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20/10/2020 | FRANCE | N°19DA01033

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 20 octobre 2020, 19DA01033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à lui verser une somme de 138 098,24 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 28 mars 2012, en indemnisation des préjudices subis en raison de l'irrégularité du contrat de travail à durée déterminée conclu le 16 mars 2009.

Par un jugement n° 1205389 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un

e requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai et 18 décembre 2019, M. A..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à lui verser une somme de 138 098,24 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 28 mars 2012, en indemnisation des préjudices subis en raison de l'irrégularité du contrat de travail à durée déterminée conclu le 16 mars 2009.

Par un jugement n° 1205389 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai et 18 décembre 2019, M. A..., représenté par Me E... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à lui verser une somme de 192 374,90 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2012, en indemnisation des préjudices résultant de l'irrégularité du contrat de travail à durée déterminée conclu le 16 mars 2009 ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des dispositions de l'article R. 6152-402, 4° du code de la santé publique aux objectifs de la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sambre-Avesnois le versement d'une somme de 2 000 euros à Me F... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me B... C..., représentant le centre hospitalier de Sambre-Avesnois.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... a été recruté en qualité de praticien hospitalier contractuel par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois en vertu d'un contrat à durée déterminée en date du 16 mars 2009. Par une décision du 25 mars 2009, le directeur du centre hospitalier de Sambre-Avesnois a résilié ce contrat. M. A... interjette appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté son recours tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sambre-Avesnois à lui verser une somme de 138 098,24 euros en indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité de ce contrat.

Sur les conclusions de M. A... :

2. Aux termes de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique : " Les praticiens contractuels mentionnés à l'article R. 6152-401 ne peuvent être recrutés que dans les cas et conditions suivants (...) : 4° Pour occuper, en cas de nécessité de service et lorsqu'il s'avère impossible d'opérer un tel recrutement en application des dispositions statutaires en vigueur, un poste de praticien à temps plein ou à temps partiel resté vacant à l'issue de chaque procédure statutaire de recrutement. Le contrat peut être conclu pour une période maximale de six mois renouvelable dans la limite d'une durée totale d'engagement de deux ans (...) ".

3. Contrairement à ce qu'il soutient, M. A... n'a pas été engagé pour occuper un emploi permanent au sein du centre hospitalier de Sambre-Avesnois, mais en raison de la vacance d'un poste de praticien hospitalier à temps plein dans le service de pneumologie, et ce pour une durée de six mois, ainsi qu'il ressort des stipulations des articles 1er et 10 du contrat de recrutement du 16 mars 2009. Le moyen tiré de l'illégalité de ce contrat en tant qu'il méconnaîtrait les dispositions précitées ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. Ensuite, aux termes de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : " 1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes : a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail (...) ".

5. Contrairement à ce que M. A... soutient, si ces dispositions s'opposent à ce qu'un contrat de travail à durée déterminée soit renouvelé de manière abusive, elles n'interdisent pas le recours à un tel contrat. Les dispositions de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, subordonnent la conclusion et le renouvellement de contrats à durée déterminée à la nécessité de remplacer des fonctionnaires temporairement ou partiellement indisponibles. Elles se réfèrent ainsi à une " raison objective " de la nature de celles auxquelles la directive renvoie. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de contrats à durée déterminée, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de sa relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Ces dispositions ne sont donc pas incompatibles avec les objectifs de la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999. En tout état de cause, en l'espèce, le contrat à durée déterminée signé par M. A... et le centre hospitalier de Sambre-Avesnois le 16 mars 2009, rompu dès le 25 mars 2009, n'ayant pas été renouvelé, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir du dispositif juridique destiné à faire obstacle au renouvellement abusif de contrats à durée déterminée successifs afin de caractériser l'illégalité du contrat litigieux.

6. En troisième lieu, aux termes de la clause 4 de cet accord-cadre, annexé à la directive, relative au principe de non-discrimination : " 1. Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. / 2. Lorsque c'est approprié, le principe du "pro rata temporis" s'applique. / 3. Les modalités d'application de la présente clause sont définies par les États membres, après consultation des partenaires sociaux, et/ou par les partenaires sociaux, compte tenu de la législation Communautaire et la législation, des conventions collectives et pratiques nationales. / 4. Les critères de périodes d'ancienneté relatifs à des conditions particulières d'emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d'ancienneté différents sont justifiées par des raisons objectives ".

