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09/11/2021 | FRANCE | N°21DA00297

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 novembre 2021, 21DA00297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 août 2020 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2006168 du 23 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2021, Mme A... B..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 août 2020 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2006168 du 23 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2021, Mme A... B..., représentée par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 19 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au profit de Me Dewaele, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... B..., ressortissante congolaise née le 9 mai 2000, relève appel du jugement du 23 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2020 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La circonstance que le préfet du Nord n'ait pas mentionné tous les éléments factuels de la situation de Mme A... B... et, notamment, son parcours scolaire ou son arrivée en tant que mineure isolée et placée à l'aide sociale à l'enfance, n'est pas de nature à faire regarder cette motivation comme insuffisante. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme A... B... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

5. Mme A... B..., née le 9 mai 2000, est entrée en France en février 2017. Elle a été prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et a poursuivi une scolarité avec de bons résultats. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle s'est maintenue sur le territoire français en dépit d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 15 mai 2019 et elle ne justifie pas, ainsi qu'elle le soutient, avoir entamé des démarches en vue de l'obtention de son passeport puis du dépôt d'une demande de titre de séjour. Si, par ailleurs, Mme A... B... a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en juin 2019 et est inscrite en première année de baccalauréat professionnel " commerce et vente " pour l'année 2020-2021, elle n'allègue pas qu'elle ne pourrait poursuivre ses études hors de France. En outre, si elle se prévaut d'une relation amoureuse depuis deux ans avec un compatriote en situation régulière et soutient qu'ils ont un projet de mariage, les pièces qu'elle produit, constituées de photographies et d'une seule attestation peu circonstanciée, ne permettent pas de justifier de l'ancienneté et de l'intensité de cette relation, alors en outre qu'il résulte de ses propres déclarations lors de son audition par les services de police, qu'elle ne vit à l'adresse de son compagnon que depuis le 30 juillet 2020 et qu'elle n'a pas justifié, ainsi qu'elle l'allègue, du titre de séjour de ce dernier. Enfin, il est constant qu'elle dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et ses frères et sœurs. Dès lors, eu égard aux conditions de son séjour en France et en dépit de ses bons résultats scolaires, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme A... B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans influence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit être écarté.

8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français.(...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstances particulières, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

9. Mme A... B... se prévaut de ce que le préfet du Nord n'aurait pas pris en compte le fait qu'elle réside chez son compagnon à Lille, qu'elle est dans l'attente d'un passeport et qu'elle fait des études, circonstances qui selon elle auraient justifié l'octroi un délai de départ volontaire. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet du Nord a relevé qu'elle ne produisait aucun justificatif de sa résidence à Lille alors qu'elle avait déclaré en juin 2020 résider à Roubaix et que le domicile investi le 30 juillet 2020 ne pouvait être regardé comme stable. Il n'est pas non plus contesté qu'elle s'est maintenue sur le territoire malgré la précédente mesure d'obligation de quitter le territoire dont elle a fait l'objet le 15 mai 2019. Il suit de là qu'en ne lui accordant pas de délai de départ volontaire, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, la motivation en droit de la décision fixant le pays de renvoi est identique à celle de la décision obligeant l'étranger à quitter le territoire et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté contesté, qui précise la nationalité de Mme A... B... et énonce que celle-ci n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivé en fait. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination manque en fait.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision obligeant Mme A... B... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen excipant de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "

13. Mme A... B... soutient qu'elle encourt des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, elle se borne à évoquer le décès de son père en 2016 en raison de son engagement politique contre le régime de l'ex-président et qu'elle n'a aucune nouvelle de sa mère et de ses frères et sœurs, sans produire aucun document permettant d'établir ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'un an :

14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet Etat à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire. "

15. La décision en litige qui vise les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique notamment que Mme A... B... est célibataire et sans enfant en France et se maintient sur le territoire français malgré une précédente mesure d'éloignement. Dans ces conditions, alors même qu'elle ne mentionne pas la durée de présence en France de l'intéressée, la décision contestée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.

16. Il résulte de ce qui a été dit précédemment, que Mme A... B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français en litige.

17. Il ressort, enfin, des pièces du dossier que le préfet du Nord, pour prononcer la mesure litigieuse, s'est fondé sur la circonstance que Mme A... B... n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement. En outre, l'intéressée n'est entrée sur le territoire français qu'en février 2017, s'est maintenue de manière irrégulière sur le territoire français et ne justifie pas de l'existence de liens familiaux intenses en France. Il résulte de ces éléments que le préfet du Nord n'a pas, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Emilie Dewaele.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

N°21DA00297 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00297
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-09;21da00297 ?
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