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09/03/2021 | FRANCE | N°19DA00499,19DA00500

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 09 mars 2021, 19DA00499,19DA00500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Viamedis a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'ensemble des titres de recettes correspondant aux trente-trois oppositions à tiers détenteurs notifiées à BNP Paribas les 27 mai 2016, 16 juin 2016 et 21 juin 2016 pour un montant total de 95 762,33 euros, d'ordonner la mainlevée totale de ces oppositions à tiers détenteurs et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n

° 1602200 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Viamedis a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'ensemble des titres de recettes correspondant aux trente-trois oppositions à tiers détenteurs notifiées à BNP Paribas les 27 mai 2016, 16 juin 2016 et 21 juin 2016 pour un montant total de 95 762,33 euros, d'ordonner la mainlevée totale de ces oppositions à tiers détenteurs et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1602200 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté comme étant portées devant une juridiction incompétente les conclusions de la requête de la société anonyme Viamedis tendant à la mainlevée d'oppositions à tiers détenteur, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Viamedis tendant à la décharge des sommes contestées pour un montant de 1 897,56 euros, annulé les titres de recettes contestés s'élevant à la somme globale de 24 722,02 euros et les oppositions à tiers détenteur en tant qu'elles portent sur les titres concernés et rejeté le surplus de la demande de la société Viamedis ainsi que les conclusions de la trésorerie de Creil municipale et du groupement hospitalier public du Sud de l'Oise tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 19DA00499 les 27 février et 18 avril 2019, la trésorerie de Creil Municipale, représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par la société Viamedis ;

3°) de mettre à la charge de la société Viamedis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19DA00500 le 27 février 2019, le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise, représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par la société Viamedis ;

3°) de mettre à la charge de la société Viamedis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... D... représentant le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19DA00499 et n° 19DA00500 présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. La société anonyme Viamedis a conclu, le 30 juin 2008, une convention avec le centre hospitalier de Senlis, aux droits duquel vient le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise, ayant pour objet la mise en place de la procédure de tiers-payant en matière d'examens, de soins médicaux et de frais d'hospitalisation, afin de permettre aux adhérents des organismes de complémentaire santé, clients de la société Viamedis, d'être dispensés d'avance de frais. Par trente-trois oppositions à tiers détenteur notifiées à BNP Paribas, établissement bancaire de la société Viamedis, les 27 mai, 16 et 21 juin 2016, le comptable public de la trésorerie de Creil Municipale a entendu obtenir le recouvrement de créances du groupement hospitalier public du Sud de l'Oise pour un montant total de 95 762,33 euros correspondant à des créances nées entre 2009 et 2014. La société Viamedis a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'ensemble des titres de recettes correspondant à ces trente-trois oppositions à tiers détenteurs, d'ordonner la mainlevée totale de ces oppositions à tiers détenteurs et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 27 décembre 2018, ce tribunal a rejeté comme étant portées devant une juridiction incompétente la demande de la société Viamedis tendant à la mainlevée desdites oppositions à tiers détenteur, a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à la décharge des sommes contestées pour un montant de 1 897,56 euros, a annulé les titres de recettes contestés pour un montant de 24 722,02 euros et les oppositions à tiers détenteur, en tant qu'elles portent sur les titres concernés et a rejeté le surplus de la demande de la société Viamedis. Le groupement hospitalier du Sud de l'Oise, par une requête recevable, fait appel de ce jugement, ainsi que la trésorerie de Creil Municipale. Par la voie de l'appel incident, la société Viamedis demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et demande l'annulation des titres de recettes qui n'ont pas été annulés par les premiers juges portant sur la somme totale de 3 624,79 euros.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort des pièces produites par la société Viamedis devant la cour qu'elle a procédé au paiement de plusieurs titres de recettes pour un montant total de 2 428,08 euros en cours d'instance devant le tribunal administratif d'Amiens, privant d'objet sa demande dans cette mesure. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 27 décembre 2018, qui a prononcé un non-lieu à statuer sur la somme de 1 897,56 euros seulement, doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu sur la somme supplémentaire de 530,52 euros.

4. Il y a lieu de se prononcer par la voie de l'évocation sur lesdites conclusions de la demande et de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Viamedis tendant à la décharge des sommes contestées pour un montant de 2 428,08 euros.

5. Il sera statué par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions d'appel présentées par la trésorerie de Creil Municipale et le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise et le surplus des conclusions présentées par la voie de l'appel incident par la société Viamedis.

Sur la forclusion de la demande de première instance :

6. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. " Le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par l'article R. 421-5 du code de justice administrative, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, lui soit opposable.

7. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par les textes applicables, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.

8. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

9. En l'espèce, les premiers actes de poursuite procédant des titres exécutoires en litige sont les mises en demeure notifiées le 4 mars 2016 à la société Viamedis. Si ces actes reproduisent les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales à leur verso, ils ne mentionnent pas les voies de recours permettant à leur destinataire de contester utilement les sommes mises à sa charge. Par ailleurs, si la société Viamedis n'a pas contesté les factures qui lui ont été envoyées au préalable dans le délai d'un mois en application des stipulations de la convention la liant au groupement hospitalier public du Sud de l'Oise, ces stipulations sont sans incidence sur l'application des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code de justice administrative. Dans ces conditions, à la date du 19 juillet 2016 à laquelle la société Viamedis a introduit sa demande devant le tribunal administratif d'Amiens, elle n'était pas tardive à contester les titres de recettes en litige.

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la trésorerie de Creil Municipale et le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la demande.

Sur le montant des sommes restant en litige :

11. Il résulte de l'instruction que, préalablement à l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif d'Amiens le 19 juillet 2016, la société Viamedis a procédé aux paiements de plusieurs titres exécutoires objets des oppositions litigieuses que les premiers juges ont évalués à une somme globale de 65 517,69 euros. Toutefois, devant la cour, les écritures précisées et détaillées de la société Viamedis permettent de porter le montant des sommes acquittées avant l'introduction de l'instance devant le tribunal, sans contestation de la part de la trésorerie de Creil Municipale et du groupement hospitalier public du Sud de l'Oise, à la somme de 71 661,54 euros. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a limité l'irrecevabilité des conclusions aux fins de décharge à la somme de 65 517,19 euros, cette somme devant être portée à 71 661,54 euros.

12. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le montant des sommes restant en litige s'élève à 24 100,79 euros.

13. La société Viamedis soutient que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de prononcer une décharge intégrale en laissant à sa charge un montant de 3 624,79 euros. Elle fait valoir, à l'appui d'écritures détaillées et précises, créance par créance, que les titres exécutoires restant en litige ne sont pas fondés aux motifs, pour les uns, que le bénéficiaire des soins lui est inconnu ou n'était titulaire d'aucune carte permettant sa prise en charge, pour les autres, que les risques n'étaient pas couverts ou que le conventionnement avec l'organisme de mutuelle du patient était arrivé à échéance. Or, ni la trésorerie de Creil Municipale, ni le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise ne remettent sérieusement en cause ces affirmations, le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise se bornant à faire valoir que les factures émises au préalable étaient réputées acceptées par la société en application de la convention de tiers-payant du 20 juin 2008 alors qu'aucune stipulation ne prévoit un tel mécanisme d'acceptation. Par voie de conséquence, il y a lieu de prononcer l'annulation des titres exécutoires portant sur la somme de 24 100,79 euros et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme, incluant la somme de 3 624,79 euros qui avait, à tort, été laissée à la charge de la société requérante par les premiers juges.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de la trésorerie de Creil Municipale et du groupement hospitalier public du Sud de l'Oise doivent être rejetées et qu'il convient en revanche d'accueillir l'appel incident de la société Viamedis en la déchargeant de l'obligation de payer la somme de 24 100,79 euros.

Sur les conclusions tendant à la mainlevée des oppositions à tiers détenteurs :

15. Par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 de leur jugement, les conclusions de la société Viamedis tendant au prononcé de la mainlevée des oppositions à tiers détenteur doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du groupement hospitalier public du Sud de l'Oise une somme de 1 500 euros à verser à la société Viamedis au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, une telle condamnation ne pouvant être prononcée à l'encontre de la trésorerie de Creil Municipale, dépourvue de personnalité morale. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise et, en tout état de cause, par la trésorerie de Creil Municipale.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la société Viamedis tendant au prononcé de la mainlevée d'oppositions à tiers détenteur sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Le jugement n° 1602200 du tribunal administratif d'Amiens du 27 décembre 2018 est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur la somme de 530,52 euros.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société anonyme Viamédis tendant à l'annulation des titres exécutoires pour un montant de 2 428,08 euros et à la décharge de l'obligation de payer cette somme.

Article 4 : Les requêtes de la trésorerie de Creil Municipale et du groupement hospitalier public du Sud de l'Oise sont rejetées.

Article 5 : Les titres de recettes portant sur la somme de 24 100,79 euros sont annulés et la société anonyme Viamedis est déchargée de l'obligation de payer la somme correspondante.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la société anonyme Viamedis présentées par la voie de l'appel incident est rejeté.

Article 7 : Le jugement n° 1602200 du tribunal administratif d'Amiens du 27 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le groupement hospitalier public du Sud de l'Oise versera à la société anonyme Viamedis une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la trésorerie de Creil Municipale, au groupement hospitalier public du Sud de l'Oise et à la société anonyme Viamedis.

Copie sera adressée à la direction régionale des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord.

2

N°19DA00499,19DA00500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA00499,19DA00500
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-06-02-01 Santé publique. Établissements publics de santé. Fonctionnement. Financement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SHBK AVOCATS ; SHBK AVOCATS ; SHBK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-09;19da00499.19da00500 ?
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