Vu la décision en date du 1er décembre 1988 enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 1988, par laquelle le président de la 9e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ;
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 janvier 1988, présenté par le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget tendant à :
- l'annulation du jugement en date du 23 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a accordé à la Société ALUMINIUM PECHINEY, venant aux droits de la société de vente de l'ALUMINIUM PECHINEY, décharge du montant de la taxe professionnelle à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'année 1983 pour son établissement d'HERMILLON (SAVOIE) ;
- ce que soit remise à la charge de la S.A. ALUMINIUM PECHINEY la cotisation litigieuse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le Livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988, et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 6 juillet 1989 :
- le rapport de M. LANQUETIN, conseiller ;
- et les conclusions de M. ROUVIERE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par le jugement attaqué par le ministre, le tribunal administratif de GRENOBLE a déchargé la Société ALUMINIUM PECHINEY de la taxe professionnelle dont elle avait été déclarée redevable pour l'année 1983 au titre de son établissement de VOREPPE par le motif que ledit établissement avait été cédé avec effet au 1er janvier 1983 à la société CEGEDUR et que la société PECHINEY était fondée à se prévaloir, sur la base de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 238 de l'instruction du 30 octobre 1975 qui prévoyait qu'en cas de changement d'exploitant prenant effet au 1er janvier, le nouvel exploitant était imposé sur les bases relatives à l'activité de son prédécesseur et qui admettait, selon les premiers juges, l'opposabilité des clauses de rétroactivité contenues dans des conventions d'apport ; que pour contester ce jugement, le ministre requérant fait valoir que la clause de rétroactivité contenue dans le contrat conclu entre la société ALUMINIUM PECHINEY et la société CEGEDUR est inopposable à l'administration et que si l'administration a admis dans une instruction du 30 octobre 1975 de prendre en considération des clauses de rétroactivité, ces dispositions n'étaient applicables que lorsque les intérêts de l'Etat et ceux des collectivités locales n'étaient pas lésés et à condition de respecter le principe selon lequel les fusions ou scissions doivent être, l'année de l'opération, sans incidence sur le montant des bases d'imposition ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1478 du code général des impôts : "I. La taxe professionnelle est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier ... IV. En cas de changement d'exploitant, la base d'imposition est calculée pour les deux années suivant celle du changement, dans les conditions définies au II 2e alinéa. Si le changement d'exploitant prend effet le 1er janvier, le nouvel exploitant est imposé pour l'année du changement sur les bases relatives à l'activité de son prédécesseur" ;
Considérant que l'instruction ministérielle susmentionnée du 30 octobre 1975, régulièrement publiée, commentant la loi n° 75.678 du 29 juillet 1975 relative à la taxe professionnelle précisait en son paragraphe 238 : "Dans le cas d'un changement d'exploitant prenant effet le 1er janvier, le nouvel exploitant est imposé sur les bases relatives à l'activité de son prédécesseur ; c'est à ce dernier qu'il incombe le cas échéant, de souscrire la déclaration correspondante. Cette situation devrait se rencontrer notamment en cas d'apport, fusion, scission de sociétés, ces opérations étant assez souvent assorties d'une clause faisant rétroagir les conventions au 1er janvier de l'année au cours de laquelle elles sont devenues définitives. La fusion ou la scission est donc sans incidence sur la détermination de la base de l'impôt, pour l'année en cause" ;
Considérant que si les dispositions précitées de l'instruction ministérielle du 30 octobre 1975 étaient édictées au regard de la définition de l'assiette de l'impôt du nouvel exploitant en cas de changement d'exploitant, elles valaient cependant interprétation formellement admise par l'administration fiscale du texte de l'article 1478 du code général des impôts en ce qu'il concerne la détermination du redevable de la taxe professionnelle ; que sur ce point l'administration fiscale admettait l'opposabilité des clauses de rétroactivité contenues dans les conventions d'apport, de fusion ou de scission intervenues entre sociétés et la prise d'effet rétroactive du changement d'exploitant au 1er janvier ; que cette interprétation, que l'administration a formellement abandonnée par l'instruction du 14 mars 1985 de la direction générale des impôts, et qui faisait obstacle à l'application de l'article 1165 du code civil, ne comportant aucune condition, le ministre requérant n'est pas fondé à subordonner le bénéfice de ladite interprétation à la condition qu'elle soit sans incidence sur le montant des bases d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la société ALUMINIUM PECHINEY, qui avait cédé, comme il a été dit ci-dessus, par convention d'apport d'actifs du 6 juillet 1983 avec effet rétroactif au 1er janvier de la même année son établissement d'HERMILLON (SAVOIE) à la société CEGEDUR, a pu légalement demander, sur la base de l'article L80 A alinéa 2 du livre des procédures fiscales, qui peut être invoqué même au regard des impositions locales primitives, le bénéfice des dispositions du paragraphe 238 de l'instruction du 30 octobre 1975 pour obtenir la décharge de l'imposition à la taxe professionnelle à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'année 1983 ; que la circonstance que le dégrèvement accordé à la société ALUMINIUM PECHINEY par jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 23 octobre 1987 ait pu entraîner compte tenu des règles en matière de dégrèvement dans le domaine de la taxe professionnelle une perte financière pour le trésor public est sans influence sur l'applicabilité de la doctrine exprimée par l'instruction du 30 octobre 1975 ; qu'en conséquence le ministre de l'économie, des finances et du budget n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qui a fait droit à la demande de la société Aluminium PECHINEY ;
Article 1er : Le recours susvisé du ministre de l'économie, des finances et du budget est rejeté.