La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2021 | FRANCE | N°20DA00033

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 19 octobre 2021, 20DA00033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :

1°) d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle l'institut de formation en soins infirmiers Gernez Rieux du centre hospitalier régional universitaire de Lille a refusé de retirer la mesure d'exclusion définitive du 26 janvier 2016 et de lui délivrer l'attestation requise aux fins d'obtention par équivalence du diplôme d'aide-soignant ;

2°) d'annuler la décision du 7 septembre 2017 rejetant son recours gracieux dirigé contr

e cette décision du 20 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre à l'institut en soins infirmiers G...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :

1°) d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle l'institut de formation en soins infirmiers Gernez Rieux du centre hospitalier régional universitaire de Lille a refusé de retirer la mesure d'exclusion définitive du 26 janvier 2016 et de lui délivrer l'attestation requise aux fins d'obtention par équivalence du diplôme d'aide-soignant ;

2°) d'annuler la décision du 7 septembre 2017 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision du 20 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre à l'institut en soins infirmiers Gernez Rieux de retirer la mesure d'exclusion définitive du 26 janvier 2016, ou à tout le moins de la modifier en supprimant le terme d'" exclusion ", et de délivrer l'attestation requise aux fins d'obtention par équivalence du diplôme d'aide-soignant ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 10 000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 170540 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2020, et un mémoire enregistré le 7 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Stéphanie Tran, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision de l'institut en soins infirmiers Gernez Rieux du 20 juin 2017, ensemble la décision du 7 septembre 2017 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à l'institut Gernez Rieux de retirer la mesure d'exclusion définitive du 26 janvier 2016, à tout le moins de la modifier en supprimant le terme d'" exclusion ", et de délivrer l'attestation requise aux fins d'obtention par équivalence du diplôme d'aide-soignant ;

4°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'aide-soignant ;

- l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Lydie Bavay, substituant Me Jean-François Segard, représentant le centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ancienne étudiante infirmière à l'institut de formation en soins infirmiers Gernez Rieux du centre hospitalier régional universitaire de Lille, a fait l'objet d'une décision d'exclusion définitive le 26 janvier 2016. Par courrier du 26 avril 2017, elle a sollicité de l'institut de formation que le terme d'" exclusion " soit supprimé de cette décision et la délivrance d'une attestation indiquant l'absence de sanction d'exclusion définitive après avis du conseil de discipline et l'absence d'exclusion définitive après avis du conseil pédagogique pour acte incompatible avec la sécurité des personnes prises en charge, aux fins d'obtention par équivalence du diplôme d'aide-soignant. Elle relève appel du jugement du 8 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2017 par laquelle la directrice de l'institut a rejeté ces demandes, ensemble la décision du 7 septembre 2017 rejetant son recours gracieux, ainsi que ses conclusions en injonction et tendant à l'indemnisation de son préjudice moral.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne les décisions refusant de retirer la mesure d'exclusion définitive du 26 janvier 2016 :

2. Aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction " et aux termes de l'article L. 243-4 du même code : " Par dérogation à l'article L. 243-3, une mesure à caractère de sanction infligée par l'administration peut toujours être retirée. "

3. La décision du 26 janvier 2016 par laquelle le directeur de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier régional universitaire de Lille a, après avis du conseil pédagogique, exclu définitivement Mme B... A... la formation en soins infirmiers en vertu des dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, n'est pas une décision créatrice de droits et ne constitue pas une sanction. Il n'est pas contesté que l'intéressée n'en a demandé le retrait que le 26 avril 2017. Cette demande ayant été présentée au-delà du délai de quatre mois suivant son édiction, l'administration était tenue, en vertu des conditions fixées par l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration précité, de la rejeter. Il suit de là que les moyens invoqués par Mme B... à l'encontre de la décision du 20 juin 2017 refusant de retirer cette décision d'exclusion, ensemble le rejet de son recours gracieux, sont inopérants. Ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, confirmée par la décision du 7 septembre 2017 et celles tendant à ce qu'il soit enjoint à l'institut de formation en soins infirmiers Gernez Rieux de retirer la mesure d'exclusion définitive du 26 janvier 2016 ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

En ce qui concerne les décisions refusant de délivrer une attestation :

4. En soutenant que la décision refusant de lui délivrer l'attestation requise aux fins d'obtention par équivalence du diplôme d'aide-soignant ne pouvait se fonder sur des faits vieux de dix-huit mois, Mme B... doit être regardée comme excipant de l'illégalité de la décision du 26 janvier 2016 qui se fonde sur ces faits pour l'exclure définitivement de la formation en soins infirmiers de l'institut Gernez Rieux.

