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11/05/2021 | FRANCE | N°20DA01280

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 11 mai 2021, 20DA01280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys à lui verser la somme de 111 572 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements fautifs et constitutifs de harcèlement moral dont elle a été victime et la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703300 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et a rejeté

les conclusions du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys au titre de l'article ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys à lui verser la somme de 111 572 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements fautifs et constitutifs de harcèlement moral dont elle a été victime et la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703300 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et a rejeté les conclusions du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, Mme B..., représentée par Me G... H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys à lui verser la somme de 111 572 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements fautifs et constitutifs de harcèlement moral dont elle a été victime ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public ;

- et les observations de Me G... H... représentant Mme B... et de Me I... E... représentant le centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par voie contractuelle au centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys à compter du 1er novembre 1977, titularisée dans les fonctions d'aide-soignante le 1er janvier 1980 puis nommée préparatrice en pharmacie le 1er janvier 1993. A compter du 25 mars 2013, elle a été placée en congé de longue maladie, pour un syndrome dépressif qui a été regardé comme imputable au service, suite à un avis de la commission de réforme hospitalière du 1er juillet 2016. A l'issue de ce congé, Mme B... a repris le travail, le 1er mars 2018, par mise à disposition au centre hospitalier de Saint-Omer, dans le service de pharmacie de cet établissement. Entre-temps, le 27 décembre 2016, elle a sollicité du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral entre les années 2002 et 2013, lorsqu'elle était placée sous la responsabilité de Mme D..., pharmacienne au centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys. Après rejet implicite de cette demande d'indemnisation, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys à lui verser la somme de 111 572 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements fautifs et constitutifs de harcèlement moral dont elle s'estime avoir été victime et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1703300 du 13 février 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et a rejeté les conclusions du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les faits de harcèlement moral :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Mme B... fait valoir qu'entre les années 2002 et 2013, elle a subi les agissements de sa supérieure hiérarchique, qui, par des propos dévalorisants et vexatoires et en exerçant sur les deux préparatrices en pharmacie placées sous sa responsabilité, une surveillance et un contrôle excessifs, a entretenu un climat de travail dégradé dans le service. Mme B... ajoute que sa supérieure hiérarchique aurait tenté de la mettre à l'écart du service et aurait organisé des conditions de travail devenues insupportables. A cet égard, la requérante produit plusieurs pièces qui permettent d'établir les alertes portées par elle auprès de la direction de l'hôpital et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, au cours des années 2002 et 2004 puis entre 2011 et 2013, et l'intervention syndicale à son soutien. Mais ces plaintes n'ont en définitive mis en évidence que les tensions relationnelles vives et persistantes au sein du service pharmacie de l'établissement, les différentes instances intervenues n'ayant jamais conclu à l'existence de faits de harcèlement moral de la part de Mme D.... Ainsi, après les vives tensions qui ont été révélées au sein du service de pharmacie du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys et qui ont justifié l'intervention d'un ergonome puis celle d'un psychologue du travail de mars à octobre 2012 ainsi que du médecin du travail, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail spécifique s'est réuni le 30 janvier 2013 et a seulement conclu à l'impossibilité pour Mme D..., pharmacienne, Mmes B... et A... C..., préparatrices en pharmacie placées sous sa responsabilité, de travailler ensemble ainsi qu'à la nécessité de proposer un changement de poste pour ces dernières en congé de maladie. S'agissant des propos et attitudes vexatoires de Mme D..., Mme B..., devant les premiers juges comme devant la cour, n'a produit, au soutien de ses allégations, aucun témoignage en-dehors de celui de sa collègue préparatrice, qui n'est pas plus circonstancié que les allégations de l'appelante sur les accusations portées à l'encontre de Mme D.... Dans ces conditions, s'il peut être tenu pour établi qu'a effectivement eu lieu une dégradation au long cours des conditions de travail de Mme B... liées aux tensions relationnelles avec son chef de service, auxquelles se sont ajoutées des difficultés d'organisation pratique et matérielle du service et une surcharge de travail, ayant conduit à son placement en congé de longue maladie pour syndrome dépressif à compter du 25 mars 2013, aucun des agissements de la supérieure hiérarchique de Mme B... ne peut être regardé comme constitutif de harcèlement moral au sens des dispositions précitées l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Les conclusions présentées par Mme B... en indemnisation du harcèlement moral qu'elle prétend avoir subi doivent en conséquence être rejetées.

En ce qui concerne la faute dans l'organisation du service :

5. Mme B... soutient également que la responsabilité du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys doit être engagée à son égard dès lors qu'en tant qu'employeur, il n'a pris aucune mesure pour remédier à sa souffrance au travail qu'elle a pourtant signalée par de nombreux écrits adressés au directeur de l'établissement. Toutefois, ainsi qu'il l'a été dit au point 4 du présent arrêt, il résulte de l'instruction que la direction du centre hospitalier a saisi à plusieurs reprises le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement, a organisé de multiples réunions entre les préparatrices en pharmacie et leur responsable, a mandaté un ergonome pour remédier aux difficultés d'aménagement des postes de travail des intéressées, un psychologue pour apaiser les tensions personnelles et a convoqué en 2013 un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail spécifique sur les risques psycho-sociaux au sein de ce service. Mme B... n'est donc pas davantage fondée à demander que la responsabilité du centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys soit engagée à son égard sur le fondement du défaut dans l'organisation du service ou pour manquement à l'obligation de sécurité relative à la prévention des risques psychosociaux.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire ainsi que, par voie de conséquence, sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme que le centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et au centre hospitalier d'Aire-sur-la-Lys.

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N°20DA01280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 20DA01280
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-11-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Dispositions propres aux personnels hospitaliers. Personnel paramédical. Infirmiers et infirmières.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SHBK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-11;20da01280 ?
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