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23/03/2021 | FRANCE | N°19DA02067

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 23 mars 2021, 19DA02067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération de Cambrai a refusé de tenir sa promesse de conclure des baux ruraux à leur profit.

Par un jugement n° 1606112 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande et rejeté les conclusions de la communauté d'agglomération de Cambrai présentées au titre de l

'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération de Cambrai a refusé de tenir sa promesse de conclure des baux ruraux à leur profit.

Par un jugement n° 1606112 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande et rejeté les conclusions de la communauté d'agglomération de Cambrai présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 septembre 2019, le 13 octobre 2020 et le 11 février 2021, M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E..., représentés par Me D... G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération de Cambrai a refusé de tenir sa promesse de conclure des baux ruraux à leur profit.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'ils n'ont pas été avertis de ce que l'affaire, initialement appelée à l'audience du 20 mai 2019, était renvoyée à l'audience du 27 juin 2019 pour tenir compte d'une note en délibéré enregistrée le 29 mai 2019, après la clôture de l'instruction, transmettant un extrait conforme non signé du registre des délibérations du conseil communautaire daté du 29 avril 2014, sur la valeur duquel le tribunal ne s'est pas prononcé ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il était justifié de la compétence du signataire de la décision attaquée par l'extrait du registre des délibérations du conseil communautaire, daté du 29 avril 2014 ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée, s'agissant d'une décision abrogeant une décision créatrice de droits ;

- elle est en contradiction avec l'engagement de la communauté d'agglomération de Cambrai de procéder à la régularisation de différents baux.

Par trois mémoires, enregistrés les 6 août et 6 novembre 2020 et le 13 février 2021, la communauté d'agglomération de Cambrai, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter Audrey d'Halluin et associés, conclut au rejet de la requête de M. E... et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... et demande la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'instruction de l'affaire a été menée dans le respect du contradictoire ;

- il a été justifié de la compétence du signataire de la décision attaquée, sans qu'il fût besoin d'une délégation spéciale ;

- s'il y a eu déclaration d'intention du président de la communauté d'agglomération de Cambrai sur son souhait de préserver l'activité agricole, il n'y a jamais eu aucune promesse de la part de l'intercommunalité d'attribuer des baux ruraux ;

- la demande de M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... était en tout état de cause irrecevable dès lors que, d'une part, l'acte attaqué ne faisait pas grief et constituait seulement une réponse d'attente et, d'autre part, qu'il pouvait leur être opposée l'exception de recours parallèle ;

- l'acte attaqué n'entre pas dans le champ d'application de la motivation obligatoire dès lors qu'il s'agit du refus d'un avantage qui ne constitue pas un droit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me B... F..., représentant la communauté d'agglomération de Cambrai.

Considérant ce qui suit :

1. Par six arrêtés en date du 9 avril 2014, le préfet du Nord a accordé à la société Enertrag PC III SAS des permis relatifs à l'implantation de parcs photovoltaïques sur les territoires des communes de Séranvillers-Forenville et Niergnies. M. A... E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E..., qui mettent en valeur des parcelles agricoles appartenant à la communauté d'agglomération de Cambrai se trouvant sur l'emprise du projet, ont saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par lettre, en date du 11 décembre 2014, le président de la communauté d'agglomération de Cambrai a notamment indiqué aux exploitants agricoles concernés par le projet d'implantation des parcs photovoltaïques, dont M. E..., qu'il existait sur l'ex-aérodrome de Cambrai des terres agricoles disponibles pouvant faire l'objet d'un bail rural et que la formalisation d'une affectation agricole d'une partie de ces terres était subordonnée au retrait de leurs recours contentieux. Par une ordonnance en date du 7 janvier 2015, le tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement de la demande de M. E... et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... tendant à l'annulation des arrêtés précités. Le 1er septembre 2015, le président de la communauté d'agglomération de Cambrai a informé M. E..., ainsi que tous les exploitants agricoles concernés par le projet, qu'il n'était pas " pour l'instant " envisageable de mettre en place la rédaction des baux concernant les espaces fonciers pour lesquels il s'était engagé auparavant. Par courrier du 9 juin 2016, M. E... a toutefois mis en demeure le président de la communauté d'agglomération de Cambrai de tenir sa promesse de conclure des baux ruraux sur les parcelles dont elle est propriétaire. Par une lettre, en date du 14 juin 2016, le président de la communauté d'agglomération de Cambrai a opposé un refus à cette mise en demeure qu'il estimait sans fondement. Par un jugement n° 1606112 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. E... et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... tendant à l'annulation de cette décision de refus et rejeté les conclusions de la communauté d'agglomération de Cambrai présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, en soutenant qu'ils n'ont pas été avertis de ce que l'affaire était renvoyée à l'audience du 27 juin 2019, M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... doivent être regardés comme invoquant le moyen tiré de ce que l'instruction de l'affaire a été menée par le tribunal administratif de Lille en méconnaissance du principe du contradictoire.

3. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la lettre, en date du 16 mai 2019, adressée aux parties afin de les informer de ce que le tribunal était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence du président de la communauté d'agglomération de Cambrai pour prendre la décision attaquée, la communauté d'agglomération de Cambrai a produit après l'audience du 29 mai 2019 un extrait conforme du registre des délibérations du conseil communautaire en sa séance du 29 avril 2014 portant délégation de fonctions à son président. Eu égard au contenu de cette note en délibéré, le tribunal a rouvert l'instruction et reporté l'audience au 27 juin 2019 afin de soumettre cette pièce au débat contradictoire en laissant à M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... un délai suffisant pour faire valoir leurs observations sur cette production, ce qu'ils ont fait en produisant un nouveau mémoire le 19 juin 2019. Dès lors, M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité par méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure.

4. En second lieu, M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient omis de répondre au moyen tiré de l'absence de valeur probante de cet extrait conforme dépourvu de toute signature alors que le tribunal y a répondu en déclarant ce moyen inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Pour l'application des dispositions des articles L. 2121-8, L. 2121-9, L. 2121-11, L. 2121-12, L. 2121-19 et L. 2121-22 et L2121-27-1, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. Ils sont soumis aux règles applicables aux communes de moins de 3 500 habitants dans le cas contraire. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / 1° De conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ". (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 5° De décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que par délibération en date du 29 avril 2014, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Cambrai a donné délégation à son président d'une partie de ses attributions et, notamment, de " décider de la conclusion et de la révision du louage de choses (biens mobiliers et immobiliers), y compris des mises à disposition, à titre gratuit ou onéreux ". Par cette délégation, dont il n'est pas soutenu qu'elle serait illégale, le conseil de la communauté d'agglomération de Cambrai a donné compétence de manière générale au président pour refuser de conclure des baux ruraux, comme ceux souhaités par M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E..., sans qu'il fût nécessaire pour le conseil communautaire d'adopter une délibération spécifique concernant ce refus. En outre, il ressort de l'extrait du registre des délibérations du 29 avril 2014 que la délibération a été signée par les membres du conseil communautaire. La circonstance que l'extrait conforme de la délibération produite ne comportât pas de signature est sans influence sur la régularité même de la délibération. Par suite, M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... ne sont pas fondés à soutenir que le signataire de l'acte attaqué n'était pas compétent. Ce moyen doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ".

8. En l'espèce, ni la lettre, en date du 11 décembre 2014, que le président de la communauté d'agglomération de Cambrai a adressée aux exploitants agricoles concernés par le projet d'implantation de parcs photovoltaïques les informant de ce qu'il existait sur l'ex-aérodrome de Cambrai des terres agricoles disponibles pouvant faire l'objet d'un bail rural, ni a fortiori celle du 1er septembre 2015, les informant qu'il n'était pas " pour l'instant " envisageable de mettre en place la rédaction des baux concernant ces espaces fonciers, ne peuvent être regardées comme des décisions créatrices de droits. Il s'ensuit que le refus qui a été opposé aux intéressés ne peut être regardé comme retirant ou abrogeant une décision créatrice de droit ou comme refusant un avantage dont l'attribution aurait constitué un droit. L'acte attaqué n'entre, ainsi, dans aucune des catégories de décisions devant être motivées en application de l'article de l'article L. 211-2 code des relations entre le public et l'administration précité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

9. En dernier lieu, si les requérants font valoir que l'acte attaqué vient en contradiction avec la décision du 11 décembre 2014 de la communauté d'agglomération de Cambrai de procéder à la régularisation de différents baux, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le président de la communauté d'agglomération de Cambrai aurait, par cette lettre du 11 décembre 2014 adressée à M. C... et dont M. E... était seulement en copie, pris l'engagement ferme de conclure des baux ruraux sur les parcelles en cause avec le requérant et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E.... Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de leur demande, que M. E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 14 juin 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération de Cambrai a refusé de tenir sa promesse de conclure des baux ruraux à leur profit.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la communauté d'agglomération de Cambrai présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération de Cambrai présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à l'exploitation agricole à responsabilité limitée E... et à la communauté d'agglomération de Cambrai.

Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Julien Sorin, président-assesseur,

- Mme Anne Khater, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

La présidente de chambre

Signé : A. SEULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

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N°19DA02067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 19DA02067
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-01-01 Procédure. Introduction de l'instance. Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours. Actes constituant des décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP GROS - HICTER - D'HALLUIN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-23;19da02067 ?
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