7. Ces stipulations ne concernent que les différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée, à raison même de la durée de la relation de travail. Les dispositions de l'article R. 6152-416 du code de la santé publique relatives à la rémunération des praticiens contractuels ne prévoient aucune reprise d'ancienneté, qu'il s'agisse des praticiens sous contrat à durée déterminée ou des praticiens sous contrat à durée indéterminée. Si les dispositions de l'article R. 6152-15 prévoient une reprise d'ancienneté pour les praticiens titulaires, la différence de traitement qui en résulte entre praticiens contractuels et praticiens titulaires est étrangère à la durée de la relation de travail. Une telle différence de traitement n'entre pas dans le champ d'application de la clause 4 de l'accord-cadre. Il en va de même des différences relatives à la progression de carrière et des sanctions applicables aux praticiens hospitaliers recrutés en vertu de contrats à durée déterminée, qui sont étrangères à la durée de la relation de travail. En tout état de cause, d'une part, contrairement à ce que soutient M. A..., un praticien titulaire, s'il ne peut être licencié, peut faire l'objet d'une révocation, qui est une mesure d'effet équivalent et, d'autre part, M. A... n'invoque aucun argument de nature à établir que les différences de traitement qu'il invoque entre les praticiens exerçant à durée indéterminée et les praticiens exerçant à durée déterminée, à les supposer établies, aient été à l'origine d'un préjudice de nature à ouvrir droit à indemnisation alors, ainsi qu'il a été dit, que sa relation contractuelle avec le centre hospitalier de Sambre-Avesnois n'a duré que huit jours.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours de première instance et de la requête d'appel, ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la conformité des dispositions de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique avec la directive 1999/70/CE du 18 juin 1999, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions reconventionnelles présentées par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois :

9. Des conclusions à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui amènent le juge à apprécier les mérites de l'action dont il est soutenu qu'elle a été abusivement engagée, ne peuvent être présentées, à titre reconventionnel, que dans l'instance ouverte par l'action principale, dont elles ne sont pas détachables. Il suit de là que, si de telles conclusions peuvent être présentées devant le juge d'appel, au titre du caractère abusif de l'appel, elles ne peuvent l'être pour la première fois devant lui pour obtenir la réparation du préjudice résultant d'un usage abusif du droit de saisir la juridiction de première instance. Il appartient au juge d'appel de rejeter comme irrecevables de telles conclusions aussi bien dans le cas où, saisi d'un jugement régulièrement prononcé, il statue dans le cadre de l'effet dévolutif que dans celui où, saisi d'un jugement irrégulier, il statue par voie d'évocation après avoir annulé ce dernier.

10. En l'espèce, s'agissant de la procédure de première instance, les conclusions présentées par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois tendant à la condamnation de M. A... à l'indemniser du préjudice résultant du caractère manifestement abusif de la procédure de première instance sont, en application des principes rappelés au point précédent, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

11. En revanche, s'agissant de la procédure d'appel, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. A... à verser au centre hospitalier de Sambre-Avesnois une somme de 1 000 euros en indemnisation du préjudice résultant du caractère manifestement abusif de la procédure d'appel, à la faveur de laquelle l'intéressé se borne à reprendre des moyens manifestement inopérants, infondés ou auxquels il a déjà été répondu dans le cadre des nombreuses procédures antérieures qu'il a engagées, sans succès, contre le centre hospitalier de Sambre-Avesnois.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Sambre-Avesnois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au centre hospitalier de Sambre-Avesnois une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour recours abusif.

Article 3 : M. A... versera au centre hospitalier de Sambre-Avesnois une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions reconventionnelles du centre hospitalier de Sambre-Avesnois est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au centre hospitalier de Sambre-Avesnois et à Me F....

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N°19DA01033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01033
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-03-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Nominations. Titularisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : BERTHET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-20;19da01033 ?
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