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12/07/2022 | FRANCE | N°22DA00562

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 12 juillet 2022, 22DA00562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Territoires soixante-deux a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois à lui verser, à titre principal, une provision d'un montant de 4 950 000 euros correspondant à la moitié de son déficit opérationnel, et à titre subsidiaire, une provision d'un montant de 3 559 976,78 euros correspondant à la moitié de son déficit d

e trésorerie.

Par une ordonnance n° 2107470 du 22 février 2022, la juge des réf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Territoires soixante-deux a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois à lui verser, à titre principal, une provision d'un montant de 4 950 000 euros correspondant à la moitié de son déficit opérationnel, et à titre subsidiaire, une provision d'un montant de 3 559 976,78 euros correspondant à la moitié de son déficit de trésorerie.

Par une ordonnance n° 2107470 du 22 février 2022, la juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ainsi que la demande de la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mars et 21 avril 2022, et par un mémoire, enregistré le 30 juin 2022, qui n'a pas été communiqué, la société Territoires soixante-deux, représentée par Me Salamand, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois à lui verser, à titre principal, une provision d'un montant de 4 950 000 euros correspondant à la moitié de son déficit opérationnel, à titre subsidiaire, une provision d'un montant de 3 559 976,78 euros correspondant à la moitié de son déficit de trésorerie ;

3°) de rejeter la demande de la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois tendant à ce que le versement de la provision soit subordonné à la constitution d'une garantie ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est insuffisamment motivée ;

- le juge des référés a méconnu les dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative en refusant d'interpréter le contrat et en retenant que les montants étaient vivement contestés en défense ;

- sa demande devant le tribunal administratif est recevable, dès lors qu'elle a adressé une réclamation préalable par un courrier du 12 octobre 2020, qui a été implicitement rejetée ;

- les conditions d'ouverture des négociations prévues par l'article 2 de l'avenant n°5 à la convention publique d'aménagement étaient satisfaites au 13 décembre 2019, lorsqu'elle a adressé sa demande à la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois ; cette date constitue la date d'ouverture de la période de négociations de six mois pour conclure le cas échéant un avenant ;

- cette période de six mois ayant pris fin le 14 juin 2020, la résiliation de la convention est acquise à cette date ; une nouvelle période de six mois s'est ouverte pour fixer les conditions de prise en charge du déficit ; la communauté d'agglomération doit nécessairement être regardée comme débitrice d'une obligation non contestable tendant au versement d'une avance de déficit et de trésorerie ;

- en application de l'article 9 de l'avenant n°5, elle a droit à une avance couvrant la moitié du déficit, dans l'attente du jugement définitif, correspondant à la somme de 4 950 000 euros ;

- en tout état de cause, elle a droit, à l'expiration de la convention, à une avance sur trésorerie, correspondant à la somme de 3 559 976,78 euros ;

- la demande de garantie présentée par la communauté d'agglomération n'est pas fondée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 avril et 22 juin 2022, la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois (CA2BM), représentée par Me Vamour, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de requête ;

2°) en cas de condamnation, à ce que le versement de la provision soit subordonné à la constitution d'une garantie par la société Territoires soixante-deux ;

3°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Territoires soixante-deux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est suffisamment motivée ;

- en cas d'évocation, la demande de provision présentée devant le tribunal administratif est, en tout état de cause, irrecevable dès lors que le courrier du 12 octobre 2020, étant incomplet, ne peut être qualifié de demande indemnitaire préalable ;

- en tout état de cause, la saisine du juge des référés est tardive, la prétendue demande indemnitaire ayant été rejetée dans un courrier du 28 octobre 2020 ; à supposer que ce courrier ne vaille pas décision explicite de rejet, une décision implicite de rejet serait née le 12 décembre 2020 ; les dispositions de l'article R. 421-5 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas applicables en l'espèce ;

- l'obligation est sérieusement contestable dès lors que les conditions prévues à l'article 1er de la convention, modifié par l'avenant n°5, ne sont pas réunies ; l'annulation du permis d'aménager ne remet pas en cause l'opération et pouvait être surmontée sans conclure un nouvel avenant ; les deux phases précontentieuses prévues à l'article 1er de la convention n'ont pas été menées ; la résiliation n'est, dès lors, aucunement acquise ;

- le montant de la provision réclamée n'est pas établi ; le quantum est incertain dès lors que le montant du déficit opérationnel inclut l'intégralité du forfait de rémunération de l'aménageur alors qu'il n'a pas accompli le quart de la prestation attendue ; ce forfait aurait été retraité au prorata des prestations effectivement accomplies ;

- le montant du déficit repose également sur une valorisation insincère du foncier, l'évaluation ayant été faite au prix du terrain constructible alors qu'aucun n'est en l'état constructible ;

- le risque d'insolvabilité de la société Territoire soixante-deux étant établi, il y a lieu de conditionner, le cas échéant, la provision à une consignation ou à la présentation d'une garantie bancaire à première demande.

