Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 201198, 201224 du 14 septembre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2021, M. B... C..., représenté par Me Antoine Mary, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation au versement de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant géorgien né le 6 novembre 1970 à Tbilissi, déclare être entré en France le 22 décembre 2018. Le 30 janvier 2019, il a demandé l'asile qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant en procédure accélérée, puis en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile, le 29 janvier 2020. Par un arrêté du 13 mars 2020, le préfet de la Seine-Maritime a obligé M. C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné la Géorgie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 201198, 201224 du 14 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Ces dispositions ne font pas obligation aux juridictions de viser et d'analyser distinctement dans leurs décisions les mémoires de production de pièces transmis par les parties au litige qui ne contiennent ni conclusion ni moyen.
3. En l'espèce, les trois mémoires transmis par M. C..., et enregistrés au greffe du tribunal administratif de Rouen les 19 juin, 20 et 28 juillet 2020, ne contenaient que des pièces, à l'exclusion de toute conclusion ou moyen. Ces pièces ont, au demeurant, été visées dans le jugement par la mention " Vu les autres pièces des dossiers ". Ce moyen de régularité ne peut donc qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard, une mesure d'éloignement. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ont été définitivement refusés à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice.
5. Or, lorsqu'il sollicite une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il suit de là que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus définitif de la reconnaissance de la qualité de réfugié. Dès lors, M. C..., qui au demeurant n'allègue pas ne pas avoir été en mesure d'apporter toutes informations utiles au préfet de la Seine-Maritime, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ".
7. L'article L. 311-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est issu de l'article 44 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 qui, en application du décret n° 2019-151 du 28 février 2019, est entrée en vigueur le 1er mars 2019. Le IV de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018 précise que les dispositions de l'article 44 s'appliquent aux demandes postérieures à cette date. Or, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. C... a été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 janvier 2019, date à laquelle ces nouvelles dispositions n'étaient pas encore entrées en vigueur. Par suite, M. C... ne peut utilement soulever leur méconnaissance.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C..., qui n'a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé que le 23 mars 2020, aurait, avant l'édiction, le 13 mars 2020, de l'arrêté contesté, informé l'administration de ses problèmes de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'examen par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.
9. En quatrième lieu, il ressort des motifs de la décision contestée que le préfet, après avoir cité et visé diverses dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne les éléments pertinents relatifs à la vie privée et familiale de M. C... et indique notamment que sa demande d'asile a été rejetée. Ainsi qu'il a été énoncé au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait fait part à l'administration de son état de santé. En conséquence, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.
10. En cinquième lieu, si M. C... soutient que le préfet de la Seine-Maritime méconnaît les dispositions des articles L. 511-1 et L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se bornant uniquement à faire valoir qu'il aurait dû bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11-7° et 11° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;(...) ".
12. M. C... qui, ainsi qu'il a été énoncé au point 7 du présent arrêt, n'a pas tenu informé le préfet de la Seine-Maritime, avant l'édiction de l'arrêté contesté, produit un certificat médical établi le 9 mars 2020 par un praticien du pôle de psychiatrie du groupe hospitalier du Havre, indiquant qu'il est suivi en consultation externe à l'hôpital Pierre Janet du Havre et qu'il prend régulièrement le traitement prescrit. Il produit également une attestation d'un médecin généraliste, non datée, indiquant que son état de santé nécessite un suivi médical régulier pour un " diabète de type II déséquilibré ". Toutefois, ces seuls documents ne permettent d'établir ni l'exceptionnelle gravité qu'un défaut de prise en charge pourrait avoir pour l'intéressé, ni en tout état de cause qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 doit être écarté.
13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. C..., son épouse et leur enfant, né le , n'étaient présents en France que depuis treize mois. La scolarisation de leur fils A... depuis le 2 mai 2019 dans une école élémentaire du Havre et la participation de M. C... depuis le 14 juin 2019 à des activités bénévoles auprès de l'association de l'entraide protestante du Havre ne suffisent pas à établir que leurs centres d'intérêt privés et familiaux seraient désormais en France, alors au demeurant que M. C... a vécu en Géorgie jusqu'à l'âge de quarante-huit ans. Aucun obstacle ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine et qu'Albert y poursuive sa scolarité, alors que Mme C... fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 12 que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
16. En deuxième lieu, le moyen tiré de la violation du principe général du droit d'être entendu, en ce qu'il est soulevé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 4.
17. En troisième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime a relevé, après avoir indiqué que la demande d'asile de l'intéressé avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile et compte tenu de l'ensemble du dossier de M. C..., que la situation de celui-ci ne contrevenait pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " en ce qu'il n'est pas établi qu'il peut être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ". Ces motifs, qui n'avaient pas à détailler les raisons précises ayant conduit le préfet de la Seine-Maritime à cette conclusion, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision fixant le pays à destination duquel M. C... pourra être reconduit d'office et révèlent que le préfet ne s'est pas cru lié par l'appréciation faite par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision et le moyen tiré de l'erreur de droit doivent être écartés.
18. En dernier lieu, M. C... se borne à reprendre en cause d'appel, sans l'assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de celle de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, au point 16 de son jugement, d'écarter ces moyens.
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 à 17 que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Antoine Mary.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°21DA00110