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26/07/2022 | FRANCE | N°22DA00269

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 26 juillet 2022, 22DA00269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 24 août 2020 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, en toute hypothèse dans un délai de quinze jours à c

ompter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 24 août 2020 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, en toute hypothèse dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2100980 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2022, Mme B..., représentée par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'un vice de procédure tenant à l'irrégularité de l'avis du comité médical qui a été rendu en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dès lors que la collégialité de la délibération à laquelle le médecin ayant établi le rapport n'aurait pas pris part, n'est pas établie ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, notamment en ce qui concerne l'accès effectif à un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de preuve de la disponibilité du traitement au Togo ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours et celle fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués au soutien de la requête de Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... B..., ressortissante togolaise née le 26 mai 1972 à Lomé (Togo), déclare être entrée en France le 27 janvier 2018. Le 19 juin 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " pour motifs de santé. Par un arrêté du 24 août 2020, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, si Mme B... soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen sérieux de sa situation et est entachée d'un vice de procédure tenant à l'irrégularité de l'avis du comité médical, ces moyens qui ne sont assortis d'aucune précision nouvelle en appel, ont été écartés à bon droit par le tribunal aux points 3 à 6 du jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces points.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit: (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur leur fondement, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qu'elles mentionnent, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays d'origine de l'étranger. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une drépanocytose hétérozygote, de lombalgies, d'un diabète et de troubles anxieux. Il n'est pas contesté que le défaut de prise en charge de ces pathologies entraînerait pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, il ne résulte d'aucune des pièces produites en appel comme en première instance par Mme B... qu'elle ne pourrait disposer d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En particulier, le certificat médical établi le 13 janvier 2021 par le Dr C... se borne à indiquer qu'il est nécessaire que la requérante puisse rester sur le territoire français pour soins et prise en charge, sans autre précision sur la disponibilité du traitement au Togo. Comme l'ont relevé les premiers juges, Mme B... n'établit pas au surplus qu'elle suivrait un traitement particulier en raison de la drépanocytose dont elle est atteinte ni d'ailleurs que les lombalgies, le diabète et le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre seraient en lien avec cette pathologie hématologique. Enfin, Mme B..., qui se borne à produire des articles de presse et parutions d'organisations non gouvernementales généraux faisant état de généralités sur le système sanitaire togolais, n'établit pas qu'elle ne pourrait disposer d'un accès effectif aux soins nécessaires à son état de sa santé dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

6. En troisième lieu, Mme B... réitère son moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour. Cependant, elle n'apporte pas en appel d'éléments de fait ou de droit nouveaux de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges aux points 11 à 13 du jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'est entrée sur le territoire français que le 27 janvier 2018, soit moins de trois ans avant l'édiction de l'arrêté contesté. Si elle se prévaut de la présence en France de sa sœur et de sa cousine, elle n'est pas dépourvue d'attaches privées ou familiales au Togo, où résident ses quatre enfants mineurs. Elle ne justifie par ailleurs pas d'une intégration professionnelle ou sociale en France d'une particulière intensité, en dehors de ses activités de bénévolat. Par suite, c'est sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le préfet du Nord lui a refusé le titre de séjour sollicité.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été énoncé aux points 2 à 8 du présent arrêt que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

10. En deuxième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux point 6 et 9, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11.Enfin, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté à l'encontre des décisions accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Emilie Dewaele.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : A. KhaterLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA00269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00269
Date de la décision : 26/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-07-26;22da00269 ?
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