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06/05/2021 | FRANCE | N°20DA01491

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 06 mai 2021, 20DA01491


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Douaisis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de prescrire une expertise, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, portant sur les désordres affectant le centre aquatique Sourcéane, situé à Sin-Le-Noble.

Par une ordonnance n° 2001715 du 3 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :<

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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre 2020 et 24 décembre 2020, la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Douaisis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de prescrire une expertise, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, portant sur les désordres affectant le centre aquatique Sourcéane, situé à Sin-Le-Noble.

Par une ordonnance n° 2001715 du 3 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre 2020 et 24 décembre 2020, la société BC Nord, représentée par Me C... E..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande présentée par la communauté d'agglomération du Douaisis devant le tribunal administratif en ce qu'elle est dirigée contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de compléter la mission de l'expert en lui demandant de " donner un avis sur les causes et origines des désordres et malfaçons, en précisant s'ils sont imputables aux travaux de construction, à la conception de l'ouvrage, à un défaut de direction ou de surveillance des travaux, à un défaut d'entretien de l'ouvrage, un défaut d'exploitation imputable au maître de l'ouvrage et/ou à l'exploitant, dont les conséquences ne sauraient être supportées par les entreprises et, dans le cadre de causes multiples, évaluer les proportions relevant de chacune d'elles ", et de " donner son avis sur la pertinence du refus opposé par la communauté d'agglomération à la proposition de constat des levées des réserves par la maîtrise d'oeuvre le 13 mars 2017 " ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Douaisis une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la communauté d'agglomération est irrecevable à son égard dès lors que celle-ci lui a notifié le 23 février 2017 le décompte définitif du marché, lequel ne contient aucune réclamation au titre de réserves émises à réception qui n'auraient pas été levées et/ou de désordres apparus durant l'année de parfait achèvement ;

- contrairement à ce qu'a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Lille, la communauté d'agglomération a procédé à la notification du décompte général définitif sans réserve alors qu'elle connaissait les réserves dont elle a elle-même dressé unilatéralement la liste ;

- la communauté d'agglomération ne justifie pas de la persistance des désordres, de sorte que la mesure d'expertise n'est pas utile ;

- à titre subsidiaire, si la cour confirmait l'expertise, il conviendrait de compléter la mission, compte tenu de l'intervention d'entreprises tierces sur les ouvrages, en demandant un avis également sur le défaut d'entretien de l'ouvrage, un défaut d'exploitation imputable au maître d'ouvrage et/ ou à l'exploitant dont les conséquences ne sauraient être supportées par les entreprises ;

- la mission devra également être complétée quant à la pertinence du refus de la communauté d'agglomération de valider la proposition de levée des réserves faite par la maîtrise d'oeuvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, la communauté d'agglomération du Douaisis, représentée par Me H... B..., conclut au rejet de la requête, à la mise à la charge de la société BC Nord des entiers dépens et de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que sa demande est recevable dès lors que les réserves et désordres au titre desquels une expertise est sollicitée correspondent à celles ou ceux signalés à réception ou notifiées aux entreprises pendant la durée de la garantie de parfait achèvement, laquelle a fait l'objet d'une prolongation jusqu'à l'exécution complète des travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, la société Bouygues Energies et Services, représentée par Me L... A... et Me D... J..., s'associe aux conclusions d'annulation de l'ordonnance présentées par la société BC Nord et à celles, subsidiaires, tendant à l'extension de la mission d'expertise.

