Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Rouen la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme totale de 449 175,29 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017 et dont sera déduite la provision de 46 477,76 euros qui lui a été payée, en indemnisation des préjudices subis en raison de sa prise en charge fautive dans cet établissement à la suite du traumatisme de la cheville et du pied survenu le 5 août 2020, ainsi qu'aux dépens de l'instance et au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mise en cause, la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés a demandé la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme totale de 83 082,98 euros au titre de la pension d'invalidité versée à Mme D....
Par un jugement n° 1703657 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à Mme D... la somme de 70 100,25 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2017, dont à déduire les sommes versées en exécution de l'ordonnance du juge des référés n° 1602032 du 22 février 2017 et toute autre somme versée par le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles au même titre, à verser à la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés la somme de 4 762,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2018, avec capitalisation à compter du 3 janvier 2019 puis à chaque échéance annuelle ultérieure, a mis à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la société hospitalière d'assurances mutuelles les frais de l'expertise du docteur B..., taxés et liquidés à la somme de 1 300 euros, les a condamnés solidairement à verser à Mme D... et à la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés la somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 20DA00221 le 5 février 2020, le 2 juillet 2020 et le 1er février 2021, Mme D..., représentée par Me Laura Greco, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 70 100,25 euros ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme totale de 462 537,01 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017 et dont sera déduite la provision de 46 477,73 euros qui lui a été payée ;
3°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la société hospitalière d'assurances mutuelles la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 20DA00242 le 7 février 2020 et 17 avril 2020, la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés, représentée par Me Nicolas Sfez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme totale de 49 485,44 euros, à titre principal ou 23 937,61 euros, à titre subsidiaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2019, avec capitalisation, dont à déduire les sommes déjà versées ;
3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la société hospitalière d'assurances mutuelles la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 20DA00221 et n° 20DA00242 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Le 5 août 2002, Mme E... D..., née le 15 juin 1960, a été admise au service des urgences du centre hospitalier universitaire de Rouen, suite à une chute à son domicile ayant provoqué un traumatisme de sa cheville et de son pied gauches. Il a alors été procédé à une immobilisation de la cheville et du pied par attelle cruro-pédieuse. Le 13 août 2002, Mme D... a de nouveau consulté au centre hospitalier universitaire de Rouen, où lui a été diagnostiquée une fracture de la malléole externe et prescrite une immobilisation par botte plâtrée sans appui. Alors que les douleurs ont persisté et que s'est formé un œdème, une entorse médio-tarsienne lui a été diagnostiquée, au cours d'une nouvelle consultation le 24 septembre 2002, ce diagnostic ayant été confirmé lors d'un examen du 9 janvier 2003, qui a identifié une entorse grave du Lisfranc à gauche avec petite disjonction cunéo-métatarsienne du premier axe et arrachement au contact des interlignes cunéo-métatarsiens des deuxième et troisième axes. Il a alors été prescrit à Mme D... le port d'une chaussure de Barouk avec déambulation en appui sur cette semelle avec l'aide de deux cannes anglaises, puis une arthrodèse du médio-pied stabilisée par greffe iliaque et agrafes, qui a été réalisée le 4 juin 2003. Mme D... a regagné son domicile le 11 juin 2003 avec une immobilisation par botte en résine pour quarante-cinq jours et a débuté des séances de rééducation en septembre 2003. Devant l'absence d'amélioration et la persistance de douleurs, une nouvelle intervention chirurgicale a été réalisée le 18 février 2004 avec ablation d'exostoses dorsales. Mme D... a repris son travail, à temps partiel, le 1er août 2005.
