Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement forestier de la Loge, M. I... L..., son représentant légal, Mme B... M... épouse L..., décédée le 23 avril 2018 en cours d'instance, puis ses ayants droit, M. I... L..., Mme J... L..., M. G... L..., M. C... L..., Mme K... L..., M. E... L..., M. A... L..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 5 avril 2017 par laquelle le directeur départemental des territoires de l'Oise a prononcé la déchéance de l'aide attribuée dans le cadre de la convention conclue le 2 mars 2015 entre le groupement forestier de la Loge, d'une part, le préfet de la région Picardie et la région Picardie, d'autre part, de condamner l'Etat et la région Hauts-de-France à leur payer la somme de 72 576 euros et de mettre à la charge de l'Etat et de la région Hauts-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1701499 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019, le groupement forestier de la Loge et M. I... L..., Mme J... L..., M. G... L..., M. C... L..., Mme K... L..., M. E... L..., M. A... L..., ès qualités d'ayants droit de Mme B... L..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 5 avril 2017 par laquelle le directeur départemental des territoires de l'Oise a prononcé la déchéance de l'aide attribuée dans le cadre de la convention conclue le 2 mars 2015 ;
3°) de condamner l'Etat et la région Hauts-de-France à leur payer la somme de 72 576 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la région Hauts de France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural et abrogeant le règlement CE n°1698/2005 du Conseil ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2016-279 du 8 mars 2016 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 8 mars 2016 pris en application du décret n° 2016-279 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Khater, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Baillard, rapporteur public ;
- et les observations de Me H... D... représentant la région Hauts-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. Le groupement forestier de la Loge, dont M. I... L... est le gérant, et l'épouse de celui-ci, Mme B... M..., membre dudit groupement, ont présenté, le 22 septembre 2014, une demande de subvention dans le cadre du programme de " soutien à l'amélioration de la desserte forestière " pour la réalisation de travaux sur la desserte forestière entre Maysel et Cires-lès-Mello, dont le groupement forestier de la Loge est propriétaire. Par une convention du 2 mars 2015 signée entre, d'une part, le préfet de la région Picardie, la région Picardie et, d'autre part, le groupement forestier de la Loge, représenté par M. I... L..., ledit groupement s'est vu accorder un concours financier de l'Etat, de la région Picardie et du Fonds européen agricole pour le développement rural pour la réalisation de travaux de desserte forestière d'un montant estimé de 123 593 euros, à hauteur de 32 010,59 euros s'agissant de l'aide accordée par l'Etat, de 12 359,30 euros s'agissant de l'aide accordée par la région Picardie et de 54 504,51 euros s'agissant du Fonds européen agricole pour le développement rural, soit un montant total d'aides de 98 874, 40 euros. Les travaux ont débuté le 15 février 2016 et une première demande de paiement a été présentée à la direction départementale des territoires de l'Oise, à la suite de laquelle l'agent comptable de l'agence de services et de paiement a relevé deux anomalies, qualifiées de non régularisables. Par une décision du 5 avril 2017, le directeur départemental des territoires de l'Oise a déchu totalement le groupement de ses droits à l'aide en litige, au motif de ces deux anomalies. Par le jugement n° 1701499 du 4 octobre 2019, dont il est relevé appel par le groupement forestier de la Loge et les ayants droit de Mme L..., le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2017 et à la condamnation de l'Etat et de la région Hauts-de-France à leur payer la somme de 72 576 euros correspondant au montant de l'aide dont ils ont été illégalement déchus. Devant la cour, le groupement forestier de la Loge et les consorts L... demandent l'annulation de la décision du 5 avril 2017 par laquelle le directeur départemental des territoires de l'Oise a prononcé la déchéance de l'aide attribuée dans le cadre de la convention conclue le 2 mars 2015 et la condamnation de l'Etat et de la région Hauts-de-France à leur verser le montant de l'aide dont ils ont été déchus à hauteur de 72 576 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 5 avril 2017 de déchéance des droits du groupement forestier de la Loge :
2. En premier lieu, indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet les décisions par lesquelles la personne publique cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.
