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13/07/2022 | FRANCE | N°21DA00587

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 13 juillet 2022, 21DA00587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Ricquebourg à lui verser une provision d'un montant de 185 000 euros hors taxes au titre du coût de reconstruction du mur de clôture de cette propriété, une provision de 4 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance, une provision de 26 078,42 euros toutes taxes comprises en remboursement des frais d'expertise ainsi qu'une provision de 7 500 eur

os toutes taxes comprises en remboursement des frais d'avocat et d'huissier ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Ricquebourg à lui verser une provision d'un montant de 185 000 euros hors taxes au titre du coût de reconstruction du mur de clôture de cette propriété, une provision de 4 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance, une provision de 26 078,42 euros toutes taxes comprises en remboursement des frais d'expertise ainsi qu'une provision de 7 500 euros toutes taxes comprises en remboursement des frais d'avocat et d'huissier qu'elle a supportés, soit la somme totale de 222 578,42 euros toutes taxes comprises.

Par une ordonnance n° 2001295 du 24 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la SCI B... et mis à la charge de cette dernière et de Mme B... le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Ricquebourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 mars 2021 et le 9 avril 2021, la SCI B..., représentée par la SCP Frison et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de condamner la commune de Ricquebourg à lui verser la somme de 222 578,42 euros toutes charges comprises, avec intérêts de droit et capitalisation de ces intérêts, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son entier préjudice, dans un délai de deux mois à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ricquebourg les frais de l'expertise au titre des dépens ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que la liaison du contentieux a été assurée et que la requête en référé a été déposée dans le délai imparti ;

- la responsabilité sans faute de la commune de Ricquebourg est engagée au titre des dommages affectant le mur d'enceinte de sa propriété, survenus lors de l'inondation du 23 juin 2016, en raison notamment de l'insuffisance des ouvrages d'assainissement et de captage des eaux de pluie dont celle-ci a la garde ;

- la commune de Ricqueboug ne justifie d'aucune cause exonératoire ;

- l'existence de l'obligation de payer de la commune de Ricquebourg n'est pas sérieusement contestable ;

- l'indemnisation au titre de la reconstruction du mur écroulé au droit du bief Bertin s'élève à 185 000 euros hors taxes ;

- le préjudice de jouissance qu'elle a subi compte tenu de la perte d'utilisation de pâturages s'élève à 4 000 euros ;

- l'indemnisation allouée au titre des frais d'avocat et d'huissier qu'elle a supportés s'élève à 7 500 euros, toutes taxes comprises ;

- les frais d'expertise qui ont été mis à sa charge et qui s'élèvent à 26 078,42 euros, toutes charges comprises, doivent lui être remboursés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2021, la commune de Ricquebourg, représentée par le cabinet d'avocats Berthaud et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SCI B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la SCI B... n'est pas fondée à invoquer la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public dès lors qu'elle en est bénéficiaire pour l'évacuation de ses eaux pluviales, de sorte que la responsabilité sans faute de la commune ne saurait être engagée ;

- en tout état de cause, elle justifie de causes exonératoires tirées de l'existence d'une faute de la société et de la survenance d'un cas de force majeure ;

