Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à lui verser, en indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait des infections nosocomiales qu'il soutient avoir contractées, la somme de 211 492,38 euros augmentée des intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 12 mai 2017, de condamner ledit centre hospitalier aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise taxés et liquidés à hauteur de 4 025 euros et à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à lui verser la somme de 306 549,64 euros au titre de ses débours pour la prise en charge de M. B..., les sommes de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1703333 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à verser à M. B... la somme de 67 763,33 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2017, avec capitalisation à compter du 12 mai 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure la somme de 275 348,01 euros au titre de ses débours, la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et les sommes de 1 500 euros respectivement à M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2019 et 5 juillet 2020, le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, représenté par Me E... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de rejeter les demandes de première instance de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure et de les condamner aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, de limiter à 10 % la fraction du préjudice indemnisable qui doit être mise à sa charge, au titre des préjudices subis par M. B... et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, constater l'absence de préjudice professionnel subi par M. B... et réduire à de plus justes proportions l'évaluation des préjudices qui lui sont imputables.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me D... F..., représentant le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 mai 2012, M. A... B..., né le 19 mars 1966 et atteint d'une obésité morbide, a subi à la clinique Mathilde de Rouen une gastrectomie longitudinale sous coelioscopie. Dans les suites immédiates de cette intervention, dite de sleeve gastrectomie, il a présenté un syndrome de détresse respiratoire aigu justifiant, dès le lendemain, son transfert en réanimation au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil où il est resté hospitalisé jusqu'au 9 juillet 2012. Dans les premiers jours de cette hospitalisation, M. B... a présenté un état fébrile, qui s'est aggravé jusqu'au 26 mai 2012. Entre-temps, le 27 mai 2012, une infection respiratoire à staphylocoque doré a été mise en évidence et a justifié un traitement antibiotique du 28 mai au 11 juin 2012. Le 9 juillet suivant, M. B... a été réadmis à la clinique Mathilde où a été mise en évidence une importante collection des muscles paravertébraux gauches le 12 juillet suivant. Le 17 juillet 2012, M. B... a été admis à la clinique La Lovière de Louviers en rééducation, jusqu'au 22 octobre suivant. Au cours de cette hospitalisation, des examens radiologiques ont mis en évidence un abcès paravertébral, pour lequel M. B... a été hospitalisé du 12 au 15 décembre 2012, du 29 janvier au 8 février 2013 et du 13 au 30 octobre 2013 au centre hospitalier universitaire de Rouen pour drainage de l'abcès du psoas. M. B... a été à nouveau hospitalisé du 26 mars au 5 avril 2014 et a subi une nouvelle intervention chirurgicale le 27 mars 2014 en raison de la recrudescence de l'écoulement paravertébral. Son état de santé a été regardé comme stabilisé le 28 octobre 2014.
2. Entre-temps, M. B... a assigné les médecins ayant participé à son opération chirurgicale, la clinique Mathilde, le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, le centre hospitalier universitaire de Rouen, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure en référé auprès du tribunal de grande instance de Rouen afin de faire ordonner une expertise médicale. Les docteurs Gachot, Bodenan et Valverde, désignés par le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen par ordonnance du 11 septembre 2014, ont remis leur rapport définitif le 13 juin 2016. Par lettre du 5 mai 2017, M. B... a alors saisi le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil d'une demande d'indemnisation de ses préjudices. Cette demande, reçue le 11 mai suivant, a été implicitement rejetée. Par un jugement n° 1703333 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen, saisi d'une demande de M. B..., enregistrée le 30 octobre 2017, a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à lui verser la somme de 67 763,33 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2017, avec capitalisation à compter du 12 mai 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, a condamné le centre hospitalier à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure la somme de 275 348,01 euros et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et a mis à la charge du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil la somme de 1 500 euros à verser à M. B... et la même somme à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil relève appel de ce jugement et, par la voie de l'appel incident, M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure réitèrent devant la cour leurs demandes de première instance.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. La nouvelle règle, issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, selon laquelle, sauf dispositions législatives ou règlementaire qui leur seraient propres, le délai de recours de deux mois court à compter de la date où les décisions implicites relevant du plein contentieux sont nées, est applicable à ces décisions nées à compter du 1er janvier 2017. Cette règle doit toutefois être combinée avec les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, dont le champ d'application n'a été limité par aucune disposition légale aux seules décisions implicites nées avant le 1er janvier 2017, aux termes desquelles, sauf en ce qui concerne les relations entre l'administration et ses agents, les délais de recours contre une décision tacite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, dans le cas où la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, la mention des voies et délais de recours.
