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02/02/2021 | FRANCE | N°19DA01270

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 02 février 2021, 19DA01270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les syndicats Confédération Générale du Travail et Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail du centre hospitalier régional universitaire de Lille ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision n° 16/03/0178 du 14 mars 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a mis en place une organisation en deux fois douze heures du service infirmier des cinq unités de réanimation, de l'

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les syndicats Confédération Générale du Travail et Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail du centre hospitalier régional universitaire de Lille ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision n° 16/03/0178 du 14 mars 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a mis en place une organisation en deux fois douze heures du service infirmier des cinq unités de réanimation, de l'unité d'accueil et de déchocage médical et de l'unité de surveillance continue toxicologique du pôle de réanimation, de déclarer illégale l'organisation en douze heures présentée pour avis en comité technique d'établissement du 11 janvier 2016, d'enjoindre au centre hospitalier régional universitaire de Lille de rétablir l'organisation du temps de travail précédente et de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1607037 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes et les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Lille présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2019 et un mémoire, enregistré le 9 décembre 2019, les syndicats Confédération Générale du Travail et Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail, représentés par Me B... A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision n° 16/03/0178 du 14 mars 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a mis en place une organisation en deux fois douze heures du service infirmier des cinq unités de réanimation, de l'unité d'accueil et de déchocage médical et de l'unité de surveillance continue toxicologique du pôle de réanimation ;

3°) de déclarer illégale l'organisation en douze heures présentée pour avis en comité technique d'établissement du 11 janvier 2016 ;

4°) d'enjoindre au centre hospitalier régional universitaire de Lille de rétablir l'organisation du temps de travail précédente ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 ;

- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me C... D..., représentant le centre hospitalier régional universitaire de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision en date du 14 mars 2016, le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille a fixé à douze heures la durée quotidienne de travail au sein du service infirmier des cinq unités de réanimation, de l'unité d'accueil et de déchocage et de l'unité de surveillance continue toxicologique du pôle réanimation, après avoir recueilli un avis favorable du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement le 8 octobre 2015 et un avis défavorable du comité technique d'établissement le 11 janvier 2016. Le 15 juillet 2016, le directeur général du centre hospitalier a rejeté le recours gracieux présenté à l'encontre de cette décision par les syndicats Confédération Générale du Travail et Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail. Par un jugement du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de ces deux syndicats tendant à l'annulation de cette décision et du projet d'organisation en douze heures présentée pour avis en comité technique d'établissement le 11 janvier 2016. Les syndicats Confédération Générale du Travail et Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret n° 2002-09 du 4 janvier 2002 : " 1° En cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit. Toutefois lorsque les contraintes de continuité du service public l'exigent en permanence, le chef d'établissement peut, après avis du comité technique d'établissement, ou du comité technique, déroger à la durée quotidienne du travail fixée pour les agents en travail continu, sans que l'amplitude de la journée de travail ne puisse dépasser 12 heures. " Il résulte de ces dispositions que la durée quotidienne de travail continu dans les établissements hospitaliers ne peut, par dérogation, atteindre douze heures, que si les contraintes de continuité du service public l'exigent en permanence.

3. Il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision attaquée que le directeur du centre hospitalier régional universitaire de Lille a dérogé à la durée quotidienne du travail, en la portant à douze heures, pour les infirmiers des services de réanimation, de l'unité d'accueil et de déchocage et de l'unité de surveillance continue toxicologique du pôle réanimation, afin de prendre en compte les contraintes de continuité propres à ces services. En particulier, cette réorganisation des cycles de travail doit permettre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, d'assurer un meilleur suivi des patients en impliquant des interventions plus longues à leur chevet, une meilleure collaboration entre infirmiers et médecins et une limitation de la fréquence des transmissions grâce à un roulement moins fréquent du personnel infirmier. Le centre hospitalier régional universitaire de Lille ajoute que cette nouvelle organisation des cycles de travail minimisera les risques d'infections en limitant le nombre des personnes intervenant quotidiennement auprès de patients ayant subi des interventions chirurgicales. Ces justifications, qui ne sont contredites par aucune pièce du dossier, suffisent, indépendamment de l'adhésion majoritaire des personnels en cause évoquée par le centre hospitalier régional universitaire de Lille, à regarder la décision attaquée comme ayant été prise en raison des contraintes de continuité de service public exigeant en permanence une durée quotidienne de travail atteignant le maximum légal dérogatoire prévu à l'article 7 du décret n° 2002-09 précité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 7 du décret n° 2002-09 du 4 janvier 2002 doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du même décret n° 2002-09 du 4 janvier 2002 : " L'organisation du travail doit respecter les garanties ci-après définies. / La durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours. / Les agents bénéficient d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum. / Le nombre de jours de repos est fixé à 4 jours pour 2 semaines, deux d'entre eux, au moins, devant être consécutifs, dont un dimanche. "