Elle soutient que :

- elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour s'agissant de la demande présentée par la société BC Nord quant à l'irrecevabilité de la demande de la communauté d'agglomération du Douaisis à l'égard de celle-ci ;

- l'expertise, qui n'a pas vocation à pallier la carence du maître d'ouvrage, ne présente pas un caractère utile ; les tableaux produits en première instance sont notoirement insuffisants ; il n'appartient pas à l'expert de faire un audit général de l'ouvrage ;

- elle a levé l'ensemble des réserves relevant de sa prestation, comme le montrent les constats d'huissier établis contradictoirement ;

- subsidiairement, elle s'associe à la demande d'extension de l'expertise de la société BC Nord.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2021, la société d'architectes Auer Weber Assoziierte, représentée par Me I... K..., conclut à l'annulation de l'ordonnance, au rejet de la demande d'expertise présentée par la communauté d'agglomération du Douaisis et à la mise à la charge de celle-ci de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mesure d'expertise présente un caractère frustratoire, l'ouvrage mis en service depuis le 20 décembre 2016, n'ayant jamais cessé de fonctionner ;

- elle est en partie inutile, les différentes illustrations données par le maître d'ouvrage le démontrant ;

- les " véritables " réserves émises à la réception ont été levées ; la plupart d'entre elles présentent un caractère abusif.

Les parties ont été informées par lettre du 29 avril 2021, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'ordonnance était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Auer Weber Assoziierte tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du 3 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020,

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération du Douaisis a fait construire un centre aquatique situé sur le territoire de la commune de Sin-Le-Noble, dont les travaux ont débuté le 15 décembre 2014. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement d'entreprises dont la société d'architectes Auer Weber Assoziierte est le mandataire. La société BC Nord s'est vu attribuer le lot " gros oeuvre ". Le lot " CVC plomberie traitement d'eau sauna hammam " a été confié à la société Bouygues Energies et Services. Par une décision du 13 décembre 2016, la communauté d'agglomération du Douaisis a réceptionné les travaux, avec réserves, avec effet au 18 novembre 2016. Estimant que certaines réserves n'étaient toujours pas levées et que des désordres sont apparus durant la garantie de parfait achèvement, la communauté d'agglomération du Douaisis a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille d'une demande d'expertise. Le juge des référés du tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande en rejetant toutefois un élément de mission demandé relatif aux pertes financières qu'aurait subies l'exploitant du centre aquatique. La société BC Nord relève appel de l'ordonnance du 3 septembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à la demande d'expertise présentée par la communauté d'agglomération du Douaisis.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription.

Sur l'utilité de la demande d'expertise :

3. Il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves. A défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.

4. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 23 février 2017, la communauté d'agglomération du Douaisis a adressé à la société BC Nord le projet de décompte général qu'elle a validé sur proposition du maître d'oeuvre. Il n'est pas contesté par le maître d'ouvrage que le décompte général et définitif est intervenu pour le lot 1 " gros oeuvre ". Si comme le soutient la société BC Nord, l'intervention de ce décompte général et définitif, qui ne comprend aucune mention relative aux réserves non levées et aux désordres constatés au cours de la période de garantie de parfait achèvement, pourrait faire obstacle à l'engagement de la responsabilité de la société BC Nord au titre de la responsabilité contractuelle pour les réserves non levées ou au titre de la garantie de parfait achèvement pour les désordres survenus après la réception et avant l'établissement du décompte général et définitif, cette circonstance ne suffit toutefois pas à rendre irrecevable une éventuelle action au fond de la personne publique à l'égard de la société BC Nord dès lors qu'il ressort du tableau intitulé " suivi fiche de parfait achèvement " établi par le maître d'ouvrage, que certains désordres la concernant ont été observées postérieurement à l'intervention du décompte général et définitif. En outre, alors que l'établissement public de coopération a demandé que soit apprécié si les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination, il n'est pas davantage exclu qu'une action en garantie décennale ne puisse être engagée par la communauté d'agglomération du Douaisis. Par suite, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'aucune action en responsabilité ne pourrait être engagée à son encontre, la société BC Nord n'est pas fondée à soutenir que la demande d'expertise serait irrecevable à son égard.

5. Contrairement à ce que soutient la société BC Nord, il n'est pas établi que les réserves à réception et désordres observés lors de la garantie de parfait achèvement, figurant dans les deux listes respectives mises à jour au 4 octobre 2018, ne seraient plus justifiés ou existants à la date de l'ordonnance attaquée. Ainsi, et compte tenu également du différend qui oppose le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre notamment sur la levée des réserves, la mesure d'expertise présente un caractère utile. Par suite, la société BC Nord n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a fait droit à la mesure d'expertise sollicitée.

