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21/02/2023 | FRANCE | N°22DA02342

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 21 février 2023, 22DA02342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office public de l'habitat des communes de l'Oise, dénommé ci-après l'Office public Oise Habitat, a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens de prescrire une expertise, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, portant sur les désordres liés à la déformation du bardage de sept logements individuels situés rue du Général Leclerc à Bailleul-sur-Thérain.

Par une ordonnance n° 2102569 du 19 octobre 2022, le juge des référés du tribunal

administratif d'Amiens a prescrit une expertise au contradictoire de l'Office public Ois...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office public de l'habitat des communes de l'Oise, dénommé ci-après l'Office public Oise Habitat, a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens de prescrire une expertise, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, portant sur les désordres liés à la déformation du bardage de sept logements individuels situés rue du Général Leclerc à Bailleul-sur-Thérain.

Par une ordonnance n° 2102569 du 19 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a prescrit une expertise au contradictoire de l'Office public Oise Habitat et de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2022, l'Office public Oise Habitat, représenté par Me Lequillerier, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à la mise en cause des sociétés Ramery Bâtiment, IPC 95, Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude, IPH ingénierie, IPH et Veritas en leur qualité de constructeur et de dire l'expertise ordonnée par le tribunal administratif opposable et contradictoire à ces sociétés ;

2°) à titre subsidiaire, de dire l'expertise ordonnée par le tribunal administratif opposable et contradictoire à la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude en sa qualité de maître d'œuvre.

Il soutient que :

- la responsabilité des sociétés ayant la qualité de constructeur est susceptible d'être engagée sur le fondement de la garantie décennale,

- le délai de cette action en garantie décennale a commencé à courir le 7 novembre 2011 et non pas le 20 juin 2021 ;

- la mesure d'expertise qu'il a sollicitée par requête du 23 juillet 2021 conserve son utilité dès lors qu'elle se rattache à une action au fond qui n'était pas encore prescrite à cette date ;

- en vue de l'action en garantie qu'il est susceptible d'engager à leur encontre, la participation des sociétés ayant la qualité de constructeur aux opérations d'expertise présente un caractère utile ;

- la responsabilité contractuelle tirée du manquement au devoir de conseil qui incombait à la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude à la réception des travaux en sa qualité de maître d'œuvre peut encore être recherchée devant les juges du fond, de sorte que sa participation aux opérations d'expertise présente un caractère utile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, la société MAAF Assurances, représentée par Me Desmet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Office public Oise Habitat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que le délai de garantie décennale était expiré à la date d'introduction de la requête en référé expertise présentée par l'Office public Oise Habitat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022, la société Ramery Bâtiment, représentée par Me Derbise, conclut, à titre principal, à l'annulation de l'ordonnance entreprise et, à titre subsidiaire, donne acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de mise en cause.

Elle fait valoir que :

- les travaux confiés par l'Office public Oise Habitat ont fait l'objet d'une réception expresse avec effet au 20 juin 2011, de sorte que le délai décennal a commencé à courir à cette date,

- la mesure d'expertise ne présente pas de caractère utile dès lors que l'action au fond à laquelle elle se rattache était prescrite à la date de dépôt de la demande en référé enregistrée le 23 juillet 2021,

- la participation des sociétés ayant la qualité de constructeur n'apparaît pas davantage utile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2022, les sociétés IPH et IPH Ingénierie, représentées par Me Bourhis, formulent les protestations et réserves d'usage concernant la demande de l'Office public Oise Habitat, tendant à leur mise en cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2022, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), représentée par Me Bourhis, donne acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de mise en cause.