5. En l'espèce, les syndicats Confédération Générale du Travail et Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail soutiennent que les cycles de travail adoptés méconnaissent ces dispositions en impliquant un temps de travail de soixante heures par semaine glissante, les agents à temps plein étant en outre soumis au même rythme que les agents à temps partiel. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges au point 10 du jugement attaqué, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, la décision de porter à douze heures l'amplitude horaire de la journée de travail n'implique nullement, par elle-même, que les infirmiers concernés soient amenés à dépasser les quarante-huit heures de travail par semaine, même glissante et, par suite, la méconnaissance des dispositions de l'article 6 du décret n° 2002-09 du 4 janvier 2002.

6. En troisième lieu, en soutenant que les décisions attaquées méconnaissent les prescriptions de l'article D. 712-109 du code de la santé publique issu du décret n° 2002-466, abrogé à la date de la décision attaquée, les syndicats Confédération Générale du Travail et Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail doivent être regardés comme invoquant la méconnaissance des dispositions de l'article D. 6124-32 du code de la santé publique selon lequel : " Sous la responsabilité d'un cadre infirmier, l'équipe paramédicale d'une unité de réanimation adulte comprend au minimum : / - deux infirmiers pour cinq patients ; / - un aide-soignant pour quatre patients. (...) ". Toutefois, la décision de porter à douze heures l'amplitude horaire de la journée de travail n'implique nullement, par elle-même, que l'équipe paramédicale des unités concernées ne soit plus composée conformément à ces prescriptions. Les syndicats appelants ne sont donc pas fondés à soutenir que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance de ces prescriptions règlementaires.

7. En quatrième lieu, en soutenant que les décisions attaquées méconnaissent les prescriptions de l'article 14 du décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières, abrogé à la date de la décision attaquée, les syndicats requérants doivent être regardés comme invoquant la méconnaissance des dispositions de l'article R. 4312-36 du code de la santé publique, relatif aux modalités d'exercice de la profession d'infirmier qui disposent que : " L'infirmier chargé de toute fonction de coordination ou d'encadrement veille à la bonne exécution des actes accomplis par les personnes dont il coordonne ou encadre l'activité, qu'il s'agisse d'infirmiers, d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture, d'aides médico-psychologiques, d'étudiants en soins infirmiers ou de toute autre personne placée sous sa responsabilité. / Il est responsable des actes qu'il assure avec la collaboration des professionnels qu'il encadre. / Il veille à la compétence des personnes qui lui apportent leur concours. " Toutefois, il ne ressort ni de la décision attaquée, ni d'aucune autre pièce du dossier que l'allongement de l'amplitude horaire de la journée de travail à douze heures porte atteinte à la mission de coordination et d'encadrement des aides-soignantes par les infirmiers au profit de la relation médecin-personnel infirmier. Les syndicats appelants ne sont donc pas fondés à soutenir que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance de ces prescriptions règlementaires.

8. En cinquième lieu, les syndicats requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de la circulaire DGS/PS3/DH /FH1 n° 96-31 du 19 janvier 1996, paragraphe B, a, b qui ne contient aucune disposition impérative à caractère général.

9. En sixième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'allongement de l'amplitude horaire de la journée de travail à douze heures emporterait des prises de poste décalées induisant une perte d'information médicale lors des transmissions, mettant en danger la santé des patients, ni qu'elle accroîtrait les risques professionnels pour les personnels concernés, qui au demeurant ont largement adhéré à ce projet, lequel a aussi fait l'objet d'un avis favorable émis le 8 octobre 2015 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté, par les motifs énoncés au point 7 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

10. En dernier lieu, si les syndicats requérants soutiennent que la réorganisation des cycles de travail est motivée par le seul objectif économique d'équilibre de l'état prévisionnel des recettes et des dépenses et de réduction des effectifs dans les services concernés, il résulte de ce qui a été énoncé au point 3 du présent arrêt que l'allongement de la durée quotidienne de travail a été prise en raison des spécificités des services concernés et dans leur seul intérêt. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen tiré du détournement de procédure.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les syndicats Confédération Générale du Travail et Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont il est relevé appel, leurs demandes ont été rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille le versement à la Confédération Générale du Travail et au Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail d'une somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge desdits syndicats la somme demandée par le centre hospitalier régional universitaire de Lille au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Confédération Générale du Travail et du Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Lille présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Confédération Générale du Travail, au Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens de la Confédération Générale du Travail du centre hospitalier régional universitaire de Lille et au centre hospitalier régional universitaire de Lille.

5

N°19DA01270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA01270
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-11 Fonctionnaires et agents publics. - Dispositions propres aux personnels hospitaliers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP RILOV

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-02;19da01270 ?
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