3. Le 10 mars 2006, Mme D... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'une demande d'expertise, à laquelle il a été fait droit, le docteur C..., expert désigné par la commission, ayant remis son rapport le 11 octobre 2006. Sur le fondement de ce rapport, la commission a rendu un avis retenant la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen à hauteur de 60 % des dommages subis du fait des séquelles de la fracture. Mme D... a refusé la dernière offre d'indemnisation adressée le 27 janvier 2016 par la société hospitalière d'assurances mutuelles pour un montant de 10 680,40 euros. Par une ordonnance du 22 février 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à Mme D... une provision d'un montant de 39 137,73 euros et a ordonné une expertise pour évaluer les frais de logement et de véhicule adaptés, les besoins d'assistance par tierce personne et le préjudice sexuel de Mme D.... Le rapport du docteur B..., expert désigné par le juge des référés, a été remis le 10 mai 2017. Par courrier du 31 juillet 2017, Mme D... a saisi le centre hospitalier universitaire de Rouen d'une demande d'indemnisation, qui a été implicitement rejetée. Par un jugement du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à Mme D... la somme de 70 100,25 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2017, dont à déduire les sommes versées en exécution de l'ordonnance du juge des référés n° 1602032 du 22 février 2017 et toute autre somme versée par le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles au même titre, à verser à la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés la somme de 4 762,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2018, avec capitalisation à compter du 3 janvier 2019 puis à chaque échéance annuelle ultérieure, a mis à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la société hospitalière d'assurances mutuelles les frais de l'expertise du docteur B..., les a condamnés solidairement à verser à Mme D... et à la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés la somme de 1 500 euros chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Mme D..., d'une part, et la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés, d'autre part, estimant insuffisantes les sommes qui leur ont été allouées, relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " Aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. "
5. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, par le rapporteur de l'affaire et par le greffier d'audience. Le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier, faute de comporter les signatures prévues aux articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative, manque donc en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen :
6. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 3 à 5 du jugement attaqué, d'ailleurs non contestés par les parties, de juger que la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen est engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, l'équipe médicale du centre hospitalier universitaire de Rouen n'ayant pas identifié d'autre lésion que celle de la fracture de la malléole externe les 5 et 13 août 2002 et ce retard diagnostique ayant fait perdre à Mme D... une chance d'éviter les séquelles dont elle est restée atteinte, qui a justement été évaluée par les premiers juges à 60 %.
En ce qui concerne la réparation des préjudices subis :
7. Il résulte du rapport d'expertise du docteur C... du 11 octobre 2006, confirmé par le rapport du docteur B... du 10 mai 2017, que l'état de santé de Mme D... est consolidé à la date du 12 mai 2005.
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
8. C'est à bon droit, et par une juste appréciation, que les premiers juges ont alloué à Mme D... la somme de 57,41 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge, la somme de 764,21 euros au titre des frais de transport et celle de 18,32 euros au titre des frais divers. Seuls les frais de véhicule adapté, les frais de logement adapté, l'assistance par tierce personne, temporaire et permanente, les pertes de gains professionnels actuelles, futures et l'incidence professionnelle, au titre des préjudices patrimoniaux, sont contestés en appel.
Quant aux frais de véhicule adapté :
9. C'est à bon droit, et par une juste appréciation, que les premiers juges ont évalué, au point 11 du jugement attaqué, sur la base du rapport du docteur B... et du devis du 20 juin 2017 produit par Mme D..., les frais d'adaptation du véhicule de Mme D... à la somme de 2 908,80 euros correspondant à l'achat et à l'installation de la boîte automatique et à la somme de 1 660,80 euros correspondant au surcoût de l'achat futur d'un véhicule équipé d'une boîte automatique, et ont retenu un renouvellement prévisible du véhicule tous les sept ans. Toutefois, en faisant application du coefficient de capitalisation de 20,079 retenu par le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais le 15 septembre 2020, eu égard à l'âge de soixante-huit ans qu'atteindra Mme D... à la date du premier renouvellement, les frais d'adaptation du véhicule doivent désormais être évalués à la somme de 7 672,69 euros. Dès lors, il y a lieu de porter la somme que le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles ont été condamnés à verser à Mme D..., au titre des frais d'adaptation du véhicule, à 60 % de ce montant soit 4 603,61 euros.
