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26/04/2022 | FRANCE | N°21DA00446

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 26 avril 2022, 21DA00446


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 24 décembre 2018 de la directrice du centre pénitentiaire de Liancourt lui retirant son permis de visite.

Par un jugement n° 1900595 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Il soutient ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 24 décembre 2018 de la directrice du centre pénitentiaire de Liancourt lui retirant son permis de visite.

Par un jugement n° 1900595 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif d'Amiens.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 24 décembre 2018 pour être fondée sur des faits matériellement inexacts alors que le détenu a admis implicitement la nature sexuelle du comportement adopté avec sa compagne lors du parloir du 18 décembre 2018, ce qui a été constaté par un personnel assermenté ;

- la décision contestée n'est entachée d'aucune erreur de droit, le dépôt de plainte sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale n'étant pas une condition de validité de la décision d'annulation d'un permis de visite.

La requête a été communiquée à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 22 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un incident qui s'est déroulé le 8 décembre 2018 au parloir lors de la visite de Mme A... à son conjoint, M. (D...(B..., incarcéré au centre pénitentiaire de, la directrice de ce centre pénitentiaire a retiré à Mme A... son permis de visite, par une décision du 24 décembre 2018, après l'avoir suspendu à titre provisoire le 10 décembre 2018. Le ministre de la justice relève appel du jugement du 24 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de Mme A..., annulé cette décision.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article 35 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. / L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. / (...) ". L'article R. 57-8-15 du code de procédure pénale dispose que : " (...) Le surveillant peut mettre un terme à la visite pour des raisons tenant au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 57-8-10 du même code : " Pour les personnes condamnées, incarcérées en établissement pénitentiaire ou hospitalisées dans un établissement de santé habilité à recevoir des personnes détenues, les permis de visite sont délivrés, refusés, suspendus ou retirés par le chef de l'établissement pénitentiaire. "

3. Il résulte de ces dispositions que les décisions tendant à restreindre ou supprimer les permis de visite relèvent du pouvoir de police des chefs d'établissements pénitentiaires. Ces mesures de police, qui affectent directement le maintien des liens des personnes détenues avec leurs proches, tendent au maintien du bon ordre et de la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou à la prévention des infractions.

4. Pour annuler la décision du 24 décembre 2018 par laquelle la directrice du centre pénitentiaire de Liancourt a retiré le permis de visite de Mme A..., les premiers juges ont, après avoir constaté que le garde des sceaux, ministre de la justice, était réputé avoir acquiescé aux faits invoqués par l'intéressée, considéré que la décision contestée était fondée sur des faits matériellement inexacts. Toutefois, le garde des sceaux, ministre de la justice a produit pour la première fois devant la cour, comme il l'avait au demeurant fait après clôture de l'instruction devant les premiers juges, le compte-rendu d'incident établi et signé par le surveillant ayant constaté le 8 décembre 2018 avoir vu le détenu " avoir une relation sexuelle avec sa visiteuse, Mme A... ", au cours de sa ronde famille à 9 heures 35, en présence des deux enfants du détenu. Les seules dénégations des intéressés, devant la commission de discipline s'agissant de M. B... et, devant les premiers juges s'agissant de Mme A..., ne sauraient suffire à démontrer l'inexactitude des faits ainsi constatés par un personnel assermenté de l'administration pénitentiaire. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision de retrait du permis de visite de Mme A... du 24 décembre 2018. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A... en première instance.

Sur l'autre moyen soulevé par Mme A... :

5. Mme A... doit être regardée comme ayant soulevé en première instance, outre le moyen tiré de l'erreur de fait, le moyen tiré de l'erreur de droit en faisant valoir qu'aucun dépôt de plainte en application de l'article 40 du code de procédure pénale n'a été déposé. Toutefois, il ne résulte d'aucune des dispositions précitées de l'article 35 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire, des articles R. 57-8-15 et R. 57-8-10 du code de procédure pénale ni d'aucun principe qu'une décision de retrait de permis de visite prise par le chef d'établissement pénitentiaire doive être précédée d'un avis au procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Il suit de là que ce moyen ne peut qu'être écarté comme étant inopérant.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision de la directrice du centre pénitentiaire de Liancourt du 24 décembre 2018 retirant à Mme A... son permis de visite.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900595 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme C... A....

Copie sera adressée à la directrice du centre pénitentiaire de Liancourt.

Délibéré après l'audience publique du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Muriel Milard, première conseillère,

- Mme Anne Khater, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : A. KhaterLa présidente de la formation de jugement,

Signé : A. Chauvin

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°21DA00446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00446
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-26;21da00446 ?
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