3. En l'espèce, contrairement à ce que soutient la région Hauts-de-France et nonobstant la mention " recours de plein contentieux " figurant en en-tête de la demande introductive d'instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 5 juin 2017, le groupement forestier de la Loge et les consorts L... ont présenté devant le tribunal administratif d'Amiens à la fois des conclusions en excès de pouvoir en demandant l'annulation de la décision du directeur départemental des territoires de l'Oise, en date du 5 avril 2017, ayant déchu totalement le groupement de ses droits à l'aide en litige, et des conclusions indemnitaires en demandant la condamnation de la région Hauts-de-France à leur verser la somme de 72 576 euros. Il s'ensuit que la région Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance était irrecevable.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des termes mêmes de la décision attaquée ayant prononcé la déchéance totale des droits du groupement forestier de la Loge à l'aide accordée par la convention n°5 signée entre l'Etat, la région Picardie et le groupement forestier de la Loge, que le directeur départemental des territoires de l'Oise a déchu le groupement forestier de la Loge de l'ensemble de ses droits aux motifs, d'une part, que le groupement forestier de la Loge n'avait pas justifié de la date d'acquittement de la facture présentée et, d'autre part, que la facture avait été acquittée par Mme B... L... à la place du bénéficiaire direct de l'aide accordée.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs plus contesté en appel que le groupement forestier de la Loge a versé à l'appui de sa demande de mise en paiement, une copie de la facture attestée acquittée par le fournisseur et des copies de relevés de comptes faisant apparaître le débit correspondant à cette facture et la date de débit. Ainsi, en dépit de l'incohérence qui existait entre les mentions manuscrites portées par le bénéficiaire sur le formulaire de demande de paiement et la date d'acquittement résultant des pièces versées, l'administration disposait de tous les éléments pour déterminer cette dernière date. Dès lors, les requérants sont fondés à soutenir qu'en décidant de déchoir le groupement de l'aide qui lui avait été accordée, au motif que le bénéficiaire n'avait pas apporté de justification de la date d'acquittement de la facture présentée, le directeur départemental des territoires de l'Oise a entaché sa décision d'une erreur de fait.
6. D'autre part, aux termes de l'article 60 point 4 du règlement UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural et abrogeant le règlement CE n° 1698/2005 du Conseil : " Les paiements effectués par les bénéficiaires sont attestés par des factures et des preuves de paiement. Lorsque cela n'est pas possible, ces paiements sont accompagnés de documents de valeur probante équivalente, sauf pour les formes de soutien visées à l'article 67, paragraphe 1, points b), c) et d), du règlement (UE) n°1303/2013 ". L'article 4 du décret n° 2016-279 du 8 mars 2016 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses dans le cadre des programmes soutenus par les fonds structurels et d'investissement européens pour la période 2014-2020 prévoit que : " Sous réserve des dispositions de la législation de l'Union européenne applicables à chaque fonds, une dépense est éligible si elle a été engagée par le bénéficiaire et payée, selon les modalités prévues par l'acte attributif mentionné à l'article 6, entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2023, et se rattache à une opération inscrite dans un programme européen ". L'acte attributif, en l'espèce la convention du 2 mars 2015 portant attribution d'une aide au groupement forestier de la Loge prévoit, en son article 8, que : " Le bénéficiaire doit adresser à la DDT le formulaire de demande de paiement de l'aide ainsi que les pièces justificatives nécessaires (...) ". Enfin, l'article 3 de l'arrêté du 8 mars 2016 pris en application du décret n° 2016-279 du 8 mars 2016 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses des programmes européens pour la période 2014-2020 dispose que : "Les pièces justificatives que le bénéficiaire doit présenter à l'autorité de gestion sont fixées aux 1°, 2° et 3° du présent article, à savoir : (...) / 3° La fourniture d'une des pièces suivantes permettant d'apporter la preuve de l'acquittement des dépenses éligibles : / a) Des factures ou copies de factures attestées acquittées par les fournisseurs ou des états récapitulatifs des dépenses ou toute autre pièce comptable de valeur probante équivalente, attestés par tout organisme compétent en droit français / b) Des copies des relevés de compte du bénéficiaire faisant apparaître le débit correspondant et la date de débit (...) ".
