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18/06/2019 | FRANCE | N°17DA01040

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 17DA01040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A...Consulting International a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et des pénalités afférentes.

Par un jugement unique n° 1401948 du 27 avril 2017, le tribun

al administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A...Consulting International a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et des pénalités afférentes.

Par un jugement unique n° 1401948 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 mai 2017 et 9 janvier 2018, la société A...Consulting International, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et des pénalités afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et le Grand-duché du Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions en date du 1er avril 1958, et ses avenants ;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une visite domiciliaire exercée en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales au 1 chemin des Prés à Heuqueville (Eure), domicile de M. et MmeA..., l'administration fiscale a considéré que la société A...Consulting International (FCI), société de droit luxembourgeois qui a son siège au Luxembourg et est co-gérée par M. et MmeA..., disposait d'un établissement stable en France à partir duquel elle exerçait une activité occulte de conseil en matière de sécurité. La société FCI a alors fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2010. Les rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt pour les années 2005 à 2010 et en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 en résultant ont été notifiés à la société FCI selon la procédure de taxation d'office par proposition de rectification en date du 16 octobre 2012. Les impositions supplémentaires correspondantes ont été mises en recouvrement le 15 juillet 2013. Après avoir vainement présenté une réclamation contentieuse contre ces impositions, la société FCI a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à ce qu'il prononce la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et des pénalités afférentes. La société FCI relève appel du jugement du 27 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. La société FCI soutient que le tribunal administratif de Rouen n'a pas répondu à deux moyens invoqués dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 2 mars 2017 tirés, d'une part, de ce que la démonstration d'un établissement stable en France ne suffit pas, en matière de TVA, pour fonder les rehaussements s'il n'est pas établi que les prestations rendues l'ont été depuis cet établissement stable en France et, d'autre part, de la méconnaissance des articles 256, 258 et 259 du code général des impôts en ce que l'administration avait retenu comme critère d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour des livraisons de bien le critère de l'établissement stable alors que ce critère n'est applicable qu'aux prestations de service.

3. Le tribunal, dans son jugement, a rappelé au point 5 les principes en matière de rattachement des services afin d'établir le lieu des prestations de service puis a fait application de ces principes aux points 6 et 7 en motivant de manière détaillée les motifs pour lesquels il considérait que la société FCI avait bien en France un établissement stable à partir duquel les services ont été rendus et les motifs justifiant que les prestations en litige devaient être rattachées à cet établissement stable. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal a bien répondu au premier des moyens qu'elle invoquait dans son mémoire enregistré le 2 mars 2017. En revanche, le tribunal n'a pas répondu dans son jugement au moyen tiré de la méconnaissance des articles 256, 258 et 259 du code général des impôts. Ce moyen était inopérant dès lors qu'aucune livraison de bien n'a donné lieu à un rehaussement en matière de taxe sur la valeur ajoutée de la part de l'administration fiscale et le tribunal n'était donc pas tenu d'y répondre. Toutefois, ce moyen n'a pas été visé par les premiers juges. En conséquence, en ne visant pas ce moyen et n'y répondant pas dans son jugement, le tribunal a entaché son jugement d'une irrégularité. Par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, de statuer par voie d'évocation sur les conclusions aux fins décharge en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel les autres moyens invoqués par la société FCI.

Sur les conclusions aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt :

4. D'une part, aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles32 à 35, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que les seuls bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

5. D'autre part, le paragraphe 1 de l'article 4 de la convention entre la France et le Grand-duché du Luxembourg du 1er avril 1958 tendant à éviter les doubles impositions stipule : " Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que sur le territoire duquel se trouve un établissement stable ". Le paragraphe 3 de l'article 2 de la même convention stipule : " 1) Le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : / a) Les sièges de direction ; / (...) c) Les bureaux (...) / 4. Un représentant ou un employé agissant dans un des territoires pour le compte d'une entreprise de l'autre territoire (...) n'est considéré comme "établissement stable" dans le premier territoire que s'il : / a) Dispose de pouvoirs généraux qu'il exerce habituellement lui permettant de négocier et de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que son activité soit limitée à l'achat de matériel et de marchandises (...) ".

