Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... et M. G... D... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le maire du Touquet-Paris-Plage a délivré un permis de construire une surélévation et une extension d'un immeuble situé 2 bis rue de Bruxelles dans cette commune.
Par un jugement avant dire droit n°1804442 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a sursis à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pendant un délai de six mois afin que soient régularisés les vices entachant l'arrêté du 20 mars 2018 du maire du Touquet-Paris-Plage.
Par un jugement n°1804442 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lille, estimant que les vices mentionnés ci-dessus avaient été régularisés par un arrêté du 16 mars 2022 du maire du Touquet-Paris-Plage, a rejeté la demande de Mme et M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 16 mars 2023, Mme et M. D..., représentés par la SCP Gros, D... et d'Halluin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 20 mars 2018 et du 16 mars 2022 du maire du Touquet-Paris-Plage ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Touquet-Paris-Plage la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt pour agir contre les arrêtés du 20 mars 2018 et du 16 mars 2022 ;
- l'arrêté du 20 mars 2018 méconnaît les articles R. 431-6, R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- il méconnaît les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme relatives aux plantations ;
- il méconnaît, en tant qu'il définit l'implantation du projet en limite séparative est et nord, les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation des bâtiments en limites séparatives ;
- il a pour effet d'aggraver la méconnaissance, par le bâtiment existant, des règles du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation en limites séparatives au-delà de 16 mètres à compter de la voie publique ;
- il méconnaît les dispositions du plan local d'urbanisme relatives au traitement paysager des terrasses et ce vice n'a pas été régularisé par l'arrêté modificatif du 16 mars 2022 ;
- il méconnaît les dispositions du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine du quartier de la " ville Dalloz ", relatives aux conditions d'accès aux parcelles et aux jardins et plantations ;
- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté modificatif du 16 mars 2022, en tant qu'il a modifié l'implantation du projet par rapport à la limite séparative ouest, méconnaît les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation des bâtiments en retrait des limites séparatives.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, la commune du Touquet-Paris-Plage, représentée par Me Francis Deffrennes, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants de la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les appelants n'ont pas intérêt pour agir ;
- les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.
Un mémoire a été présenté le 24 mars 2023 par Mme A... B... sans le concours de l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative et n'a pas été régularisé en dépit d'une demande qui lui a été adressée en ce sens le 29 mars 2023 par le greffe de la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Héloïse D..., représentant Mme et M. D..., et de Me Ludovic Schryve, représentant la commune du Touquet-Paris-Plage.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a déposé le 29 décembre 2017 une demande de permis de construire une surélévation et une extension d'un bâtiment existant situé sur une parcelle cadastrée AC n°261 au 2 bis rue de Bruxelles au Touquet-Paris-Plage. Par un arrêté du 20 mars 2018, le maire de cette commune a délivré le permis sollicité. Mme et M. D... ont demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Lille. Par un jugement avant dire droit du 15 juin 2021, le tribunal a sursis à statuer pendant un délai de six mois, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin que soient régularisés les vices entachant cet arrêté du 20 mars 2018. Par un jugement du 7 juin 2022, estimant que ces vices avaient été régularisés par un arrêté modificatif du 16 mars 2022 du maire du Touquet-Paris-Plage, le tribunal a rejeté la demande de Mme et M. D....
Sur l'objet du litige :
2. Il ressort des termes mêmes de leurs écritures que Mme et M. D... ne dirigent dans la présente instance leurs conclusions d'appel qu'à l'encontre du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille s'est prononcé sur la régularisation des vices relevés dans son jugement avant dire droit du 15 juin 2021.
3. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
4. Lorsque le juge a fait usage de la faculté de surseoir à statuer ouverte par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, qu'un permis modificatif a été délivré et que le juge a mis fin à l'instance par un second jugement, l'auteur d'un recours contre ce jugement peut contester la légalité du permis de construire modificatif par des moyens propres et au motif que le permis initial n'était pas régularisable. En revanche, les moyens écartés par le jugement avant-dire droit doivent être regardés comme inopérants pour contester le jugement mettant fin à l'instance dès lors que ces moyens étaient dirigés contre le permis de construire initial et non contre le permis de construire modificatif.
5. Il s'ensuit qu'en l'espèce, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 111-27, R. 431-6, R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme, des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme relatives aux plantations et des dispositions du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine du quartier de la " ville Dalloz " doivent être écartés comme inopérants. Il en va de même du moyen tiré de ce que l'implantation du projet par rapport aux limites séparatives est et nord méconnaît les règles du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation des bâtiments en limites séparatives.
Sur la légalité du permis de construire modificatif du 16 mars 2022 :
6. Les appelants peuvent utilement contester la régularisation du vice relevé au point 23 du jugement avant dire droit du15 juin 2021, relatif au traitement paysager des terrasses. En outre, les appelants, qui ne contestent pas l'implantation du projet modifié par rapport à la limite séparative sud, peuvent utilement contester son implantation par rapport à la limite séparative ouest, dès lors que l'arrêté du 16 mars 2022 a modifié le projet initial sur ce point.
En ce qui concerne le traitement paysager des terrasses accessibles :
7. Aux termes du point 2.3.1 du chapitre UA3 " Traitement des espaces non-bâtis " de la sous-section UA2 " Qualité urbaine, architecturale, environnementale et paysagère " du titre 3 " Dispositions applicables en zones urbaines " du règlement du plan local d'urbanisme du Touquet-Paris-Plage : " (...) Les toitures terrasses non accessibles doivent être végétalisées (...) Les terrasses accessibles doivent être paysagées ". Le même point précise qu'en secteur UAa, au moins 15 % de la surface du terrain doit être traitée " en espaces végétalisés conformément aux dispositions des règles communes ".