Quant aux frais de logement adapté :
10. C'est à bon droit, et par une juste appréciation, que les premiers juges ont évalué, au point 12 du jugement attaqué, sur la base du rapport du docteur B... et du devis d'installation d'un monte-escalier daté du 30 juin 2017 produit par Mme D..., les frais de logement adapté à la somme de 9 500 euros à renouveler tous les dix ans. Toutefois, en faisant application du coefficient de capitalisation de 17,548 retenu par le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais le 15 septembre 2020, eu égard à l'âge de soixante et onze ans qu'atteindra Mme D... à la date du premier renouvellement, les frais d'adaptation de logement doivent désormais être évalués à la somme de 26 170,60 euros. Dès lors, il y a lieu de porter la somme que le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles ont été condamnés à verser à Mme D..., au titre des frais d'adaptation du logement, à 60 % de ce montant soit 15 702,36 euros.
Quant à l'assistance par tierce personne à titre temporaire :
11. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise du docteur B... que, jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, Mme D... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour du 11 juin au 11 juillet 2003 et du 20 février au 20 mars 2004 pour la toilette et l'habillage et à raison de huit heures par semaine du 11 juin 2003 au 11 septembre 2003 et du 20 février au 20 mars 2004 pour l'accomplissement des tâches ménagères, soit un total de 197 heures. La seule production par Mme D... de témoignages de ses proches ne permet pas d'imputer à la faute du centre hospitalier universitaire de Rouen les besoins d'assistance par une tierce personne dont Mme D... se prévaut pour voir augmenter le nombre d'heures d'assistance par une tierce personne dont elle a eu besoin à titre temporaire. En revanche, il y a lieu de confirmer l'appréciation portée par les premiers juges au point 9 du jugement attaqué sur l'assistance par son époux pour se rendre à vingt et une consultations médicales au centre hospitalier universitaire de Rouen, deux consultations à la clinique de l'Europe de Rouen, deux consultations au centre d'imagerie de Sotteville et à une consultation au centre Becquerel de Rouen, ce qui représente une assistance totale de 57 heures. C'est également par une juste appréciation que les premiers juges ont retenu un coût horaire moyen de 13 euros qui en tout état de cause doit être évalué par référence au montant du salaire minimum horaire brut moyen, augmenté des cotisations sociales, pour la seule période considérée correspondant aux années 2003 et 2004, et sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés annuels. Par suite, il y a lieu de confirmer l'évaluation faite par les premiers juges de ce besoin, après application du taux de perte de chance de 60 %, à 2 236,20 euros.
Quant à l'assistance par une tierce personne à titre permanent :
12. Si Mme D... soutient, en appel, que les séquelles à la marche dont elle reste atteinte justifient que lui soit reconnu un besoin d'assistance par une tierce personne à titre permanent, aucune des pièces qu'elle produit ne permet de remettre en cause l'appréciation faite par les premiers juges, sur la base du rapport d'expertise du docteur B..., les ayant conduit à considérer qu'après consolidation, l'état de santé de l'intéressée ne requérait pas d'assistance par tierce personne, nonobstant l'existence d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 12 %.
Quant aux pertes de gains professionnels :
13. Il résulte de l'instruction que Mme D... percevait, avant l'accident, au titre de son activité d'agent technique à la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie, un revenu annuel moyen de 18 661 euros, correspondant à un revenu net mensuel déclaré de 1 555 euros par mois. Elle a été placée en arrêt de travail du 5 août 2002, date de son accident, au 31 juillet 2005 et n'a perçu aucun revenu d'activité pendant cette période. Il résulte également de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise du docteur C..., désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que l'accident aurait en tout état de cause entraîné un arrêt de travail de quatre mois et demi, soit jusqu'au 20 décembre 2002. A compter du 1er août 2005, Mme D... a été placée en invalidité catégorie 2, au sens de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, mais a repris son activité à la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie à temps partiel, à hauteur de 18 heures par semaine jusqu'au 31 septembre 2005 puis à hauteur de 16 heures par semaine. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont distingué, pour évaluer les pertes de gains professionnels subis par Mme D..., trois périodes successives comprenant la période d'arrêt de travail imputable au seul accident initial, la période pendant laquelle Mme D... n'a exercé aucune activité professionnelle puis la période, courant à compter du 1er août 2005, pendant laquelle Mme D... a repris son activité professionnelle à temps partiel.