5. D'une part, ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif de Lille, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...)". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

7. Enfin, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a eu connaissance de la décision du 26 janvier 2016 par laquelle le directeur de l'institut de formation l'a exclue définitivement de la formation en soins infirmiers, et qui mentionnait les voies et délais de recours, au plus tard le 12 avril 2016. Il est constant qu'elle ne l'a pas contestée dans le délai d'un an. Dans ces conditions, Mme B..., qui ne justifie pas de circonstances particulières en se bornant à soutenir qu'elle n'aurait pas eu connaissance des motifs de cette décision, n'est plus recevable à soulever, par la voie de l'exception, son illégalité à l'appui des conclusions à fin d'annulation des décisions des 20 juin et 7 septembre 2017 refusant de lui délivrer une attestation ne faisant pas mention de son exclusion définitive.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 20 juin et 7 septembre 2017.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. Mme B... demande l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 26 janvier 2016 l'excluant définitivement de la formation au sein de l'institut de formation en soins infirmiers et en raison de l'attitude générale de l'institut qui ne lui a pas permis de connaître les motifs de cette décision pour se défendre utilement.

11. En vertu de l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, lorsque le conseil pédagogique est consulté sur la situation individuelle d'étudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, les membres du conseil reçoivent communication du dossier de l'étudiant, accompagné d'un rapport motivé du directeur, au moins quinze jours avant la réunion de ce conseil, et l'étudiant concerné reçoit communication de son dossier dans les mêmes conditions que les membres du conseil. Aux termes de l'article 11 de cet arrêté : " Lorsque l'étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes soignées, le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, peut décider de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par le conseil pédagogique qui doit se réunir, au maximum, dans un délai de quinze jours à compter de la suspension. Lorsque le conseil pédagogique se réunit, il examine la situation et propose une des possibilités suivantes : - soit autoriser l'étudiant à poursuivre la scolarité au sein de l'institut ; dans ce cas, le conseil pédagogique peut alerter l'étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou proposer un complément de formation théorique et/ou pratique ;- soit soumettre l'étudiant à une épreuve théorique, soit le soumettre à une épreuve pratique complémentaire sous la responsabilité du tuteur, selon des modalités fixées par le conseil. A l'issue de cette épreuve, le directeur de l'institut décide de la poursuite de la formation ou de l'exclusion définitive de l'institut de formation ; - soit exclure l'étudiant de l'institut de façon temporaire ou définitive. "

12. Si le centre hospitalier régional universitaire de Lille a produit le courriel du 12 janvier 2016 adressé aux membres du conseil pédagogique portant convocation à une réunion le 25 janvier 2016 qui précise qu'il " fait partir ce jour le dossier préparatoire ", ainsi que le compte-rendu de ce conseil auquel sont annexés les rapports de stage de Mme B... des semestres 3 et 5, ces documents ne suffisent pas à justifier que les membres de cette instance ont bien reçu, dans le délai de quinze jours précédant le conseil pédagogique ayant examiné la situation de l'intéressée, un rapport motivé du directeur ainsi que le dossier complet de l'étudiante conformément aux dispositions citées au point 11. Le centre hospitalier n'établit pas davantage que l'appelante aurait reçu son dossier complet et le rapport de saisine du conseil pédagogique préalablement à la séance qui s'est tenue le 25 janvier 2016, ni même communication du compte-rendu de stage du semestre 5 ayant conduit à la tenue de ce conseil. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que Mme B... aurait été mise à même de préparer utilement sa défense. Mme B... est donc fondée à soutenir que la décision du 26 janvier 2016 est entachée d'un vice de procédure.

13. L'irrégularité ainsi commise, qui a privé Mme B... d'une garantie, alors même que la décision d'exclusion définitive était justifiée au fond, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral dont Mme B... a souffert qui trouve son origine dans la circonstance qu'elle n'a pas été informée, en temps utile pour pouvoir se défendre, des faits incompatibles avec la sécurité des personnes soignées qui lui étaient reprochés et n'a pu disposer de l'ensemble des éléments lui permettant d'en prendre conscience, en lui allouant une somme de 2 000 euros.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse au centre hospitalier régional universitaire de Lille la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'intimé le paiement à l'appelante de la somme qu'elle demande sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1710540 du tribunal administratif de Lille du 8 novembre 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme B....

Article 2 : Le centre hospitalier régional universitaire de Lille est condamné à payer à Mme B... la somme de 2 000 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... et les conclusions présentées par le centre hospitalier régional universitaire de Lille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié Mme C... B... et au centre hospitalier régional universitaire de Lille.

4

N°20DA00033


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award