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21/12/2021 | FRANCE | N°21DA00040

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 décembre 2021, 21DA00040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours en fixant son pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et

familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours en fixant son pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par un jugement n° 2001902 du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a interdit Mme D... le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, Mme C... D..., représentée par Me Bérangère Gravelotte, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours en fixant son pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente, dans un délai de huit jours sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante algérienne née le 17 août 1987, s'est mariée le 23 août 2017, devant l'officier d'état civil du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères à Tizi Ouzou (Algérie), à M. A... B..., ressortissant français. Elle est entrée en France le 11 mai 2018 munie d'un visa de long séjour valable jusqu'au 5 novembre 2018, en qualité de famille E.... Le 6 avril 2019, elle a sollicité, suite à la rupture de la vie commune avec son époux, son admission au séjour sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement réputé contradictoire du 26 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a annulé son mariage avec M. B..., au motif de l'absence d'intention matrimoniale. Puis, par un arrêté du 30 avril 2020, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme D..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours en fixant son pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une année. Par un jugement du 18 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il a interdit Mme D... de retour sur le territoire français. Mme D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours à destination de l'Algérie.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée sur le territoire français, le 11 mai 2018, immédiatement après la transcription de son mariage avec M. B..., ressortissant français, qu'elle a épousé en Algérie le jour de leur première rencontre, le 23 août 2017 après avoir fait connaissance sur les réseaux sociaux. Le 31 mai 2018, elle a d'abord sollicité un titre de séjour en qualité de conjoint E... puis, après avoir déposé plainte pour violences conjugales le 21 aout 2018 et quitté le domicile conjugal, elle a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, le 6 avril 2019. Par un jugement réputé contradictoire à son égard du 26 septembre 2019, qui lui a été notifié le 16 juillet 2020, le tribunal de grande instance de Marseille a annulé son mariage au motif de l'absence d'intention matrimoniale, Mme D... ayant été regardée comme animée d'un but uniquement migratoire. Au soutien de sa demande de certificat de résidence, Mme D... invoque notamment sa bonne intégration professionnelle sur le territoire français et la présence de ses parents et de l'un de ses frères, tous titulaires d'une carte de résident pluriannuelle. Toutefois, à la date de l'arrêté attaqué, Mme D... ne résidait en France que depuis deux années. Elle n'établit pas l'intensité de ses liens en France alors que les membres de sa famille titulaires d'une carte de résident y vivent déjà depuis de nombreuses années. Mme D... n'établit pas non plus être dépourvue d'attaches en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans et où y résident encore ses trois autres frères et sœur. Dans ces conditions, compte tenu notamment de la brièveté de son séjour et de ses conditions d'entrée sur le territoire français, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, d'une part, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. D'autre part, si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer l'instruction du 9 septembre 2011 qui met en œuvre les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. En l'espèce, Mme D... fait valoir qu'elle a subi des violences physiques et psychologiques régulières de la part de son époux. Toutefois, ni le dépôt de plainte, ni l'ordonnance médicale et les justificatifs de suivi psychologique qu'elle produit ne permettent de tenir pour établis les faits de violences dont elle se prévaut alors qu'à l'inverse, M. B... a obtenu l'annulation de leur mariage au motif de l'intention purement migratoire de Mme D.... Dans ces conditions et compte tenu des éléments de fait relatifs à la situation personnelle de Mme D... énoncés au point 3 du présent arrêt, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission au séjour de Mme D... qui ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions des article L. 313-12 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième et dernier lieu, Mme D... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dont les énonciations ne constituent pas des lignes directrices invocables devant le juge.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour pour demander l'annulation de la décision d'éloignement.

9. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 3 et 6 du présent arrêt que le préfet de la Seine-Maritime n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ni aucune atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en obligeant Mme D... à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision d'éloignement pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

11. Mme D..., qui se borne à faire valoir qu'un retour en Algérie lui ferait encourir un risque de traitement inhumain dès lors que les violences qu'elle a subies la placeraient au ban de la société, ne fait état d'aucun élément de nature à démontrer qu'elle serait réellement exposée à un tel risque en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., au ministre de l'intérieur et à Me Bérengère Gravelotte.

3

N°21DA00040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00040
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : GRAVELOTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-21;21da00040 ?
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