Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 octobre 1989, présentée par la SCP ROUSSEL et CABAYE, avocat au barreau de Marseille pour l'entreprise FORNERON sise à Marseille assistée de MM. X... et Z... syndics au règlement judiciaire ;
L'entreprise FORNERON demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 mars 1989 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à payer à la ville de Marseille en réparation des conséquences dommageables des désordres affectant l'unité d'animation sociale St Louis, la somme de 759.991,93 francs augmentée des frais d'expertise avec intérêts de droit au taux légal à compter du 30 décembre 1986 avec capitalisation ;
2°) de rejeter la demande de la ville de Marseille dirigée à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 1990 :
- le rapport de M. LANQUETIN, conseiller ;
- les observations de Me BERGEL, avocat de la société FORNERON et de M. X..., et de Me Y... substituant la SCP COUTATD-MAYER, avocat de la ville de Marseille ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'entreprise FORNERON demande l'annulation du jugement du 3 mars 1989 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée sur le fondement de la garantie qu'impliquent les principes tirés des articles 1792 et 2270 du code civil à payer à la ville de Marseille la somme de 759.991,93 francs avec intérêts de droit capitalisés, au titre des conséquences dommageables des désordres affectant le bâtiment abritant l'unité d'animation sociale St Louis ;
Sur l'exception d'irrecevabilité opposée par l'entreprise FORNERON :
Considérant qu'en cause d'appel la société FORNERON, déclarée en état de règlement judiciaire, se borne à invoquer l'absence de production par la ville de Marseille de sa créance entre les mains du syndic ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de la loi du 13 juillet 1967 qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer éventuellement sur l'admission ou la non admission des créances produites ; que, par suite, la circonstance que la ville de Marseille n'aurait pas produit entre les mains du syndic sa créance éventuelle dans le délai fixé par les dispositions de l'article 47 du décret du 22 décembre 1967 et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues à l'article 41 de la loi du 13 juillet 1967 est sans influence sur la recevabilité des conclusions dont le tribunal administratif était saisi et sur lesquelles il lui appartenait de se prononcer dès lors qu'elles n'étaient par elles mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les désordres litigieux, consistant en des fissures affectant la maçonnerie du bâtiment et le sol du premier étage, sont dûs à des tassements différentiels des terrains sur lesquels est implanté le bâtiment ; que ces désordres sont imputables à l'entreprise FORNERON dont la mission, selon les stipulations de l'article V 3 D du cahier des prescriptions spéciales applicable au marché s'étendait aux études, calculs et plans d'exécution des ouvrages de fondations ;
Considérant que le constructeur dont la responsabilité décennale est recherchée ne peut se prévaloir vis à vis du maître de l'ouvrage de tout ou partie des désordres litigieux, et à demander en conséquence que sa responsabilité soit écartée ou limitée, que dans la mesure où ces désordres ou cette partie des désordres ne lui sont pas également imputables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'entreprise FORNERON ne saurait invoquer la circonstance que les désordres litigieux seraient aussi imputables à l'architecte, dont la responsabilité n'a pas été recherchée par le maître d'ouvrage, pour demander à être déchargée de la condamnation prononcée à son encontre ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant que les dispositions de l'article 39 de la loi précitée du 13 juillet 1967 ne font pas obstacle à ce que le juge administratif fixe quelqu'en soit le point de départ, la date des intérêts légaux dûs par une entreprise en règlement judiciaire ; que par suite le fait que la requérante avait été mise en règlement judiciaire le 16 novembre 1982 ne s'opposait pas à ce que le tribunal administratif appliquât, sur le montant des sommes mises à sa charge, des intérêts au taux légal courant à compter du 30 décembre 1986, date de la requête introductive d'instance ;
Considérant que la ville de Marseille a demandé une nouvelle capitalisation des intérêts le 5 février 1990 ; qu'à cette date il était dû plus d'une année d'intérêts ; que par application des dispositions de l'article 1153 du code civil il y a lieu de faire droit à cette demande présentée par voie d'appel incident ;
Sur les conclusions de l'entreprise FORNERON tendant à ce que la Cour ordonne l'intervention forcée des assurances " les Mutuelles du Mans" :
Considérant que le contrat liant l'entreprise FORNERON à son assureur relevant du droit privé et échappant par voie de conséquence à la compétence de la juridiction administrative, les conclusions de l'entreprise précitée tendant à ce que la Cour ordonne l'intervention forcée des assurances "les Mutuelles du Mans" doivent en toute hypothèse être rejetées ; que de même la ville n'avait pas à mettre en cause directement l'assureur de l'entreprise ;
Article 1er : La requête de l'entreprise FORNERON est rejetée.
Article 2 : Les intérêts alloués à la ville de Marseille par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 mars 1989 seront capitalisés au 5 février 1990.