14. Du 5 août 2002 au 20 décembre 2002, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté en appel que Mme D... aurait été immobilisée, indépendamment du retard au diagnostic imputable au centre hospitalier universitaire de Rouen, et donc contrainte d'arrêter son activité professionnelle. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la perte de gains professionnels, invoquée par Mme D... pendant cette période et notamment la perte de salaire, de prime d'intéressement et de prime de stage, n'étaient pas imputables à la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Rouen.
15. Du 21 décembre 2002 au 31 juillet 2005, Mme D... a été placée en arrêt de travail, en raison des complications imputables au retard diagnostique dont elle a été victime. Alors qu'elle aurait dû percevoir, pendant cette période de quarante-trois mois, un revenu net mensuel de 66 865 euros, elle a perçu des indemnités journalières de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure qui se sont élevées à 32 022 euros. Il s'ensuit que la perte de revenus subie par Mme D... pendant cette période peut être évaluée à 35 843 euros, dont 60 % sont imputables à la faute du centre hospitalier universitaire de Rouen. Le centre hospitalier et la société hospitalière d'assurances mutuelles doivent donc être condamnés à verser, à ce titre, une somme de 21 505,80 euros.
16. A compter du 1er août 2005, Mme D... a repris son activité d'agent technique à la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie mais à temps partiel alors qu'elle a été placée en invalidité de catégorie 2 à compter de cette même date, ce placement ayant été motivé par la douleur, l'impotence fonctionnelle avec boiterie et l'impossibilité à l'appui total ayant conduit à une réduction d'au moins deux-tiers de la capacité de travail de l'intéressée. Toutefois, le rapport d'expertise du docteur C... indique que le préjudice professionnel tient à l'incapacité à exercer une activité nécessitant une cheville normale, indolore et l'absence de boiterie, ce qui n'est pas le cas de l'activité professionnelle exercée par Mme D... et ni cet expert, ni le docteur B... n'ont conclu à l'impossibilité pour Mme D... d'exercer son activité professionnelle ou à la nécessité d'une activité à temps partiel, alors que le médecin du travail a préconisé pour la reprise de Mme D..., d'éviter le port de charges lourdes (ramettes de papier) ainsi que les déplacements extérieurs et d'utiliser du matériel pour avoir accès à des dossiers en hauteur. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté le principe d'une indemnisation des pertes de gains professionnels et perte de droits à la retraite invoqués par Mme D... en raison de la réduction de son temps de travail.
Quant à l'incidence professionnelle :
17. Ainsi qu'il l'a été rappelé au point précédent, à compter du 1er août 2005, le rapport d'expertise du docteur C... indique que le préjudice professionnel tient à l'incapacité à exercer une activité nécessitant une cheville normale, indolore et l'absence de boiterie et le rapport du docteur B... daté du 10 mai 2017 constate une raideur quasi-complète de la cheville gauche et une importante boiterie gauche. Ces séquelles qui entraînent une mobilité réduite de Mme D... et une fatigabilité accrue, ayant une incidence sur sa valorisation sur le marché du travail et ses conditions d'exercice professionnel, caractérisent une incidence professionnelle qui a été justement évaluée par les premiers juges à la somme de 20 000 euros, dont 60 % sont imputables à la faute du centre hospitalier, soit la somme de 12 000 euros.
18. Toutefois, en l'absence de pertes de gains professionnels sur cette période, la pension d'invalidité perçue par Mme D..., à hauteur de 126 259,92 euros versée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure et de 83 296,15 euros au titre des versements faits par la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés de sa profession, doit être regardée comme réparant la seule incidence professionnelle subie par Mme D.... Le montant des pensions d'invalidité étant supérieur au préjudice d'incidence professionnelle subi par Mme D..., celle-ci n'a droit à aucun versement de la part du centre hospitalier universitaire de Rouen et de son assureur à ce titre. En revanche, la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés est fondée à obtenir le remboursement de la pension d'invalidité versée à Mme D... à ce titre, dans la limite de la répartition au marc le franc de la somme de 12 000 euros, soit une somme de 4 769,86 euros.
