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16/04/2020 | FRANCE | N°19DA02273

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 16 avril 2020, 19DA02273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tommasini Construction a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Willems à lui verser une provision d'un montant total de 78 696,93 euros hors taxes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à venir, assortie des intérêts moratoires à compter du 16 octobre 2018.

Par une ordonnance n° 1900106 du 18 septembre 20

19, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tommasini Construction a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Willems à lui verser une provision d'un montant total de 78 696,93 euros hors taxes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à venir, assortie des intérêts moratoires à compter du 16 octobre 2018.

Par une ordonnance n° 1900106 du 18 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2019, la société Tommasini Construction, représentée par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Willems à lui verser une provision d'un montant de 78 696,93 euros hors taxes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à venir, assortie des intérêts moratoires à compter du 16 octobre 2018 ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Willems à lui verser une provision d'un montant de 9 035,28 euros hors taxes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, assortie des intérêts moratoires à compter du 16 octobre 2018 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Willems la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°2016-630 du 25 mars 2016 ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 27 janvier 2017, la commune de Willems a confié, à la société Tommasini Construction, le macro lot n°1 " Clos couvert " dans le cadre d'un projet d'aménagement de bureaux accessibles au public dans un établissement recevant du public existant. Le 30 mars 2018, le maître d'oeuvre a rejeté le mémoire définitif présenté par la société Tommasini Construction au motif, notamment, que des pénalités de retard devaient lui être appliquées. Par lettre du 11 septembre 2018, la société Tommasini Construction a mis en demeure la commune de Willems de lui notifier le décompte général et définitif dans un délai de quinze jours. En l'absence de réponse, la société a, par lettre du 16 octobre 2018, réclamé le paiement du solde du marché qu'elle estime à la somme de 78 696,93 euros. Le 17 octobre 2018, la commune de Willems a adressé un projet de décompte définitif fixant un solde positif en faveur de la société Tommasini Construction d'un montant de 9 035,28 euros hors taxes compte tenu notamment des pénalités de retard appliquées pour un montant de 55 643,90 euros. La société Tommasini Construction a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Willems à lui verser une provision d'un montant total de 78 696,93 euros hors taxes ou à titre subsidiaire de 9 035,28 euros. La société Tommasini Construction relève appel de l'ordonnance du 18 septembre 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Il ressort des motifs du point 4 de l'ordonnance attaquée, que le tribunal administratif a jugé que l'article 5.4.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché ne prévoyait aucune acceptation tacite par le maître d'ouvrage du mémoire définitif adressé par l'entrepreneur après la réception des travaux. Il a ce faisant implicitement, mais nécessairement, estimé qu'aucun décompte général définitif tacite n'est intervenu. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée du fait d'une omission à statuer doit être écarté.

Sur la provision :

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de la seule obligation invoquée devant lui par la partie qui demande une provision, sans tenir compte d'une éventuelle créance distincte que le défendeur détiendrait sur le demandeur.

4. D'une part, selon les stipulations de l'article 2.2.3 du cahier des clauses administratives particulières fixant l'ordre de préséance des documents contractuels, le cahier des clauses administratives particulières précède la norme NFP 03 001 de décembre 2000 et ses révisions. En cas de contradiction entre ces deux documents, le cahier des clauses administratives particulières prime sur la norme NFP 03 001 de décembre 2000.

5. D'autre part, aux termes de l'article 5.4 du cahier des clauses administratives particulières applicable en l'espèce : " Règlement des comptes définitifs : Par dérogation à ce qui est prévu à la NORME NFP 03 001 le règlement des comptes sera établi comme suit : 5.4.1 Mémoire définitif Le mémoire définitif des travaux exécutés par l'entrepreneur devra être remis au maître d'oeuvre dans un délai de 60 jours à compter de la date de la réception des travaux (...) Le mémoire définitif de l'entreprise sera vérifié par le maître d'oeuvre dans les 45 jours qui suivent la date de sa remise. 5.4.2 Décompte définitif et décompte général Le Maître d'oeuvre établira le décompte définitif à partir du mémoire définitif de l'entrepreneur. Il rectifiera le cas échéant le montant des sommes figurants au titre des travaux, acomptes pénalités... (...) Dans un délai de 30 jours après réception du mémoire définitif vérifié par le Maître d'oeuvre, le maître d'ouvrage notifiera en LRAR à l'entrepreneur ce décompte définitif qui deviendra le décompte général définitif s'il est accepté ou non contesté par l'entrepreneur ".

