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09/11/2021 | FRANCE | N°21DA00531

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 novembre 2021, 21DA00531


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'Hamed B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004815 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. B... un titre de séjour p

ortant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'Hamed B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004815 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 900 euros à verser à son avocat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de première instance de M. B....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. M'Hamed B..., ressortissant marocain né le 18 avril 1990, a déclaré être entré en France le 10 avril 2013. Le 18 décembre 2015, il a sollicité un titre de séjour auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis et s'est vu opposer un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire le 13 juin 2016. Le 7 mai 2017, à la suite d'un contrôle d'identité à la gare ferroviaire de Lille, il a été placé en rétention administrative. Le 19 juin 2018, il a sollicité à nouveau la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain, qui a fait l'objet le 16 novembre 2018 d'un rejet assorti d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'a pas déféré. Le 20 mai 2020, M. B... a déposé auprès de la sous-préfecture du Havre une nouvelle demande d'admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant notamment d'un pacte civil de solidarité conclu avec une ressortissante française le 6 novembre 2019 avec laquelle il déclare être en couple depuis 2015. Par un arrêté du 15 septembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 23 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et a mis à sa charge la somme de 900 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté en litige comme reposant sur une erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur la circonstance que M. B... a déclaré être entré sur le territoire français le 10 avril 2013, qu'il entretient depuis lors une relation stable avec Mme A... E..., ressortissante française avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 6 novembre 2019 et justifie de son insertion sociale dans la société française et de son insertion professionnelle. Toutefois, ainsi que le soutient le préfet de la Seine-Maritime en appel, les documents produits par M. B... pour attester de sa vie commune avec Mme E... sont datés, pour les plus récents, du mois de septembre 2019, soit moins d'un an avant la date de la décision en litige. Si l'intimé se prévaut par ailleurs d'une bonne insertion professionnelle dès lors qu'il a travaillé à temps partiel, puis à temps plein à compter de l'année 2016, en qualité de cuisinier sous couvert de contrats de travail et produit une nouvelle promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée à temps plein en date du 19 mai 2020 par la société Bibino Pizza, il ne justifiait pas alors d'une situation régulière et s'est maintenu sur le territoire français en dépit de deux précédentes mesures d'éloignement. En outre, il n'est ni établi, ni même allégué qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et où résident plusieurs membres de sa fratrie. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce et en dépit de la durée de la présence de l'intéressé sur le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a retenu ce motif pour annuler son arrêté du 15 septembre 2020.

4. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions de l'arrêté du 15 septembre 2020 :

5. Par un arrêté n° 19-151 du 30 juin 2020, régulièrement publié au recueil spécial des actes de la préfecture, Mme D... C..., sous-préfète du Havre, a donné délégation de signature à Mme Magali Chapey, secrétaire générale de la sous-préfecture du Havre, à l'effet de signer, notamment, les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, et en dépit des efforts d'insertion dont il a fait preuve, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle en refusant de lui délivrer le 15 septembre 2020 un titre de séjour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

7. Le refus de titre de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, M. B... n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

8. Pour les mêmes raisons que celles énoncées aux points 3 et 6, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

10. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il suit de là que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressée à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, M. B..., qui au demeurant n'apporte aucune précision au sujet des éléments qu'il aurait pu porter à la connaissance de l'administration s'il avait été invité à le faire, n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, serait entachée d'un vice de procédure à ce titre.

11. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant le Maroc, pays dont M. B... a la nationalité et compte tenu de ce qui a été précédemment dit, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 15 septembre 2020 refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées en appel par M. B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004815 du tribunal administratif de Rouen du 23 février 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. M'Hamed B... et à Me Caroline Inquimbert.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°21DA00531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00531
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-09;21da00531 ?
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