur la détermination des bases d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 1478 III du code général des impôts, "pour les établissements produisant de l'énergie électrique, la taxe professionnelle est due à compter du raccordement au réseau. Ces établissements sont imposés au titre de l'année de raccordement au réseau, d'après les salaires et la valeur locative de cette année ... " et qu'aux termes de l'article 310 H A avant dernier alinéa de l'annexe II au même code, "l'établissement s'entend de toute installation utilisée par une entreprise ou un lieu déterminé ou d'une unité de production intégrée dans un ensemble industriel ou commercial lorsqu'elle peut faire l'objet d'une exploitation autonome ... " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la centrale du VAZZIO comprend dans un même bâtiment huit groupes à moteur diesel qui, d'après les renseignements communiqués par Electricité de France à l'administration fiscale, ont été raccordés au réseau à raison de deux le 17 août 1981, deux autres le 1er janvier 1982, deux autres encore le 1er janvier 1984, un le 21 octobre 1987 et le dernier le 1er septembre 1988 ; que ces groupes dont chacun peut produire de l'énergie électrique de manière autonome, constituent autant d'unités de production au sens de l'article 310 H A précité, alors même qu'ils sont situés dans une enceinte et mis en oeuvre par les mêmes personnes ; que, par suite, chacune des tranches 1 et 2, 3 et 4 et 5 et 6 devait être imposée à la taxe professionnelle, respectivement au titre des années 1981, 1982 et 1984 d'après les salaires et la valeur locative de ces années ; qu'EDF ne contestant pas que la détermination des bases d'imposition en résultant, aboutit pour les années 1982 à 1984 à un impôt supérieur à celui qui a été mis en recouvrement initialement, l'administration est dès lors en droit de demander le bénéfice de la compensation prévue à l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ; qu'en revanche il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a accordé à Electricité de France la décharge de l'imposition due au titre de l'année 1981 ;
Considérant que, de tout ce qui précède il résulte que le ministre délégué au budget est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a accordé à Electricité de France décharge de la moitié de la part communale et de la totalité des parts départementale et régionale de la taxe professionnelle à laquelle cet établissement public a été assujetti au titre des années 1982 à 1984 ;
Article 1er : La taxe professionnelle à laquelle Electricité de France a été assujettie au titre des années 1982 à 1984 est remise à sa charge à concurrence des sommes dégrevées par jugement du tribunal administratif de BASTIA en date du 22 juin 1990.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de BASTIA en date du 22 juin 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget est rejeté.