4. Il résulte de l'instruction que M. B... a adressé au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil une réclamation indemnitaire préalable, en date du 5 mai 2017, reçue le 12 mai 2017. Le recours de plein contentieux de M. B... a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le 30 octobre 2017, soit au-delà du délai de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Toutefois, il est constant que le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil n'a pas transmis à M. B... l'accusé de réception prévu à l'article L. 112-3 susmentionné du code des relations entre le public et l'administration. Le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir qu'il a opposée à la demande de première instance de M. B... tirée de sa tardiveté ainsi que, en tout état de cause, celle opposée, par voie de conséquence, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.
Sur la responsabilité du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil :
5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
6. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport établi par le collège d'experts désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen composé du docteur Gachot, expert en pathologie infectieuse, du docteur Bodenan, expert anesthésiste-réanimateur et du docteur Valverde, expert en chirurgie viscérale, que M. B... a contracté au cours de son séjour en réanimation au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil une infection respiratoire à staphylocoque doré méti-S. La présence de ce germe a été mise en évidence le 27 mai 2012, soit dix-neuf jours après l'admission de M. B... dans cet établissement. Le collège d'experts a précisé en réponse à un dire du 30 mai 2016 que, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, il n'existait pas d'infection avérée à l'admission alors qu'à cette date, le tableau clinique était celui d'un syndrome de détresse respiratoire aigu avec atélectasie. L'infection en cause, une pneumonie vraisemblablement acquise sous ventilation mécanique, selon les experts, n'était donc ni présente, ni en incubation à l'admission au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil.
7. En outre, s'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport du collège d'experts que le risque infectieux a été majoré par l'état antérieur du patient, la corticothérapie et la durée de la ventilation mécanique, il n'en demeure pas moins que l'infection contractée par M. B... est associée aux soins et aucune de ces circonstances ne peut être regardée comme caractérisant une origine autre que la prise en charge de M. B... dans le service de réanimation du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, de nature à exonérer, même partiellement, la responsabilité de ce dernier dans la survenue de l'infection à staphylocoque mise en évidence le 27 mai 2012. Pour les mêmes raisons, en l'absence de doute sur la cause déterminante de la survenue de l'infection, qui est bien la prise en charge en réanimation de M. B..., le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient dû mettre à sa charge l'indemnisation de la seule perte de chance d'éviter le risque infectieux qui s'est réalisé.
8. Enfin, le centre hospitalier fait valoir, à titre subsidiaire, pour le cas où serait tenu pour établi le caractère nosocomial de l'infection à staphylocoque doré méti-S, que l'abcès dorsal objectivé le 12 juillet 2018 n'est pas une conséquence de cette infection, en considérant comme plus vraisemblable l'hypothèse d'un trajet fistuleux antéro-postérieur, complication connue et redoutée de l'intervention de chirurgie bariatrique initiale. Toutefois, il résulte des conclusions du collège d'experts que, d'une part, l'abcès paravertébral est dû au même germe que celui mis en évidence le 27 mai 2012, qui n'est pas d'origine digestive, d'autre part, le délai d'incubation dudit germe est tout à fait compatible avec une greffe hématogène, d'autant que le patient a reçu un traitement antibiotique prolongé. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la responsabilité du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil devait être engagée à raison de la survenue de l'abcès dorsal de M. B..., imputable à l'infection nosocomiale contractée dans cet établissement. Pour les mêmes raisons, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cet abcès dorsal aurait été pris en charge tardivement après la sortie de M. B... du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil ni, en tout état de cause, que ce prétendu retard aurait eu une incidence sur le dommage subi par M. B..., le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient dû mettre à sa charge l'indemnisation de la seule perte de chance d'éviter le risque de survenue de l'abcès du psoas ou partager sa responsabilité avec la clinique Mathilde de Rouen où M. B... a été transféré à compter du 9 juillet 2012.
9. Il résulte des développements qui précèdent que le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil doit être condamné à indemniser l'ensemble des séquelles subies par M. B... du fait de l'infection nosocomiale contractée au cours de son hospitalisation dans cet établissement du 8 mai 2012 au 9 juillet 2012, y compris la survenue de l'abcès paravertébral mis en évidence au cours de son hospitalisation à la clinique La Lovière de Louviers du 17 juillet 2012 au 22 octobre 2012.