6. La Société FCI fait valoir qu'elle a son siège au Luxembourg, que son activité qui est d'ordre intellectuel s'exerce dans toute la France et qu'il est artificiel de considérer qu'elle s'exerce dans une habitation privée. En conséquence, elle conteste avoir disposé au domicile personnel de ses co-gérants, M. et MmeA..., au 1 chemin des Prés à Heuqueville (Eure) d'un établissement stable en France.

7. Il résulte toutefois de l'instruction que la procédure de visite domiciliaire au 1 chemin des Prés à Heuqueville a permis à l'administration fiscale de saisir de très nombreux documents émis par la société FCI dont des factures, devis et courriers divers adressés à ses clients. Il a ainsi été saisi à cette adresse l'intégralité des factures émises par la société FCI au titre des années 2008 et 2009. Ont également été saisis des documents informatiques mentionnant les dates de facturations, le mode et la date du règlement par le client, et le type de mission effectué par M. A.... Il a également été constaté par l'administration fiscale qu'une plaquette publicitaire de la société FCI indique comme coordonnées téléphoniques un numéro de téléphone portable, facturé par l'opérateur Orange à " Mme A...-C... " à l'adresse de Heuqueville, et un numéro de téléphone fixe qui correspond à celui du domicile de M. et Mme A...à Heuqueville et facturé par Orange à cette même adresse. A cet égard, l'administration fait valoir, sans être contredite, que les documents luxembourgeois présentés indiquaient dans les comptes " frais téléphone fixe et mobile " et " frais internet " des charges correspondant uniquement aux factures Orange adressées à Heuqueville. Ainsi, la société FCI a disposé à cette adresse de moyens de communication utiles et nécessaires à l'exercice de son activité. Les relevés des comptes bancaires de la société FCI ouverts au Luxembourg ont également été adressés jusqu'en mars 2009 à l'adresse " A...Consulting INTL F.C.I P/A M. Mme A...-D... 1 chemin des Près Heuqueville ". Par ailleurs, les prestations de conseil et d'études en matière de sécurité réalisées par M.A..., qui est l'unique salarié de la société FCI, nécessitent que M. A...se rende dans les établissements de ses clients. Or, il ressort des frais de péages recensés par l'administration fiscale à partir des tickets de péage autoroutier ainsi que des lieux de réalisation des frais de carburant que les trajets pour se rendre chez les clients de la société FCI ont quasi exclusivement pour gares autoroutières d'entrée et de sorties les péages situés dans l'Eure proche de l'adresse d'Heuqueville. Ainsi, la société FCI bénéficiait en France pour l'exploitation de son activité de la présence continue de son gérant et unique salarié, M.A..., lequel, disposant des compétences pour négocier avec les clients et possédant des procurations sur les comptes bancaires de la société, assurait ainsi la gestion administrative, commerciale et financière pleine et entière de cette dernière. Enfin, l'administration fiscale fait valoir, sans que cela ne soit contesté par la société requérante, qu'il ressort des déclarations des clients français de la société FCI, effectuées sur le fondement de l'article 240 du code général des impôts, que la société FCI, domiciliée.... Une facture d'un fournisseur en date du 6 mai 2010 concernant l'acquisition d'un brouilleur mentionne d'ailleurs que si l'adresse de facturation est au Luxembourg, la livraison devra être réalisée en France à Heuqueville. En conséquence, la société FCI disposait dans les locaux de situés au 1 chemin des Prés à Heuqueville d'une installation fixe d'affaires à partir de laquelle elle exerçait son activité. Par suite, la société FCI doit être regardée comme ayant exploité une entreprise en France au sens des dispositions précitées du I de l'article 209 du code général des impôts et il en résulte, par conséquence, que les bénéfices tirés de cette activité sont imposables à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française.

