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02/02/2021 | FRANCE | N°19DA02836

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 02 février 2021, 19DA02836


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais-Haute-Normandie et Picardie a confirmé la sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire, dont six jours avec sursis pendant six mois, prononcée à son encontre par le directeur du centre pénitentiaire de Maubeuge le 12 mai 2017.

Par un jugement n° 1705712 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille

a annulé la décision du 6 juillet 2017 et a mis à la charge de l'Etat une so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais-Haute-Normandie et Picardie a confirmé la sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire, dont six jours avec sursis pendant six mois, prononcée à son encontre par le directeur du centre pénitentiaire de Maubeuge le 12 mai 2017.

Par un jugement n° 1705712 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 6 juillet 2017 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M. C....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., incarcéré au centre pénitentiaire de Maubeuge du 22 juillet 2016 au 26 novembre 2019, a fait l'objet d'un rapport d'incident le 9 mars 2017 en raison de la découverte par un surveillant, lors de la fouille de sa cellule, de " vingt-trois petits cachets rose de forme pentagonaux " sur sa table de chevet et d'un " boudin contenant une substance blanche " dans la porte d'un des deux réfrigérateurs de la cellule. Pour ces faits qualifiés de faute disciplinaire du premier degré, sur le fondement des 7° et 8° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale dans sa version alors en vigueur, le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Maubeuge a, après avis de la commission de discipline, prononcé à l'encontre de M. C... une sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire, avec un sursis de six jours actifs pendant six mois. Le 16 mai 2017, M. C... a formé un recours administratif préalable contre cette décision de sanction, à laquelle s'est substituée la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires Nord-Pas-de-Calais-Haute-Normandie et Picardie du 6 juillet 2017 confirmant la sanction. La garde des sceaux, ministre de la justice fait appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. C..., annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. La garde des sceaux, ministre de la justice soutient qu'en s'abstenant de mettre en œuvre leur pouvoir d'instruction en demandant la production du procès-verbal de la séance tenue devant la commission de discipline sans occultation, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité. Toutefois, s'il revient au juge de l'excès de pouvoir, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de discipline a été soulevé devant les premiers juges dès la requête introductive d'instance et la garde des sceaux, ministre de la justice a fait le choix de ne pas lever l'anonymat dans les pièces produites en défense devant le tribunal. Dans ces conditions, la garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de demander la production du procès-verbal de la commission de discipline sans occultation, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale : " (...) L'autorité compétente peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue, à son avocat ou au mandataire agréé les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires. "

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale: " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs. " L'article R. 57-7-8 du même code dispose que : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance. " L'article R. 57-7-13 du même code dispose que : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. " Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la commission de discipline réunie le 12 mai 2017 était composée, outre son président, d'un premier assesseur, dont le patronyme était occulté dans le dossier de première instance ainsi que le permettent les dispositions précitées de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale et d'un second assesseur, M. B... A..., dûment habilité par le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe. Le registre de la commission de discipline, produit pour la première fois en appel, indique l'identité du premier assesseur de manière manuscrite et très peu lisible, ce qui a amené la cour à faire usage de ses pouvoirs d'instruction en demandant au garde des sceaux, ministre de la justice, de lui communiquer l'identité de l'auteur du compte-rendu d'incident du 9 mars 2017 et celle du premier assesseur ayant siégé à la commission de discipline. Malgré cette invitation, le garde des sceaux, ministre de la justice s'est borné à fournir les initiales et les premières syllabes des noms des deux surveillants en cause, qui ne permettent pas de corrélation avec la mention manuscrite très peu lisible de l'identité du premier assesseur. Dans ces conditions, les éléments produits devant la cour ne permettent pas plus que devant les premiers juges de vérifier que le premier assesseur ayant siégé à la commission de discipline du 12 mai 2017 n'était pas l'auteur du compte-rendu d'incident du 9 mars 2017, comme exigé par les dispositions de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale. Par suite, la garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 6 juillet 2017 pour vice de procédure ayant privé M. C... d'une garantie.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête en appel de la garde des sceaux, ministre de la justice, doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de la garde des sceaux, ministre de la justice est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. D... C....

N°19DA02836 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA02836
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-02;19da02836 ?
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