Sur la réparation des préjudices subis par M. B... et les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure :
10. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise des docteurs Gachot, Bodenan et Valverde que la consolidation de l'état de santé de M. B... doit être fixée au 28 octobre 2014.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires :
S'agissant des dépenses de santé :
11. Il résulte du relevé des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, arrêté au 6 mars 2018, et de l'argumentaire médico-légal établi par le docteur Benard, médecin-conseil de la caisse, que celle-ci justifie avoir exposé des dépenses de santé imputables exclusivement à l'infection nosocomiale contractée au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, en n'incluant dans son décompte que les hospitalisations et soins résultant de la broncho-pneumopathie nosocomiale et de sa diffusion en zone paravertébrale et en excluant l'hospitalisation de M. B... au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil jusqu'au 9 juillet 2012 face à l'impossibilité de " dissocier ce qui revient à l'infection broncho-pulmonaire du syndrome de détresse respiratoire et de l'insuffisance rénale ". Il y a lieu, dès lors, de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil à lui verser la somme de 92 159,49 euros au titre des dépenses de santé actuelles.
S'agissant des pertes de revenus actuelles :
12. M. B... demande l'indemnisation de ses pertes de revenus actuelles en faisant valoir qu'avant son hospitalisation, il travaillait de manière extrêmement régulière comme chauffeur routier. Toutefois, par de justes motifs énoncés au point 14 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter, le tribunal a relevé qu'à la date du fait générateur, M. B... n'avait pas d'emploi, qu'il ne bénéficiait pas d'une promesse d'embauche et qu'il n'avait pas travaillé depuis six mois. Le préjudice de pertes de revenus actuelles n'est donc pas établi dans son principe et M. B... n'est pas fondé à en demander l'indemnisation par le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil.
13. Pour les mêmes raisons que celles évoquées au point précédent, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure n'est pas fondée à demander le remboursement des indemnités journalières versées à M. B... pour la période du 7 mai 2012 au 28 octobre 2014, à hauteur de 31 201,63 euros.
S'agissant de l'assistance temporaire par une tierce personne :
14. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport du collège d'experts qu'avant consolidation, l'état de santé de M. B..., imputable à l'infection contractée et à sa diffusion au niveau du psoas, a nécessité une aide humaine temporaire à raison de deux heures par semaine pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire à 25 % correspondant à la période du 6 avril au 28 octobre 2014, soit pendant quatre-vingt-dix-sept semaines. C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué ce besoin, en se fondant sur un taux horaire de 13 euros correspondant au salaire minimum horaire brut moyen augmenté des cotisations sociales, à la somme de 2 834 euros.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
15. Il résulte des conclusions du rapport établi par le collège d'experts que M. B... a subi, en raison de l'infection nosocomiale qu'il a contractée et de sa diffusion paravertébrale, un déficit fonctionnel qui a été total du 12 au 15 décembre 2012, du 22 au 24 janvier 2013, du 29 janvier au 8 février 2013, du 26 au 30 mars 2013, du 13 au 30 octobre 2013 et du 26 mars au 5 avril 2014, partiel de 25 % du 22 octobre au 11 décembre 2012, du 16 décembre au 21 janvier 2013, du 25 au 28 janvier 2013, du 9 février au 25 mars 2013, du 31 mars au 12 octobre 2013 et du 31 octobre 2013 au 25 mars 2014, puis dégressif à compter du 6 avril 2014, pour atteindre 12 % à la date de consolidation du 28 octobre 2014. C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont ainsi alloué à M. B..., au titre du déficit fonctionnel temporaire, sur la base d'une somme de 20 euros par jour après application des taux de déficit partiel précités, la somme de 4 043,50 euros.
S'agissant des souffrances endurées :
16. Il résulte de l'instruction que M. B... a enduré des souffrances qui ont été évaluées à 5 sur une échelle de 7 par les experts désignés par le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen, en conséquence de l'abcès dorsal, des multiples interventions chirurgicales subies, des soins infirmiers et traitements antibiotiques répétés. Les premiers juges ont, par une juste appréciation, alloué à ce titre à M. B... une indemnisation de 15 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents :
S'agissant des dépenses de santé futures :
17. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure demande le remboursement de la somme de 49,35 euros au titre des dépenses de santé futures résultant de l'examen d'imagerie par résonance magnétique du 13 décembre 2014 qu'elle a pris en charge. Il résulte de l'instruction que cet examen, qui a mis en évidence une " collection inflammatoire hétérogène " avec importante rétraction cutanée en regard, a été prescrit dans le cadre de la prise en charge des conséquences de l'abcès paravertébral de M. B.... Il y a donc lieu de confirmer les premiers juges sur ce point en mettant à la charge du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil le remboursement à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure de la somme de 49,35 euros à ce titre.