Par une décision du 1er décembre 2021, la présidente de la cour a désigné M. A..., premier vice-président, pour statuer sur les appels formés devant la cour contre les décisions rendues par le juge des référés

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de la seule obligation invoquée devant lui par la partie qui demande une provision, sans tenir compte d'une éventuelle créance distincte que le défendeur détiendrait sur le demandeur.

2. Par une délibération du 22 février 2002, la communauté de communes Mer et Terres d'Opale a approuvé la création sur son territoire de la zone d'aménagement concertée (ZAC) dénommée Parc Opalopolis. Le 10 octobre 2003, la communauté de communes et la société d'économie mixte Sepac ont signé une convention publique d'aménagement portant sur l'aménagement de 70 hectares du futur parc d'activités. Cette convention a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2027 et a fait l'objet de cinq avenants. La société Territoires soixante-deux a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de condamner la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois (CA2BM), qui a succédé à la communauté de communes Mer et Terres d'Opale, à lui verser, à titre principal, une provision d'un montant de 4 950 000 euros correspondant à la moitié du déficit opérationnel résultant de l'opération d'aménagement et, à titre subsidiaire, une provision d'un montant de 3 559 976,78 euros correspondant à la moitié du déficit de trésorerie résultant de l'opération d'aménagement. La société Territoires soixante-deux relève appel de l'ordonnance du 22 février 2022 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de provision, d'examiner si les moyens qui lui sont présentés par le défendeur, quels qu'ils soient, conduisent, ou non, à regarder comme sérieusement contestable l'obligation invoquée à l'encontre de ce dernier.

4. Pour rejeter la demande de provision, la juge des référés du tribunal administratif de Lille, après avoir cité les stipulations de l'article 1er et de l'article 25 de la convention publique d'aménagement modifié par un avenant n°5 et exposé les éléments avancés par les parties quant aux conditions de leur mise en œuvre et application, a estimé qu'eu égard à son office rappelé au point 2 de cette ordonnance, la détermination de l'existence de la créance nécessitait une interprétation des stipulations du contrat par le juge ainsi qu'une analyse des montants demandés, dont les modalités de calcul font l'objet d'une vive contestation en défense dont elle a relevé les axes. Ce faisant, elle a suffisamment motivé son ordonnance.

5. Si la société Territoires soixante-deux reproche au premier juge d'avoir méconnu son office en n'interprétant pas les stipulations du contrat ou en ne procédant pas à l'analyse du montant de la provision réclamée, une telle critique, qui affecte le bien-fondé de l'ordonnance attaquée, est sans incidence sur sa régularité.

Sur la demande de provision :

6. Aux termes de l'article 1er " Objet de l'opération " de la convention publique d'aménagement liant la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois à la société Territoires soixante-deux, tel que modifié par l'article 2 de l'avenant n°5 signé le 3 avril 2015 : " (...) / Si le programme de l'opération, ses conditions de financement et son calendrier, tels que définis en annexes n° 1, 2 et 3 venaient à être remis en cause du fait de la collectivité concédante, des autres personnes publiques ou privées destinataires des ouvrages, ou pour toutes autres raisons (dont notamment le fait que un ou plusieurs document(s) de planification ne permette(nt) pas ou plus la réalisation du programme de l'opération), un avenant interviendrait pour prendre acte des modifications et de leurs conséquences programmatiques, financières et calendaires. / Dans le cas où, au terme d'une période de six mois laissée à la négociation entre les parties, ces dernières n'auraient pu parvenir à un accord permettant de signer un avenant pour maintenir le présent contrat et ainsi remédier aux conséquences de la survenance d'un aléa, la partie la plus diligente saisira le tribunal compétent afin que ce dernier prononce la résiliation du contrat et examine les modalités juridiques et financières de l'expiration anticipée de ce dernier conformément aux dispositions de l'article 25.1.3 relatives à l'expiration anticipée. ". Aux termes de l'article 25.1.3 de cette convention, tel que modifié par l'article 9 de l'avenant n°5 signé le 3 avril 2015 : " (...) Dans le cas d'une expiration avant le terme prévu à l'article 5 du contrat : (...) Si (...) les comptes définitifs sont déficitaires, Dans le cas où le contrat ne pourrait être mené à son terme pour toutes causes (autre que de la demande de résiliation formulée par la collectivité), les parties s'engagent sous un délai de six mois à convenir des modalités de prise en charge du déficit. / Si au-delà d'un délai de six mois, un accord entre les parties n'est pas intervenu, la partie la plus diligente (concédant ou aménageur) saisira le tribunal compétent afin que ce dernier examine les modalités financières de l'expiration du contrat. Dans l'attente du jugement définitif, la collectivité versera à l'aménageur une avance couvrant la moitié de ce déficit. (...) avant la validation des comptes de clôture et dès l'expiration du contrat, l'aménageur aura le droit, en cas d'insuffisance de trésorerie de l'opération et de sommes dues par la collectivité, à une avance suffisante pour couvrir la moitié de cette insuffisance de trésorerie, et notamment pour lui permettre d'assurer le paiement des dépenses exigibles avant l'expiration de la concession d'aménagement. ".

