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08/06/2021 | FRANCE | N°20DA00375

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 08 juin 2021, 20DA00375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande tendant à ce qu'une carte nationale d'identité française soit délivrée à son fils C... D... A....

Par un jugement n° 1709355 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du préfet du Nord née le 30 août 2017, a enjoint au préfet du Nord de délivrer à Maël Santos D... A... une carte nationale d'identité faisant ment

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande tendant à ce qu'une carte nationale d'identité française soit délivrée à son fils C... D... A....

Par un jugement n° 1709355 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du préfet du Nord née le 30 août 2017, a enjoint au préfet du Nord de délivrer à Maël Santos D... A... une carte nationale d'identité faisant mention de sa nationalité française dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2020, le ministère de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°55-1397 du 22 octobre 1955 ;

- le décret n° 2004-1085 du 14 octobre 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur interjette appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. B... A..., né le 5 août 1991 à Bimbo (République centrafricaine), annulé la décision implicite par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande tendant à ce qu'une carte nationale d'identité soit délivrée à son fils C... D... A....

2. Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant légitime ou naturel dont l'un au moins des parents est français ". Il résulte des dispositions de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française et que l'exception de nationalité ne constitue, en vertu de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse.

3. En vertu de l'article 2 du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, ce titre est délivré sans condition d'âge à tout Français qui en fait la demande. L'article 4 du même décret dispose que la preuve de la nationalité française du demandeur peut notamment être établie par la production d'un certificat de nationalité française qu'il fournit à l'appui de sa demande.

4. Pour l'application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de carte d'identité ou de passeport sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance de ces titres.

5. Pour annuler le refus implicite du préfet du Nord de délivrance d'une carte nationale d'identité à l'enfant C... D... A..., le tribunal administratif de Lille a considéré que son père, M. B... A... disposait d'un certificat de nationalité française délivré le 5 novembre 2010 qu'aucune décision juridictionnelle n'avait remis en cause ainsi que d'un passeport français valable jusqu'au 4 février 2024.

6. Cependant, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 8 octobre 2015, la greffière en chef du tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne a informé le sous-préfet de Torcy que ce certificat avait été délivré à tort. Par ailleurs, M. B... A..., qui n'apporte aucune explication quant aux motifs l'ayant conduit à demander un nouveau certificat de nationalité moins d'un an après celui délivré le 5 novembre 2010, s'est vu opposer un refus de délivrance par une décision du service de la nationalité des Français nés et résidant hors de France en date du 13 octobre 2011. En outre, le fils de M. B... A... s'est vu opposer deux refus successifs de délivrance d'un certificat de nationalité, par le tribunal d'instance de Toulouse le 21 juin 2013 et par le tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne le 8 octobre 2015. Enfin, par un courrier du 31 mars 2017, le préfet de Seine-et-Marne a demandé à M. B... A..., en application du refus de délivrance d'un certificat de nationalité du 13 octobre 2011, de restituer sa carte nationale d'identité et son passeport.

7. Pour contester le jugement attaqué, le ministre de l'intérieur soutient ainsi qu'un doute subsiste quant à la nationalité française de M. B... A..., qui s'est vu, en moins d'un an, délivrer puis refuser la délivrance d'un certificat de nationalité. L'appréciation du bien-fondé de ce moyen dépend du point de savoir si le refus de délivrance d'un certificat de nationalité le 13 octobre 2011 a eu pour effet d'annuler le certificat de nationalité délivré le 5 novembre 2010, un tel certificat étant délivré sans limite temporelle de validité et, par suite, de priver l'intéressé de la reconnaissance de sa nationalité française par ce certificat. Il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de trancher cette question.

8. L'article R. 771-2 du code de justice administrative dispose que " lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

9. Eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, il y a lieu pour la cour de surseoir à statuer sur la requête du ministre de l'intérieur tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille, qui a annulé la décision implicite de rejet du préfet du Nord née le 30 août 2017 et a enjoint au préfet du Nord de délivrer à Maël Santos D... A... une carte nationale d'identité faisant mention de sa nationalité française, jusqu'à ce que la juridiction judiciaire compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle.

10. Ainsi, il y a lieu de saisir le tribunal judiciaire de Lille, compétent en application des articles 42 et 1038 du code de procédure civile, d'une question préjudicielle sur ce point en application de l'article R. 771-2 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête du ministre de l'intérieur dirigée contre le jugement du 31 décembre 2019 annulant la décision du préfet du Nord rejetant implicitement la demande de carte nationale d'identité présentée par M. B... A... pour son fils C... D... A..., jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Lille se soit prononcé sur la question de savoir si M. B... A... est de nationalité française.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et au président du tribunal judiciaire de Lille.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

N°20DA00375 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00375
Date de la décision : 08/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-08;20da00375 ?
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