La requête a été communiquée aux sociétés Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude et Veritas, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil,

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux de 2009,

- le cahier des clauses administratives particulières de décembre 2009 relatif à la réalisation de 7 logements individuels basse consommation et leurs annexes sur la commune de Bailleul-sur-Thérain,

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. L'Office public Oise Habitat a confié la maîtrise d'œuvre d'une opération de construction de sept logements individuels locatifs se situant rue du général Leclerc à Bailleul-sur-Thérain à la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude. Par un acte d'engagement du 12 mars 2010, le marché de travaux de bâtiment (lot A) a été attribué à la société Ramery Bâtiment. Le procès-verbal de réception des travaux a été dressé par le maître d'œuvre le 7 novembre 2011 et les réserves qui s'y trouvaient ont été levées le 30 novembre 2011. Ayant postérieurement constaté des désordres liés à la déformation du bardage des logements, l'Office public Oise Habitat a adressé une déclaration de sinistre à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) le 29 novembre 2019. Par un courrier du 27 janvier 2020, la SMABTP a accepté de prendre en charge les désordres liés aux déformations des bardages affectant les logements 6, 7, 5, 3 et 1 à hauteur de 2 500 euros mais a refusé de prendre en charge les déformations généralisées des bardages des logements 2 et 4, l'expert ayant considéré qu'elles étaient apparentes à la réception des travaux et n'avaient fait l'objet d'aucune réserve. L'Office public Oise Habitat n'a pas accepté cette proposition indemnitaire et a postérieurement sollicité l'avis technique d'un autre expert auprès de la société Sprite, lequel a remis des conclusions contradictoires et différentes de celles émises par l'expert de la SMABTP. Dans ce contexte, l'Office public Oise Habitat a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'ordonner une expertise portant sur la nature et les causes de ces désordres, ainsi que sur les éventuelles responsabilités encourues. Par une ordonnance du 19 octobre 2022, le juge des référés a désigné un expert à cette fin et a rendu les opérations d'expertise communes et opposables à l'Office ainsi qu'à son assureur, la SMABTP. L'Office public Oise Habitat interjette appel de cette ordonnance en tant que le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a mis hors de cause les sociétés Ramery Bâtiment, IPC 95, IPH, IPH Ingénierie, Veritas ainsi que l'Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude.

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise (...) ".

3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription.

Sur la demande de mise en cause des sociétés Ramery Bâtiment, IPC 95, Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude, IPH Ingénierie, IPH et Veritas :

4. Aux termes de l'article 1792-4-1 du code civil : " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article. ".

5. Aux termes de l'article 41.1 du CCAG Travaux dans sa rédaction applicable au litige : " Le titulaire avise, à la fois, le maître de l'ouvrage et le maître d'œuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. /Le maître d'œuvre procède, le titulaire ayant été convoqué, aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai qui est de vingt jours à compter de la date de réception de l'avis mentionné ci-dessus ou de la date indiquée dans cet avis pour l'achèvement des travaux, si cette dernière date est postérieure. /(...) ". Aux termes de son article 41.2 : " (...) Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal dressé sur-le-champ par le maître d'œuvre et signé par lui et par le titulaire. Si le titulaire refuse de signer le procès-verbal, il en est fait mention. Un exemplaire est remis au titulaire. /Dans le délai de cinq jours suivant la date du procès-verbal, le maître d'œuvre fait connaître au titulaire s'il a ou non proposé au représentant du pouvoir adjudicateur de prononcer la réception des ouvrages et, dans l'affirmative, la date d'achèvement des travaux qu'il a proposé de retenir, ainsi que les réserves dont il a éventuellement proposé d'assortir la réception. /(...) ". Enfin, aux termes de son article 41.3 : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. /La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. /Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire. ".

6. Aux termes de l'article 9.2 du CCAP applicable au présent marché de travaux et produit pour la première fois en appel : " La réception se déroule comme il est stipulé à l'article 41 du CCAG et ne fait l'objet d'aucune stipulation particulière ".

7. Pour justifier l'utilité de la participation des sociétés ayant la qualité de constructeur aux opérations d'expertise, l'Office public Oise Habitat soutient qu'il est encore fondé à invoquer la garantie décennale à leur encontre devant les juges du fond.

