Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Boussières-sur-Sambre à lui payer la somme de 24 998,91 euros toutes taxes comprises au titre d'une facture impayée n° 20091606B du 16 juin 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2010 et de mettre à la charge de la commune de Boussières-sur-Sambre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1705290 du 1er avril 2019, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et les conclusions présentées par la commune de Boussières-sur-Sambre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2019, la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre, représentée par Me D... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de condamner la commune de Boussières-sur-Sambre à lui payer la somme de 24 998,91 euros toutes taxes comprises au titre de la facture n° 20091606B portant situation au 16 juin 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2010 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Boussières-sur-Sambre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public ;
- et les observations de Me F..., représentant la commune de Boussières-sur-Sambre.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement en date du 27 juillet 2007, la commune de Boussières-sur-Sambre a confié la réalisation des travaux du lot n° 1 " gros oeuvre " pour la construction d'une école à la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre. Des travaux supplémentaires ont fait l'objet d'un avenant n° 1 au contrat, portant le montant du marché initialement fixé de manière forfaitaire à 307 907,85 euros hors taxes, à 368 951,31 euros hors taxes. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. E..., architecte, qui a réceptionné les travaux le 20 mars 2009, de nombreuses réserves ayant toutefois été émises notamment sur le tarmacadam de l'école. Par une ordonnance n° 1503164 du 30 décembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a, après expertise, mis à la charge solidaire de la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre et M. E..., le paiement à la commune de Boussières-sur-Sambre d'une provision de 51 680,40 euros au titre des désordres ayant affecté la réalisation de ces travaux. Par une demande, enregistrée le 12 juin 2017, la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre a saisi le tribunal administratif de Lille aux fins de voir condamner la commune de Boussières-sur-Sambre à lui payer la somme de 24 998,91 euros toutes taxes comprises au titre d'une facture impayée n° 20091606B portant situation n° 14 au 16 juin 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2010. Par une ordonnance n° 1705290 du 1er avril 2019, dont la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre relève appel, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et les conclusions de la commune de Boussières-sur-Sambre présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sur le fondement de l'article R. 222-1, 7° du code de justice administrative.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : ( ...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".
3. Pour rejeter, sur le fondement de ces dispositions, la demande présentée par la société entreprise de bâtiment Christian Lefebvre, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a considéré que le moyen tiré de ce que la somme réclamée était due par la collectivité, n'était manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Toutefois, la société entreprise de bâtiment Christian Lefebvre invoquait à l'appui de ses conclusions le non-paiement de la facture n° 20091606B portant situation n° 14 au 16 juin 2009 en faisant valoir que ces travaux réalisés en juin 2009 correspondaient au lot n° 1 du marché de travaux conclu avec la commune de Boussières-sur-Sambre et produisait l'acte d'engagement, l'avenant au contrat, la facture en litige, les lettres de relance adressées au maître de l'ouvrage et les pièces relatives à la procédure d'indemnisation des désordres consécutifs aux travaux d'exécution du marché. Dans ces conditions, ce moyen ne pouvait être regardé comme n'étant manifestement pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il s'ensuit que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre. Ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre.
Sur les conclusions à fins de paiement de la facture n°20091606B portant situation n° 14 au 16 juin 2009 :
5. D'une part, l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties.
6. D'autre part, en vertu du point 1 de l'article 11 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux approuvé par décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 et applicable en l'espèce, le règlement des comptes du marché se fait par des acomptes mensuels et un solde établis et réglés comme il est indiqué à l'article 13. Aux termes des points 11 et 21 de cet article 13, avant la fin de chaque mois, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre un projet de décompte établissant le montant total, arrêté à la fin du mois précédent, des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché depuis le début de celle-ci, puis le montant de l'acompte mensuel à régler à l'entrepreneur est déterminé, à partir du décompte mensuel, par le maître d'oeuvre. Enfin, aux termes du point 31 de ce même article 13 : " Après l'achèvement des travaux l'entrepreneur, concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées. "
7. Il résulte des stipulations rappelées ci-dessus que la " facture " n° 20091606B portant situation n° 14, d'un montant de 20 902,10 euros hors taxes, soit 24 998,91 euros toutes taxes comprises, dont la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre réclame le paiement doit être regardée comme le dernier projet de décompte après achèvement des travaux au sens de l'article 13.31 précité du cahier des clauses administratives générales. Il résulte du principe énoncé au point 5 que la somme figurant dans ce dernier projet de décompte après achèvement des travaux ne pouvait en être isolée et était destinée à entrer dans le décompte général, sans pouvoir faire l'objet d'une avance ou d'un règlement direct, la circonstance que les réserves faites à la réception des travaux n'aient pas été levées étant sans incidence sur la procédure d'établissement du décompte final puis du décompte général. Il suit de là que la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre ne pouvait prétendre au règlement d'aucune facture dans le cadre de l'exécution du marché de travaux publics en cause. La société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre n'est donc pas fondée à demander la condamnation de la commune de Boussières-sur-Sambre à lui verser la somme de 24 998,91 euros toutes taxes comprises correspondant au paiement de la facture en litige, ni, par voie de conséquence, les intérêts portant sur cette somme.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Boussières-sur-Sambre et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1705290 du 1er avril 2019 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions devant la cour sont rejetées.
Article 3 : La société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre versera à la commune de Boussières-sur-Sambre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise de Bâtiment Christian Lefebvre et à la commune de Boussières-sur-Sambre.
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N°19DA01247