Sur la demande d'extension des missions de l'expert présentée à titre subsidiaire par la société BC Nord :

6. L'expertise en litige ordonnée par le juge des référés, à la demande de la communauté d'agglomération du Douaisis, précise notamment que l'expert devra donner un avis motivé sur " les causes et origines des désordres et malfaçons dont il s'agit s'ils sont imputables aux travaux de construction, à la conception de l'ouvrage, à un défaut de direction ou de surveillance des travaux, et dans le cas de causes multiples évaluer les proportions relevant de chacune d'elles ". La société BC Nord demande que la question de l'imputabilité soit étendue à un défaut d'entretien de l'ouvrage, et/ou l'exploitant et à un défaut d'exploitation du maître d'ouvrage et/ou à l'exploitant, et ce, afin que les conséquences ne puissent être supportées par les entreprises et fait valoir que des entreprises tierces seraient intervenues sur les ouvrages. Toutefois, les termes de la mission d'expertise ne font pas obstacle à ce que l'expert puisse être amené au cours de ses travaux à constater, lors des opérations d'expertise, un éventuel rôle du maître d'ouvrage ou de l'exploitant dans la survenance des désordres. En l'état de l'instruction, il n'y a pas lieu d'étendre sur ce point la mission d'expertise comme le demande la société BC Nord. Il n'y a pas davantage lieu de demander un avis de l'expert sur le refus opposé par la communauté d'agglomération du Douaisis de lever les réserves la concernant en dépit de la proposition de la maîtrise d'oeuvre. Il s'ensuit que la demande d'extension des missions de l'expertise doit être rejetée.

Sur les conclusions de la société Auer Weber Assoziierte :

7. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois (..). ". Aux termes de l'article R. 533-1 du code de justice administrative : " L'ordonnance rendue en application du présent titre par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ". Aux termes de l'article

R. 811-5 du même code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis (...) ". En vertu de l'article R. 421-7 du même code, le délai supplémentaire de distance est de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger.

8. Il résulte de ces dispositions combinées que la société Auer Weber Assoziierte, dont le siège est en Allemagne, disposait d'un délai de deux mois et quinze jours pour faire appel de l'ordonnance. Les conclusions en annulation présentées par la société Auer Weber Assoziierte dans son mémoire du 4 mars 2021 ont été enregistrées plus de quinze jours et deux mois après que l'ordonnance de référé lui a été notifiée le 9 septembre 2020, ainsi que cela ressort du dossier de première instance. Celles-ci sont donc intervenues après l'expiration du délai d'appel et sont par suite irrecevables.

Sur conclusions au titre des dépens :

9. La présente instance n'ayant entraîné aucun dépens, les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Douaisis au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société BC Nord et de la société Auer Weber Assoziierte présentées contre la communauté d'agglomération du Douaisis, qui n'est pas partie perdante à la présente instance. Il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la société BC Nord le versement d'une somme de 1 500 euros à la communauté d'agglomération du Douaisis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société BC Nord est rejetée.

Article 2 : La société BC Nord versera à la communauté d'agglomération du Douaisis la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Auer Weber Assoziierte et le surplus de celles de la communauté d'agglomération du Douaisis sont rejetés.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Me C... E... pour la société BC Nord, à Me H... B... pour la communauté d'agglomération du Douaisis, à Me L... A... pour la société Bouygues Energies et Services et à Me I... K... pour la société d'architectes Auer Weber Assoziierte.

Copie en sera transmise pour information à M. G... F..., expert.

Fait à Douai le 6 mai 2021.

Le président de la cour,

Signé

Jean-François MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

Christine Sire

2

N°20DA01491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 20DA01491
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MALLE TITRAN FRANCOIS AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-06;20da01491 ?
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