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans fournis dans la demande de permis de construire modificatif, que la terrasse accessible du troisième étage du bâtiment principal fera l'objet d'un traitement paysager, de même que les terrasses accessibles couronnant ce bâtiment. Les appelants ne produisent aucun élément précis et circonstancié pour contester le caractère suffisant de ces traitements paysagers, alors que la pétitionnaire s'est engagée à les réaliser " conformément au règlement " et a indiqué avec une précision suffisante, sur les plans fournis, les surfaces à traiter.
9. En outre, si ces surfaces sont représentées sur les plans de la demande par des pointillés verts, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pétitionnaire aurait entendu limiter le traitement paysager des terrasses accessibles à la seule réalisation d'un gazon, alors qu'au demeurant le règlement du plan local d'urbanisme ne prescrit aucune plantation particulière pour la réalisation d'un traitement paysager. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 6 doit être écarté.
En ce qui concerne l'implantation du projet modifié par rapport à la limite séparative ouest :
10. Aux termes du I du point 2.1.5 du chapitre UA1 de la sous-section UA2 du titre 3 du règlement du plan local d'urbanisme du Touquet-Paris-Plage, dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire modificatif : " (...) Implantation sur limites séparatives (...) / Dans les secteurs UAa, UAb et UAd / 1) En front à rue, dans une bande maximum de 16 mètres de profondeur mesurée à partir de l'alignement (...) les constructions peuvent être édifiées le long des limites séparatives. / 2) Au-delà de cette même bande de 16 mètres de profondeur (...), les constructions ne peuvent être édifiées le long des limites séparatives que lorsqu'il existe déjà en limite séparative une construction d'une hauteur supérieure ou égale à celle projetée (...) ".
11. Aux termes du II du même point : " 1) Sur toute la longueur des limites séparatives, l'implantation en retrait d'un bâtiment qui ne serait pas édifié sur ces limites, doit respecter le principe H/2 = L (où H représente la hauteur du bâtiment et L la distance comptée horizontalement entre tout point du bâtiment avec la limite séparative) avec un minimum de 3 mètres. / (...) / 3) Au-delà d'une bande de 16 mètres mesurée à partir de l'alignement (...), peuvent être implantées sur les limites séparatives des constructions annexes de type dépendances, sous réserve que la façade implantée en bordure de la limite séparative ne dépasse pas 5 mètres de profondeur et que ladite construction ne dépasse pas une hauteur maximale de 3 mètres ".
12. Selon le glossaire du plan local d'urbanisme, " pour le calcul du prospect pour application des dispositions relatives à l'implantation par rapport aux limites séparatives, le point le plus bas correspondra au terrain naturel en cas d'implantation en retrait depuis le premier niveau de la construction. Il correspondra au point altimétrique de la construction le plus proche du terrain naturel lorsqu'une partie de la construction est implantée en limite séparative et l'autre en retrait ". Le glossaire définit en outre le " retrait " comme " la distance (L) mesurée horizontalement et perpendiculairement, qui sépare chaque point de la construction de la limite séparative. Les (...) terrasses (...) ne sont pas comptés dans le calcul du retrait. Pour le calcul du retrait L, H est la différence altimétrique entre le niveau du sol existant mesuré à l'aplomb de la limite séparative et chaque point de la construction ". Par ailleurs, selon le glossaire, la " hauteur façade " est définie comme " la mesure prise entre le terrain naturel avant travaux (...) et l'égout du toit (...).
13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment principal existant et la surélévation litigieuse seront implantés en limite séparative ouest sur une profondeur de 12,28 mètres à compter de la rue de Bruxelles. Au-delà cette profondeur, le bâtiment principal n'est pas et ne sera pas implanté en limite séparative ouest. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le projet porte sur un bâtiment existant irrégulièrement implanté en limite séparative ouest dans une bande de terrain située à plus de 16 mètres à compter de la rue de Bruxelles.
14. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans une bande de terrain située entre 12,28 et 14,64 mètres à compter de la rue de Bruxelles, le rez-de-chaussée et les deux premiers étages du bâtiment principal, qui s'élèveront jusqu'à 8,05 mètres, seront implantés à 4,07 mètres de la limite séparative ouest. Par ailleurs, dans cette même bande de terrain, le troisième étage du bâtiment principal, qui s'élèvera à 11,10 mètres, acrotère non compris, présentera une terrasse et, sans tenir compte de cette dernière conformément aux dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme, sera implanté à 5,17 mètres de la limite séparative ouest.
15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans une bande de terrain située entre 14,64 et 18,92 mètres à compter de la rue de Bruxelles, le bâtiment principal, qui s'élèvera à 11,10 mètres, acrotère non compris, sera implanté sur toute sa hauteur à 5,17 mètres de la limite séparative ouest.
16. Il s'ensuit que le projet sera implanté par rapport à la limite séparative ouest, en tout point, conformément aux dispositions précitées du II du point 2.1.5 du règlement du plan local d'urbanisme.
17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune, que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 20 mars 2018 et du 16 mars 2022 du maire du Touquet-Paris-Plage.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune du Touquet-Paris-Plage, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Mme et M. D... et non compris dans les dépens.
19. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme et M. D... le versement d'une somme globale de 1 500 euros à la commune du Touquet-Paris-Plage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme et M. D... est rejetée.
Article 2 : Mme et M. D... verseront une somme globale de 1 500 euros à la commune du Touquet-Paris-Plage en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... D..., à M. G... D..., à la commune du Touquet-Paris-Plage, à Mme A... B... et à M. I... E....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. Denis Perrin, premier conseiller,
- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. Eustache
Le président de la 1ère chambre,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°22DA01632 2