8. Les éléments relevés au point précédent permettent de regarder la société FCI comme ayant disposé, pour l'exercice de son activité, d'une installation fixe d'affaires caractérisant un établissement stable au sens et pour l'application des stipulations citées au point 5 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise. Si la société FCI soutient que ses documents comptables, administratifs et financiers sont situés à son siège social au Luxembourg, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que de très nombreux documents émis par la société FCI dont des factures, devis et courriers divers adressés à ses clients ont été saisis à l'adresse du 1 chemin des prés à Heuqueville lors de la visite domiciliaire et que les relevés de ses comptes bancaires ont été adressés à cette adresse jusqu'en mars 2009. A cet égard, la société FCI ne saurait utilement soutenir que ces documents saisis doivent être considérés comme ayant un sens préparatoire ou auxiliaire au sens de l'article 2-3, 3) d) de la convention franco-luxembourgeoise, ces stipulations prévoyant qu'il n'y a pas d'établissement stable si un lieu d'affaire est maintenu dans le pays aux seuls fins de " recherches scientifiques ayant pour l'entreprise un caractère préparatoire ou auxiliaire ". Par ailleurs si la société requérante soutient que l'immeuble situé à Heuqueville a été vendu, il résulte de l'instruction que cette vente est intervenue en 2015 postérieurement aux années en litige. Si elle soutient également que le local situé au Luxembourg où se situe son siège social est relié à l'électricité, est équipé du gaz et d'une connexion internet, ces éléments ne sauraient suffire à remettre en cause l'existence d'un établissement stable en France alors qu'au demeurant il n'est pas contesté par la société requérante que le bail du local lui servant de siège social mentionne que les lieux loués seront occupés par M. A..." à usage uniquement privé ". Enfin, la société FCI ne saurait utilement soutenir que la notion de cycle commercial ne figurant pas dans la convention franco-luxembourgeoise, elle ne pourrait être regardée comme disposant d'un établissement stable au sens de ladite convention dès lors que l'existence d'un établissement stable est en l'espèce caractérisée par l'existence d'une installation fixe d'affaires. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise citées au point 5 s'opposent à l'imposition en France des bénéfices qu'elle a tirés de l'activité de son établissement de Heuqueville au cours de la période en litige.

Sur les conclusions aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

9. A supposer même que certains éléments saisis au cours de la visite domiciliaire n'aient pas été conformes à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée, la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales doit être contestée non devant le juge de l'impôt mais devant le premier président de la cour d'appel. Par suite, la société FCI , qui ne démontre pas avoir exercé cette voie de recours devant l'autorité judiciaire, ne saurait utilement soutenir devant le juge de l'impôt que certaines des pièces saisies lors des opérations de visite l'ont été irrégulièrement.

10. Ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8 la société FIC disposait en France d'un établissement stable situé 1 chemin des Près à Heuqueville. Par suite, l'administration fiscale a pu légalement en application des dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales mener les opérations de vérification de comptabilité à cette adresse.

11. Aux termes de l'article L.13 A du livre des procédures fiscales : " Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner (...) ". D'éventuelles irrégularités entachant le procès-verbal au regard des exigences prévues par l'article L. 13 A précité, si elles privent celui-ci de sa valeur probante, sont en revanche sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

12. Aux termes de l'article L.66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (...) ".

13. Ainsi qu'il sera établi au point 15 à 18, la SARL FIC avait, en France, un établissement stable à partir duquel ses services ont été rendus au sens des dispositions de l'article 259 du code général des impôts. Alors qu'elle était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en France, il est constant qu'elle n'y a pas souscrit ses déclarations dans le délai légal. En outre, il n'est pas contesté que la société requérante ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a pu, contrairement à ce qu'elle soutient, procéder à la taxation d'office en application des dispositions du 3° de l'article L. 66 précité en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés.