- les demandes indemnitaires de la SCI B... ne sont pas fondées.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une décision du 1er décembre 2021, la présidente de la cour a désigné M. A..., premier vice-président, pour statuer sur les appels formés devant la cour contre les décisions rendues par le juge des référés.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Ricquebourg, qui est située dans le département de l'Oise et est rattachée à la communauté de communes du pays des Sources, est traversée par la rivière Le Matz et par la route départementale n° 938 du nord au sud. Le 23 juin 2016, elle a fait l'objet d'intempéries d'une grande intensité, lesquelles ont provoqué des inondations sur son territoire et ont donné lieu à un arrêté interministériel du 26 juillet 2016 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ces intempéries ont notamment provoqué l'effondrement d'une partie du mur d'enceinte du château de Ricquebourg, propriété de la société civile immobilière (SCI) B..., lequel s'est écroulé en deux endroits, au droit du bief Bertin sur un linéaire de cent mètres et au droit du chemin rural du Cavin au Bois sur un linéaire de vingt mètres. La SCI B..., estimant que les dommages causés au mur d'enceinte de sa propriété engagent la responsabilité de la commune de Ricquebourg, a sollicité la réparation des dommages subis par elle à l'occasion de ces intempéries. A la demande de la commune, un géomètre-expert a remis un rapport d'études préliminaires le 14 avril 2017. Par une ordonnance en date du 22 février 2018, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a ordonné une expertise. L'expert a déposé son rapport le 4 novembre 2019. Après rejet par une décision implicite de sa demande préalable d'indemnisation en date du 7 janvier 2020, la SCI B... a, le 17 avril 2020, saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant, sur le terrain de la responsabilité sans faute, à l'allocation d'une provision, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, en réparation des désordres subis par elle à la suite de l'effondrement du mur de clôture de sa propriété. Par une ordonnance du 24 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la SCI B... au motif que l'existence de l'obligation dont elle se prévalait à l'encontre de la commune de Ricquebourg était sérieusement contestable. La SCI B... relève appel de cette ordonnance.

Sur la demande de provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

4. Il résulte de l'instruction que la SCI B... est propriétaire d'un château situé sur le territoire de la commune de Ricquebourg. Lors des fortes précipitations qui se sont abattues sur cette commune le 23 juin 2016, l'accumulation des eaux au niveau du passage du bief Bertin a conduit le service départemental d'incendie et de secours à faire procéder à l'écroulement d'une partie du mur de clôture d'une propriété voisine pour permettre la circulation des eaux et éviter une inondation des propriétés voisines. Toutefois, la poche d'eau ainsi libérée a entraîné l'effondrement d'une partie du mur de clôture de la propriété appartenant à la SCI B..., située en contrebas. Il résulte également de l'instruction que le bief Bertin traverse la RD 938 nommée rue du général Leclerc dans l'agglomération, via un collecteur, et est ensuite canalisé sur un peu moins de cent mètres à travers la propriété voisine dans un fossé qui poursuit le bief avant d'atteindre le mur d'enceinte de la propriété de la SCI B.... Le filet d'eau poursuit son cours sous le mur d'enceinte, traverse les pâtures de la SCI B... puis atteint enfin la rivière Le Matz. En l'espèce, la demande de la SCI porte, tant dans la demande préalable que dans la requête, sur les dommages résultant de la libération des eaux au niveau du bief Bertin. Or, il résulte de l'instruction que le bief Bertin collecte les eaux du bassin versant agricole forestier en amont du bourg ainsi que les eux de la propriété voisine et la propriété de la SCI B... au moyen de canalisations situées sur ces propriétés. La commune de Ricquebourg conteste, notamment, la qualité de tiers de la SCI B... par rapport à cet ouvrage. Compte tenu de la fonction du bief qui traverse plusieurs propriétés en empruntant des ouvrages dont le caractère public n'est pas établi, la qualité de tiers de la SCI B... par rapport à un ouvrage public qui serait la cause directe des dommages dont elle demande réparation, ne peut être tenue pour établie avec un degré de certitude suffisant. En conséquence, l'obligation dont se prévaut la SCI B... envers la commune de Ricquebourg ne présente pas, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, de rejeter la demande de provision présentée par la SCI B....

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de la SCI B..., qui a la qualité de partie perdante, tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Ricquebourg au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI B... le versement à la commune de Ricquebourg d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la SCI B... est rejetée.

Article 2 : La SCI B... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Ricquebourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SCI B... et à la commune de Ricquebourg.

Fait à Douai le 13 juillet 2022.

Le premier vice-président,

Juge des référés

Signé : Christian A...

La République mande et ordonne au préfet de l'Oise, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Bénédicte Gozé

N°21DA00587 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 21DA00587
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET BERTHAUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-07-13;21da00587 ?
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