S'agissant des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle :
18. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport du collège d'experts que si les séquelles dont reste atteint M. B... l'empêchent de reprendre son activité professionnelle de chauffeur routier, l'intéressé n'est cependant pas atteint d'une inaptitude définitive à toute activité professionnelle. Dans ces conditions, la perte de gains professionnels postérieure à la consolidation ne peut donner lieu à indemnisation, pas plus que la perte de gains professionnels futurs. Pour les mêmes raisons, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure n'est pas fondée à demander le remboursement des indemnités journalières versées à M. B... jusqu'au 31 janvier 2015. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure n'est pas davantage fondée à demander le remboursement des pensions d'invalidité versées à compter du 1er février 2015, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles seraient imputables à l'infection nosocomiale contractée au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, le collège d'experts ayant relevé que l'incapacité de M. B... à reprendre son emploi de chauffeur routier n'est pas imputable aux seules séquelles de l'abcès mais aussi à son état antérieur. Il y a donc lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Rouen sur ce point.
19. S'agissant de l'incidence professionnelle imputable à l'infection nosocomiale et sa diffusion paravertébrale, celle-ci doit être regardée comme établie dès lors qu'elles ont entraîné une incapacité permanente partielle évaluée à 12 % par les experts qui a empêché, au moins pour partie, M. B... de reprendre son activité professionnelle de chauffeur routier, à l'âge de quarante-huit ans. Dans ces conditions, l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être évaluée, par une juste appréciation, à la somme de 30 000 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette incidence professionnelle a déjà été compensée par l'allocation par la caisse primaire d'assurance maladie, d'indemnités journalières à compter de la date de consolidation jusqu'au 31 janvier 2015 pour un montant de 3 324,48 euros puis de pensions d'invalidité jusqu'au 28 février 2018, pour un montant de 40 630,75 euros. M. B... ne peut donc prétendre au versement d'une somme supplémentaire au titre de l'incidence professionnelle. Il y a donc également lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Rouen sur ce point.
S'agissant des frais d'expertise :
20. M. B... a pris en charge les frais d'expertise taxés et liquidés par le président du tribunal de grande instance de Rouen à la somme de 4 025 euros. Cette expertise ayant été utile à la solution du présent litige, il est fondé à demander la somme de 4 025 euros au titre de l'indemnisation de ce chef de préjudice.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux permanents :
21. Il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport établi par le collège d'experts désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen que M. B... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 12 % caractérisé par les cicatrices rétractiles et les lésions musculaires générées par les multiplies interventions chirurgicales sur l'abcès dorsal. A la date de consolidation, M. B... était âgé de quarante-huit ans. Les premiers juges ont, par une juste appréciation, alloué à ce titre à M. B... une indemnisation de 21 000 euros.
22. M. B... subit un préjudice esthétique permanent dû aux conséquences de son abcès vertébral, ci-dessus décrites, qui a été évalué par le collège d'experts à 3 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont, par une juste appréciation, alloué à ce titre à M. B... une indemnisation de 4 000 euros.
23. Il y a lieu également de confirmer les premiers juges et de rejeter la demande de M. B..., par une adoption des motifs énoncés au point 20 du jugement attaqué, tendant à la réparation des préjudices d'agrément, sexuel et d'établissement.
Sur les sommes dues par le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil :
24. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil doit être condamné à verser à M. B..., en réparation des préjudices subis à raison de l'infection nosocomiale contractée au cours de sa prise en charge et de sa diffusion vertébrale, doit être ramenée à 50 902,50 euros et celle qu'il doit être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure doit être ramenée à la somme de 92 208,84 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation de ces intérêts :
25. M. B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme mentionnée au point précédent du présent arrêt à compter du 12 mai 2017, date de réception de sa réclamation préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée le 30 octobre 2017. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 12 mai 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année entière d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
26. La caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime a droit aux intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019, date d'enregistrement de sa première demande devant les premiers juges. Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus à la date du 8 janvier 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
27. Il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Le jugement attaqué, qui a fixé à 275 348,01 euros le montant des indemnités dues à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure au titre des prestations versées à M. B..., a accordé à la caisse, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, une somme de 1 080 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 27 décembre 2018 alors en vigueur. Si le plafond a été réévalué par la suite, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que ses conclusions tendant à la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées sont rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil tendant à la condamnation de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure à lui verser une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure présentées au même titre doivent aussi être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil a été condamné à verser à M. B... est ramenée à 50 902,50 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2017 et les intérêts échus à la date du 12 mai 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La somme que le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure est ramenée à 92 208,84 euros.
Article 3 : Le jugement n° 1703333 du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure et à M. A... B....
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N°19DA02651