Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 11 juin 2018 par laquelle le préfet de l'Eure a refusé de procéder à l'activation des droits à paiement de base (DPB) transférés par M. C... B... à son profit.
Par un jugement n°1803114 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2020, M. B..., représenté par Me Leroux-Bostyn, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision du 11 juin 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de le réintégrer dans ses droits quant aux 75,18 DPB qu'il a perdus et d'ordonner leur transfert à son profit ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il appartenait à l'administration de lui demander de régulariser une clause de transfert de droits et de lui proposer un formulaire à cet effet, lequel n'était pas disponible pour la campagne 2016 ;
- il ne peut lui être reproché une erreur ou un oubli alors que l'administration aurait dû l'alerter et qu'il avait pris soin de prendre l'attache de la direction départementale des territoires et de la mer ;
- la circonstance que le relevé de situation avec le nombre de DPB activés et le montant total des primes soit disponible sur Internet est sans incidence dès lors que les exploitants agricoles n'ont pas l'obligation de suivre leur déclaration sur Télépac ;
- ce défaut d'information constitue une faute de l'administration à l'origine d'un important préjudice financier ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il a formulé des conclusions indemnitaires en chiffrant ce préjudice financier à environ 16 000 euros par an de 2016 à 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le règlement délégué (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 641/2014 de la Commission du 16 juin 2014 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d'application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l'admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l'agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui exploitait 98 hectares de terres agricoles sur la commune de Marbois (Eure), a repris au cours du mois de décembre 2015 l'exploitation de son père, M. C... B..., d'une surface de 73 hectares. Le 3 mai 2016, il a procédé à sa déclaration " politique agricole commune " (PAC) au titre de la campagne 2016, via le système Telepac, pour une superficie totale de 171 hectares correspondant à la surface déclarée en 2015 de son exploitation et celle issue de cette reprise familiale. L'agence de services et de paiement lui a versé, courant octobre 2016, une somme de 23 173,83 euros à titre d'apport de trésorerie remboursable, dont le montant a été calculé sur la base des aides découplées et des aides bovines qui lui avaient été versées en 2015. Au cours du mois de juillet 2017, il n'a pas reçu, au titre de la campagne PAC de l'année 2016, le montant des aides correspondant aux surfaces reprises de l'exploitation de son père. Le 22 mai 2018, son conseil a demandé au directeur départemental des territoires et de la mer de l'Eure de lui indiquer les modalités pour que ces droits à paiement de base (DPB) lui soient transférés. Par une décision du 11 juin 2018, le préfet de l'Eure lui a indiqué que s'agissant de la campagne 2016, il ne lui était plus possible d'en bénéficier faute pour lui d'avoir déposé un formulaire de clause de transfert de doits en temps utile et que pour les campagnes ultérieures, les 73 hectares étaient remontés en réserve en l'absence d'activation des DPB. M. B... relève appel du jugement du 12 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article 34 du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil : " 1. Les droits au paiement ne peuvent être transférés qu'à un agriculteur établi dans le même État membre qui a le droit de se voir octroyer des paiements directs conformément à l'article 9, sauf en cas d'héritage ou d'héritage anticipé. Les droits au paiement, y compris en cas d'héritage ou d'héritage anticipé, ne peuvent être activés que dans l'État membre où ils ont été attribués. (...) ". L'article 4 du même règlement dispose : " 1. Au titre du présent règlement, on entend par : (...) n) " transfert ", le bail, la vente, l'héritage ou l'héritage anticipé de terres ou de droits au paiement ou tout autre transfert définitif ; le terme ne couvre pas le reversement de droits à l'expiration d'un bail ". Aux termes de l'article 8 du règlement (UE) n° 641/2014 de la Commission du 16 juin 2014 fixant les modalités d'application du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune : " En cas de transfert au titre de l'article 34 du règlement (UE) n° 1307/2013, le cédant notifie le transfert à l'autorité compétente dans un délai fixé par l'État membre. (...) " et aux termes de l'article 9 du même règlement : " 1. Sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, aux fins de l'article 31, paragraphe 1, point a) ou b), du règlement (UE) n° 1307/2013, les droits au paiement inutilisés sont considérés comme ayant été reversés à la réserve nationale ou régionale le jour suivant la date limite que la Commission fixe sur la base de l'article 78, point b), du règlement (UE) n° 1306/2013 pour la modification de la demande unique au titre du régime de paiement de base au cours de l'année civile où expire la période visée à l'article 31, paragraphe 1, point a) ou b), du règlement (UE) n° 1307/2013". Il résulte de ces dispositions que pour pouvoir bénéficier de l'activation de droits à paiement de base par transfert, l'administration doit avoir été informée d'un tel transfert.
3. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d'application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l'admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l'agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015, qui fixe les modalités de dépôt de demande et l'admissibilité des surfaces : " La date limite de dépôt, à laquelle la demande unique doit être complétée et signée par voie électronique sur le site des téléservices des aides de la politique agricole commune, est fixée au 31 mai pour la campagne 2017 et au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures (...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " (...) La date limite de dépôt à laquelle la demande d'attribution de droits au paiement ou d'augmentation de la valeur des droits au paiement au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l'agriculture du département dans lequel se situe le siège de l'exploitation est fixée au 15 juin pour la campagne 2016 (...) ".
4. Il est constant que M. B..., qui a repris en décembre 2015 l'exploitation de son père, a déclaré au titre de la campagne 2016 et au titre de la campagne PAC 2017, 171 hectares de terres comprenant outre les 98,53 hectares de son exploitation déclarés en 2015, les 73 hectares issus de cette reprise. Il n'est pas contesté qu'il n'a pas joint à sa demande qu'il a déposée via le système Télépac, et n'a pas notifié aux services compétents, une clause de transfert de DPB avant la date limite fixée dans l'arrêté précité. Or, il ressort des pièces du dossier que les accusés de réception des dossiers PAC 2016 et PAC 2017 mentionnaient parmi les pièces justificatives à fournir à la direction départementale des territoires et de la mer s'agissant des DPB, la " demande de prise en compte d'un transfert DPB, le cas échéant ". En outre, un formulaire était disponible sur le site Telepac à cette fin à la date de sa demande, au titre de la campagne 2016. La fiche information Telepac que le requérant a signée le 3 mai 2016 renvoyait à ce site de référence et lui indiquait que l'imprimé " clauses DPB " pouvait y être récupéré, le préfet de l'Eure produisant d'ailleurs en première instance une notice explicative des clauses permettant les transferts de droits à paiement de base à partir du 16 juin 2015. Le requérant ne peut dès lors soutenir que l'absence de transmission de la clause de transfert ne résulte pas de son fait, alors en outre qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration de l'informer davantage, ni de l'inviter à régulariser sa demande en présence d'une déclaration de surfaces supérieures à celle de la campagne 2015. Dans ces conditions, en l'absence de notification aux services compétents lors des deux campagnes suivant la reprise des terres, du formulaire de demande de transfert de DPB en vue de l'activation de ces droits, le préfet était fondé, pour ce motif, à rejeter la demande de M. B.... Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration a commis une faute à l'origine du préjudice financier qu'il estime avoir subi en raison de la perte des DPB transférés.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme A... D..., présidentede chambre,
Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,
Mme Muriel Milard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.
La présidente-rapporteure,
Signé : A. Chauvin
La présidente de chambre,
Signé : A. D...
La greffière,
Signé : A.-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°20DA01216