7. A la suite du refus du conseil communautaire de la CA2BM, par une délibération adoptée lors de la séance du 18 novembre 2019 au cours de laquelle a été examiné le compte rendu d'activités au concédant de l'année 2018, de garantir le nouvel emprunt de 5 millions d'euros, qu'entendait souscrire la société Territoires soixante-deux, cette dernière a, par un courrier du 13 décembre 2019, informé la CA2BM qu'elle entendait appliquer les stipulations de l'article 2 de l'avenant n°5 de la convention publique d'aménagement et que la notification de ce courrier faisait courir la période de six mois prévue pour les négociations en vue de parvenir, le cas échéant, à un accord sur la conclusion d'un nouvel avenant. L'annulation des permis d'aménager des 22 août 2011 et 2 juillet 2018 du maire d'Etaples, par un jugement du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Lille, confirmé par la cour dans un arrêt du 9 février 2021, a, selon l'appelante, remis en cause le " programme de l'opération, ses conditions de financement et son calendrier ". En réponse, la CA2BM a contesté la mise en œuvre de ces stipulations revendiquées par le concessionnaire. A l'issue de cette période de six mois et faute d'avenant, la société Territoires soixante-deux a, par un courrier du 12 octobre 2020, informé la CA2BM que le terme anticipé de la convention publique d'aménagement était donc acquis au 14 juin 2020 et qu'une nouvelle période de six mois s'ouvrait pour fixer les modalités de prise en charge du déficit opérationnel. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, avec un degré suffisant de certitude, que la survenance de l'annulation du permis d'aménager aurait remis en cause l'opération, ses conditions de financement et son calendrier alors que l'emprise concernée d'une superficie de 12 hectares sur les 54 hectares à aménager, en partie imperméabilisée, desservie et déjà en partie bâtie, aurait pu faire éventuellement l'objet d'un nouveau permis d'aménager comme le soutient la CA2BM. Par ailleurs, il résulte, au demeurant, de l'instruction que le bilan de l'opération présentait, avant même cette annulation des permis d'aménager, un caractère dégradé, la société Territoires soixante-deux ayant envisagé ab initio de contracter un nouvel emprunt de 5 millions d'euros, garanti par le concédant, ainsi que cela ressort de son compte-rendu d'activités au titre de l'année 2018. Dès lors, il existe une contestation sérieuse sur l'application des stipulations, citées au point précédent, de la convention publique d'aménagement. Ainsi, l'existence de l'obligation de la CA2BM envers la société Territoires soixante-deux ne présente pas, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposée en défense, de rejeter la demande de provision présentée par la société Territoires soixante-deux.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la CA2BM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Territoires soixante-deux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Territoires soixante-deux une somme de 2 000 euros à verser à la CA2BM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Territoires soixante-deux est rejetée.

Article 2 : La société Territoires soixante-deux versera à la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Territoires soixante-deux et à la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois (CA2BM).

Fait à Douai le 12 juillet 2022.

Le premier vice-président,

juge des référés

Signé : Christian A...

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Bénédicte Gozé

2

N°22DA00562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 22DA00562
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : FIDUCIAL LEGAL BY LAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-07-12;22da00562 ?
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