6. La société Tommasini Construction a vu son mémoire définitif rejeté par le maître d'oeuvre en raison notamment de l'existence de pénalités de retard devant lui être infligées. La société requérante, après avoir d'abord contesté en vain ce rejet, a, par lettre du 11 septembre 2018, reçue le lendemain par la commune, mis en demeure celle-ci de lui adresser, dans un délai de quinze jours, le décompte définitif du marché. Aucune réponse n'est intervenue au terme du délai de quinze jours. La société Tommasini Construction soutient en conséquence qu'en application de l'article 19.6.2 de la norme AFNOR NFP 03-001 de décembre 2000, le maître d'ouvrage est réputé avoir accepté son mémoire définitif remis au maître d'oeuvre, qui faisait état d'un solde positif en sa faveur de 78 696,93 euros hors taxes et qu'un décompte général et définitif tacite est ainsi intervenu. Toutefois, ainsi que le soutient la commune de Willems, il résulte clairement de l'article 5.4 du cahier des clauses administratives particulières, cité au point 5, que celui-ci régit les conditions du règlement des comptes, par dérogation à ce qui est prévu à la norme NFP 03 001. Dès lors, la circonstance que cet article du cahier des clauses administratives particulières ne prévoit pas de conséquences à l'absence de notification du décompte dans le délai imparti, ne rend pas pour autant applicable l'article 19.6.2 de la norme AFNOR NFP 03 001. Par ailleurs, est sans incidence sur l'application de ces dispositions la circonstance que les dérogations au cahier des clauses administratives générales, en l'espèce la norme AFNOR NFP 03 001, ne soient pas reprises à la fin du cahier des clauses administratives particulières comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 15 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Dans ces conditions, l'obligation dont se prévaut à titre principal la société Tommasini Construction pour un montant de 78 696,93 euros hors taxes présente un caractère sérieusement contestable.

7. A titre subsidiaire, la société Tommasini Construction demande le versement d'une provision d'un montant de 9 035,28 euros hors taxes, correspondant au solde du marché admis par la commune dans le décompte définitif qu'elle lui a adressé par lettre du 17 octobre 2018.

8. Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné à l'une des parties au marché, de verser à son cocontractant une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi et les travaux entièrement exécutés.

9. Il n'est pas contesté par la commune de Willems, que le décompte définitif transmis le 17 octobre 2018 à la société Tommasini Construction fait apparaître un solde positif en faveur de l'entreprise d'un montant de 9 035,28 euros hors taxes. Ainsi, l'obligation dont se prévaut à titre subsidiaire la société Tommasini Construction, n'est pas sérieusement contestable. Il y a lieu dès lors de fixer la provision à la somme de 9 035,28 euros hors taxes.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Tommasini Construction est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les intérêts moratoires assorties d'une astreinte :

11. Aux termes de l'article 5.3.6 du cahier des clauses administratives particulières : " Intérêts moratoires : Après mise en demeure par lettre recommandée AR, les retards de paiement ouvrent droit pour l'Entrepreneur au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal uniquement et ce, par dérogation expresse à la norme NFP 03 001 de décembre 2000 ".

12. La somme à laquelle est condamnée la commune de Willems doit être assortie des intérêts moratoires à compter du 17 octobre 2018, date de réception par la commune de Willems de la lettre recommandée réclamant le paiement du solde du marché, et non, comme le demande la société requérante, à compter du 16 octobre 2018, correspondant à la date de son courrier.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Tommasini Construction, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Willems demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à celles présentées sur le même fondement par la société Tommasini Construction.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 18 septembre 2019 est annulée.

Article 2 : La commune de Willems est condamnée à verser à la société Tommasini Construction, une provision d'un montant de 9 035,28 euros hors taxes, cette somme étant assorties des intérêts moratoires à compter du 17 octobre 2018.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentée par la commune de Willems au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Tommasini Construction et à la commune de Willems.

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N°19DA02273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 19DA02273
Date de la décision : 16/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS HEPTA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-16;19da02273 ?
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