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01/02/2022 | FRANCE | N°20DA00981

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 01 février 2022, 20DA00981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aviva Assurances et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine à verser à la société Aviva Assurances une somme de 30 902,48 euros et à M B..., une somme de 11 151,69 euros en réparation des préjudices résultant des inondations survenues à Bolbec, le 18 juillet 2014, à titre subsidiaire, de condamner la société Eaux de Normandie au versement de ces sommes.

Par un jugement n°180

0895 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a condamné la communauté d'aggl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aviva Assurances et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine à verser à la société Aviva Assurances une somme de 30 902,48 euros et à M B..., une somme de 11 151,69 euros en réparation des préjudices résultant des inondations survenues à Bolbec, le 18 juillet 2014, à titre subsidiaire, de condamner la société Eaux de Normandie au versement de ces sommes.

Par un jugement n°1800895 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a condamné la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine au versement d'une somme de 26 887,43 euros à la société Aviva Assurances au titre des indemnités versées à son assuré en réparation des préjudices résultant des dommages causés par les inondations du 18 juillet 2014 et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2020, la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine, représentée par Me Sagalovitsch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société Aviva Assurances et de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de la société Aviva Assurances et de M. B... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Jean Richardeau, représentant la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 juillet 2014, plusieurs habitations et commerces du centre-ville de la commune de Bolbec ont subi des inondations à la suite d'un violent orage. M. A... B..., qui exerçait alors l'activité de photographe rue Georges Lemaistre, a établi une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société Aviva Assurances, qui l'a indemnisé au titre du contrat multirisque professionnel d'une partie de ses préjudices. La compagnie d'assurances Groupama, assureur de la communauté de communes devenue communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine, a toutefois refusé de garantir son assuré et de prendre en charge les conséquences du sinistre survenu le 18 juillet 2014. Par courrier du 28 décembre 2017, la société Aviva Assurances a adressé à la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine une demande tendant au règlement de la somme totale de 42 054,17 euros représentant, à hauteur de 30 902,48 euros, les sommes versées à son assuré et, à hauteur de 11 151,69 euros, un découvert resté à la charge de ce dernier. En l'absence de réponse, la société Aviva Assurances et M. B... ont saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à l'indemnisation de leurs préjudices respectifs. La communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine relève appel du jugement n°1800895 du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser une somme de 26 887,43 euros à la société Aviva Assurances au titre des indemnités versées à son assuré liées aux préjudices résultant des dommages causés par les inondations du 18 juillet 2014. M. B..., dont les conclusions ont été rejetées par le même jugement pour irrecevabilité, en sollicite l'annulation et demande que, par la voie de l'évocation, la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine, soit condamnée à lui verser une somme de 11 151,69 euros en réparation de ses propres préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". La condition tenant à l'existence d'une décision de l'administration doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle, régularisant ce faisant la requête.

3. Aux termes de l'article 1984 du code civil : " Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. ". Aux termes de l'article L. 127-1 du code des assurances : " Est une opération d'assurance de protection juridique toute opération consistant, moyennant le paiement d'une prime ou d'une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d'assurance, en cas de différend ou de litige opposant l'assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l'assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l'objet ou d'obtenir réparation à l'amiable du dommage subi. ". Aux termes de l'article L. 121-12 du même code : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.(...) ".

4. Il résulte de l'instruction que par courrier du 28 décembre 2017, la société Aviva Assurances a réclamé à la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine le règlement de la somme de 42 054,17 euros en précisant avoir versé contractuellement 30 092,48 euros, " un découvert de 11 151,69 étant resté à la charge de l'assuré ". Or, ni ce courrier, ni la déclaration de sinistre adressée par M. B... à son assureur ne mentionnait une garantie de " protection juridique ". Il n'est d'ailleurs pas allégué que M. B... aurait souscrit auprès de la société Aviva Assurances un contrat d'assurance comportant une telle garantie. Si M. B... verse aux débats devant la cour un mandat exprès daté du 14 mars 2018 par lequel il a autorisé son assureur à " engager une procédure judiciaire en son nom suite au sinistre dégâts des eaux du 18 juillet 2014 contre la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine(...) ", ce mandat, délivré au demeurant postérieurement au courrier du 28 décembre 2017 et dont l'objet ne porte que sur l'engagement d'une procédure judiciaire, ne peut être regardé comme ayant habilité son assureur à former, en son nom, une demande préalable indemnitaire auprès de l'auteur responsable du dommage. Par conséquent, le rejet implicite par la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine de la demande formulée par la société Aviva Assurances n'avait pas lié le contentieux à l'égard de M. B... pour le reliquat restant à recouvrer. La production de ce mandat, pour la première fois en appel, n'est pas de nature à régulariser sa demande présentée devant le tribunal administratif.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a déclaré sa demande irrecevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'organisation d'une expertise avant dire droit :

6. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision ". La prescription d'une mesure d'expertise est subordonnée au caractère utile de cette mesure. Il appartient au juge, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en réparation ou de sa propre initiative, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon le demandeur, la mesure sollicitée.