8. Il résulte de l'instruction que les opérations préalables à la réception des travaux ont eu lieu le 7 novembre 2011 et ont donné lieu à un procès-verbal n° 1 dressé le même jour, signé par la société Archetude en sa qualité de maître d'œuvre et la société Ramery Bâtiment, titulaire du marché public au sens des dispositions précitées du CCAG alors en vigueur. La société Archetude a proposé à l'Office public Oise Habitat de prononcer la réception des travaux avec réserves en retenant la date du 20 juin 2011 pour l'achèvement des travaux suivant procès-verbal n° 3 établi le 7 novembre 2011, et a informé la société Ramery Bâtiment de cette proposition conformément aux dispositions précitées de l'article 41-2. Suivant procès-verbal n° 5 établi le même jour, l'Office a décidé de prononcer la réception des travaux avec réserve et avec effet à la date du 20 juin 2011. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier en ait informé la société Ramery Bâtiment dans le délai qui lui était imparti, en application de l'article 41.3 du CCAG Travaux, les propositions du maître d'œuvre s'imposent tant à l'Office public Oise Habitat qu'à la société Ramery Bâtiment. Le délai de dix ans prévu à l'article 1792-4-1 du code civil a ainsi commencé à courir à compter du 20 juin 2011 pour expirer le 20 juin 2021. Par ailleurs, si cette réception a été assortie de réserves qui ont été levées le 30 novembre 2011, l'Office ne soutient ni n'établit que les travaux ayant fait l'objet de ces réserves soient en lien avec les désordres concernés par le présent litige. Dans ces conditions, l'action principale à laquelle elle se rattache étant prescrite, la demande en référé du 23 juillet 2021, en tant qu'elle vise à attraire aux opérations l'ensemble des constructeurs, ne présente pas de caractère utile au sens des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

9. Il résulte de ce qui précède que l'Office public Oise Habitat, qui ne soulève aucun autre fondement de responsabilité susceptible d'être engagée devant les juges du fond, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a mis hors de cause les sociétés ayant la qualité de constructeur.

Sur la demande de mise en cause de la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude en sa qualité de maître d'œuvre :

10. Aux termes de l'article 1792-4-3 du code civil : " En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. ". Si la réception des travaux met en principe fin aux relations contractuelles entre la maîtrise d'ouvrage et les constructeurs, la responsabilité du constructeur ayant la qualité de maître d'œuvre peut encore être engagée pour manquement à son devoir de conseil dès lors qu'il s'est abstenu d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans incidence sur le manquement du maître d'œuvre à son obligation de conseil, dès lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier.

11. Pour justifier l'utilité de la participation de la société Archetude en sa qualité de maître d'œuvre aux opérations d'expertise, l'Office public Oise Habitat soutient qu'elle a manqué à son devoir de conseil lors de la réception des travaux, de sorte que sa responsabilité contractuelle tirée de ce manquement est susceptible d'être engagée devant les juges du fond.

12. S'il est constant que la société Archetude, laquelle a déclaré avoir constaté un phénomène de tuilage sur les lames du bardage au droit des logements 2 et 4 durant l'exécution du chantier, n'a pas signalé l'apparition de ce désordre à l'Office public Oise Habitat qui a réceptionné ces logements sans émettre de réserves, il résulte de ce qui a été dit au point 8 de la présente ordonnance que la date de réception des travaux a été fixée au 20 juin 2011. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article 1792-4-3 du code civil, le délai de l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société Archetude a commencé à courir à cette date, de sorte qu'une telle action était prescrite à la date d'enregistrement de la demande en référé. Dans ces conditions, la demande en référé, en tant qu'elle vise à attraire la société Archetude aux opérations d'expertise, ne présente pas de caractère utile au sens des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

13. Il résulte de ce qui précède que l'Office public Oise Habitat n'est pas fondé à demander que la société Atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude, en sa qualité de maître d'œuvre, soit attraite aux opérations d'expertise.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société MAAF Assurances présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de l'Office public de l'habitat des communes de l'Oise est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société MAAF Assurances tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Office public de l'habitat des communes de l'Oise, à la société Ramery Bâtiment, à l'atelier d'architecture et d'urbanisme Archetude, à la société IPH Ingénierie, à la société IPH, à la société Veritas, à la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), à la société MAAF Assurances et à M. A... B..., expert.

Fait à Douai, le 21 février 2023.

La présidente de la Cour,

Signé

Nathalie Massias

La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Bénédicte Gozé

2

No22DA02342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 22DA02342
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LEBEGUE DERBISE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-21;22da02342 ?
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