7. Il résulte des dispositions de l'article 3 précité de l'arrêté du 8 mars 2016 que la preuve de l'acquittement des dépenses éligibles peut être apportée ou bien par des factures ou copies de factures attestées acquittées par les fournisseurs, ou bien par des copies des relevés de compte du bénéficiaire faisant apparaître le débit correspondant et la date de débit. Dans le cas où la preuve est apportée par les factures attestées acquittées, aucune des dispositions précitées de droit communautaire ou de droit interne, ni aucune des stipulations de l'acte attributif, ne s'oppose à ce que la dépense éligible puisse être supportée par un tiers dès lors que la dépense a été engagée par le bénéficiaire de l'aide et effectivement payée. Il suit de là que la production, par le groupement forestier de la Loge, d'une facture établie par le fournisseur, la société à responsabilité limitée TPVHS, attestant que celle-ci a bien été acquittée suffit à retenir l'éligibilité de la dépense, sans qu'y fasse obstacle son financement par Mme B... L..., au demeurant elle-même membre du groupement. Dès lors, le second motif retenu par le directeur départemental des territoires de l'Oise pour déchoir le groupement forestier de la Loge de ses droits à l'aide en litige est entaché d'une erreur de droit. Le groupement forestier de la Loge et les consorts L... sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la déchéance de l'aide pouvait être fondée sur le seul motif tiré de ce que le bénéficiaire de la convention n'avait pas assumé la charge finale de la dépense.
8. Il résulte de ce qui précède que le groupement forestier de la Loge et les consorts L... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande en annulation de la décision du 5 avril 2017 par laquelle le directeur départemental des territoires de l'Oise a déchu totalement le groupement de ses droits à l'aide en litige.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
9. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ".
10. Le groupement forestier de la Loge et Mme B... L..., puis ses ayants droit, n'ont pas présenté à l'administration de demande préalable tendant à l'octroi d'une somme de 72 576 euros en réparation du préjudice qu'ils auraient subi à raison de l'illégalité de la décision du 5 avril 2017. Dès lors, le contentieux n'ayant pas été lié, leurs conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées comme étant irrecevables.
En ce qui concerne l'injonction d'office :
11. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette décision. "
12. L'exécution du présent arrêt implique que la demande du groupement forestier de la Loge, seul bénéficiaire de la convention n°5 relative à l'attribution d'une aide du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, du Fonds européen agricole pour le développement rural et de la région Picarde à des travaux d'amélioration de la desserte forestière conclue le 2 mars 2015, soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la région Hauts-de-France de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la seule région Hauts-de-France, partie perdante, une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés ensemble par le groupement forestier de la Loge et les consorts L... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1701499 du 4 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La décision du 5 avril 2017 du directeur départemental des territoires de l'Oise est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la région Hauts-de-France de procéder au réexamen de la demande du groupement forestier de la Loge tendant au versement de l'aide prévue par la convention n°5 relative à l'attribution d'une aide du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, du Fonds européen agricole pour le développement rural et de la région Picarde à des travaux d'amélioration de la desserte forestière conclue le 2 mars 2015, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La région Hauts-de-France versera au groupement forestier de la Loge et aux consorts L..., ensemble, la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du groupement forestier de la Loge et des consorts L... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au groupement forestier de la Loge, à M. I... L..., Mme J... L..., M. G... L..., M. C... L..., Mme K... L..., M. E... L..., M. A... L..., ayants droit de Mme B... M... épouse L..., à la région Hauts-de-France et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
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N°19DA02697