7. Il résulte de l'instruction qu'un rapport a été établi par un expert de la société Saretec le 19 janvier 2015, à l'initiative de la société Aviva Assurances, à la suite d'une réunion du 15 janvier 2015 à laquelle ont participé M. B..., la direction des services techniques de la ville de Bolbec, la société Eaux de Normandie, la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine et un expert désigné par l'assureur de cette dernière. Par ailleurs un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances des inondations et à l'évaluation des dommages a été établi le 25 juin 2015 après une réunion d'expertise contradictoire à laquelle étaient présents les représentants des assureurs des parties. Ce document signé constate que l'inondation survenue dans la boutique de M. B... résulte de la montée en charge de la rivière Le Bolbec, canalisée en souterrain, qui n'a pu absorber les eaux de ruissellement en provenance des surfaces imperméabilisées de la ville et/ou de la saturation du réseau des égouts. Ce constat précise que " malgré la récurrence des inondations survenant à Bolbec, il n'existe aucun plan de prévention du risque inondation ".

8. La communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine fait valoir que cette expertise amiable, réalisée par l'assureur de M. B..., ne présente pas de garanties suffisantes d'objectivité. Si elle soutient que l'expert qui a rédigé le rapport du 19 janvier 2015 exerce pour le compte d'une société, Saretec, elle-même mandatée par Aviva Assurances, cette seule circonstance ne suffit pas par elle-même à le faire regarder comme ayant manqué d'impartialité dans l'exercice de la mission confiée. L'appelante ne justifie pas de conditions caractérisant un lien de subordination de cet expert vis-à-vis de la compagnie d'assurance de la victime alors en outre que lorsqu'un expert en assurances effectue des missions d'expertise pour une société d'assurance, il conserve son indépendance. Il résulte de l'instruction que le rapport établi en toute indépendance, le 19 janvier 2015, à la suite d'une réunion contradictoire, est suffisant pour déterminer l'origine des désordres, alors même que les parties ne se sont pas accordées sur celle-ci, et le dossier dont disposait les premiers juges leur permettait de se prononcer, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise judiciaire. La communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'expertise.

En ce qui concerne la responsabilité de la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine :

9. Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, le maitre d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement.

10. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expertise amiable du 19 janvier 2015, établi en toute indépendance, et du procès-verbal de constatations précité, dressé de manière contradictoire et signé par les assureurs des parties, que l'inondation du local commercial exploité par M. B... survenu le 18 juillet 2014 à la suite d'importantes précipitations trouve sa cause dans le fait que la rivière Le Bolbec n'a pu absorber les eaux de ruissellement en provenance des surfaces imperméabilisées de la ville, causant le refoulement des égouts de la ville. Pour contester l'engagement de sa responsabilité, la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine persiste à se prévaloir des travaux effectués de 2001 à 2014 pour retenir et stocker les eaux de pluie en cas d'orages et se borne à soutenir, sans au demeurant apporter aucune pièce pour en justifier, que les bassins réalisés auraient montré leur efficacité dès lors qu'ils n'étaient pas à saturation lors de l'épisode pluvieux du 18 juillet 2014. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'écarter l'existence du lien de causalité qui est établi entre la saturation du réseau des égouts de la ville dont la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine a la garde et les préjudices subis par M. B..., tiers à cet ouvrage public. La communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine ne peut davantage utilement soutenir que l'entretien du cours d'eau Le Bolbec ne lui incombait pas. Dans ces conditions sa responsabilité est engagée en raison des dommages subis par M. B... qui sont directement liés à la défaillance de son réseau.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a retenu sa responsabilité et l'a condamnée au versement de la somme non contestée de 26 887,43 euros à la société Aviva Assurances au titre des indemnités versées à son assuré en réparation des préjudices résultant des dommages causés par les inondations du 18 juillet 2014.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Aviva Assurances, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées au même titre par M. B... et les sociétés Aviva Assurances et Eaux de Normandie.

D É C I D E

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Eaux de Normandie, la société Aviva Assurances et M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la communauté d'agglomération Caux Vallée de Seine, la société Aviva Assurances, à M. B..., et à la société Eaux de Normandie.

2

N° 20DA00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00981
Date de la décision : 01/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Qualité pour agir.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP LONQUEUE-SAGALOVITSCH- EGLIE RICHTERS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-01;20da00981 ?
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