S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :
19. C'est à bon droit, et par une juste appréciation, que les premiers juges ont alloué à Mme D... la somme de 5 202 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et la somme de 4 000 euros au titre du préjudice esthétique. Seuls les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent et le préjudice d'agrément sont contestés en appel.
Quant aux souffrances endurées :
20. Il résulte du rapport d'expertise du docteur C... que les souffrances endurées par Mme D... en raison de la faute du centre hospitalier universitaire de Rouen doivent être évaluées à 4 sur une échelle de 7. Alors que seuls 60 % de ce chef de préjudice est imputable à la faute du centre hospitalier universitaire de Rouen, Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges lui ont alloué à ce titre la somme de 7 000 euros, qu'il y a lieu de confirmer.
Quant au déficit fonctionnel permanent :
21. Il résulte du rapport d'expertise du docteur C... que Mme D... reste atteinte, après consolidation, d'un déficit fonctionnel permanent qui peut être évalué à 12 %, la seule référence au barème du concours médical, produit par Mme D..., ne permettant pas de remettre en cause cette évaluation. Compte tenu de l'âge de Mme D... de quarante-cinq ans à la date de consolidation, c'est par une juste appréciation que ce préjudice a été évalué à 20 000 euros et qu'après application du taux de perte de chance, il a été alloué à l'intéressée la somme de 12 000 euros.
Quant au préjudice d'agrément :
22. Si Mme D... fait valoir que les séquelles dont elle reste atteinte l'empêchent de pratiquer la promenade à pied et à vélo, le badminton et les sports d'hiver, les attestations de proches qu'elle produit en ce sens ne suffisent pas à justifier de l'exercice d'une activité de loisir ou sportive régulière et assidue pratiquée antérieurement à l'accident. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté le principe de l'indemnisation de ce chef de préjudice.
23. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la somme de 70 100,25 euros allouée par le tribunal administratif de Rouen à Mme D... doit être portée à 73 089,91 euros, dont seront déduites la provision versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 22 février 2017 et toute autre somme versée par le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles, d'autre part, la somme de 4 762,50 euros allouée à la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés doit être portée à 4 769,86 euros.
En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :
24. Mme D... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à son indemnité de 73 089,91 euros à compter du 4 août 2017, date de réception de sa demande indemnitaire préalable par le centre hospitalier universitaire de Rouen, qui seront calculés en fonction des dates de versement de la provision et de toute autre somme versée par le centre hospitalier universitaire.
25. La caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés a droit aux intérêts au taux légal correspondant à son indemnité de 4 769,86 euros à compter du 3 janvier 2018, date d'enregistrement par le tribunal administratif de Rouen de son premier mémoire. Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus à la date du 3 janvier 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
En ce qui concerne les dépens :
26. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise du docteur B..., taxés et liquidés à la somme de 1 300 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Rouen du 14 juin 2017, à la charge définitive solidaire du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la société hospitalière d'assurances mutuelles.
Sur les frais liés à l'instance :
27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen et de la société hospitalière d'assurances mutuelles la somme que Mme D... et la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 70 100,25 euros que le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à Mme D... est portée à la somme de 73 089,91 euros, dont seront déduites la provision versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 22 février 2017 et toute autre somme versée par le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles, et qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2017 dans les conditions visées au point 24.
Article 2 : La somme de 4 762,50 euros que le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier universitaire de Rouen et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés est portée à la somme de 4 769,86 euros, qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2018 et de leur capitalisation à compter du 3 janvier 2019.
Article 3 : Le jugement n° 1703657 du tribunal administratif de Rouen du 5 décembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... épouse D..., à la caisse de prévoyance des agents de la sécurité sociale et assimilés, au centre hospitalier universitaire de Rouen, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.
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N°20DA00221,20DA00242