14. Aux termes de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence, ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-7 du même code : " L'avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié : / a. Dans le cas où l'" ampliation " a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ; / b. Lorsque la lettre recommandée n'a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation ". Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 22 juillet 2013 a été notifié tant au siège social de la société requérante, 111 route d'Arlon à Strassen où il a été remis le 14 janvier 2014, qu'au lieu de son établissement stable en France au 1 chemin des Près à Heuqueville où il a été présenté le 25 juillet 2013 mais non retiré. Par suite, la SARL FIC n'est pas fondée à soutenir que l'imposition est irrégulière au motif qu'elle n'aurait pas reçu ledit avis au lieu de son siège social.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

15. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". En vertu de l'article 259 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ".

16. Pour l'application des dispositions citées au point précédent, qui résultent de la transposition en droit interne de l'article 9 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

17. Il résulte des éléments cités au point 7 que la société FCI a disposé au cours des années en litige à l'adresse d'Heuqueville, pour l'exploitation de son activité d'audit et de conseil en matière de sécurité, des moyens de communication utiles et nécessaires à l'exercice cette activité ainsi que de la présence continue de son gérant et unique salarié, M.A.... Il résulte également de ces éléments que ce dernier, qui assurait la gestion administrative, commerciale et financière pleine et entière de la société requérante, a accompli en France, pour le compte de celle-ci, l'ensemble des démarches de recherche des clients français et avait les compétences pour négocier tous les éléments, notamment tarifaires, des contrats passés avec ces clients. En conséquence, la société FCI doit être regardée comme ayant bénéficié en France, au titre de la période en litige, d'une structure permanente et apte, compte tenu de ses effectifs et de ses moyens matériels et logistiques, à réaliser de manière autonome l'ensemble des prestations d'audit et de conseil en matière de sécurité litigieuses. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la société requérante avait bien, en France, un établissement stable à partir duquel ses services ont été rendus au sens des dispositions de l'article 259 du code général des impôts.

18. En admettant même que le siège effectif de l'activité économique de la société FCI ait, comme celle-ci le soutient, été au Luxembourg, lieu de son siège social, ce que le ministre de l'action et des comptes publics conteste, le rattachement à ce siège des prestations de services litigieuses revendiqué par la société ne conduirait pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal dans la mesure où il méconnaîtrait le lieu réel à partir duquel sont réalisées ces prestations. Si la société requérante soutient que le rattachement à son établissement français plutôt qu'à son siège luxembourgeois ne présente aucun intérêt dans la mesure où les prestations litigieuses sont en tout état de cause imposables en France, soit sur le fondement de l'article 259 du code général des impôts en cas de rattachement à l'établissement stable, soit sur le fondement de l'article 259 B en cas de rattachement au siège, la détermination du point de rattachement conserve néanmoins un intérêt dans la mesure où elle permet de désigner le redevable de la taxe, qui diffère selon que le prestataire est établi ou non en France. Par suite, nonobstant l'absence de conflit avec un autre Etat membre, les prestations litigieuses doivent être rattachées à l'établissement stable dont dispose la société FCI en France.

19. Compte tenu de l'intérêt qui s'attache à ce que la taxe sur la valeur ajoutée soit acquittée par son redevable légal et de la circonstance que la rectification n'a pas pour effet de faire payer deux fois par un même redevable la taxe en cause, le principe de neutralité ne fait pas obstacle à ce que l'administration soumette les redevances litigieuses à la taxe sur la valeur ajoutée française sur le fondement des dispositions de l'article 259 du code général des impôts et établisse les rappels correspondants au nom de la société FCI, laquelle en est légalement redevable en application du 1 de l'article 283 de ce code, alors même les clients, s'estimant à tort redevable de cette taxe sur le fondement de l'article 259 B et du 2 de l'article 283 du même code, ont fait application du mécanisme d'autoliquidation.

20. La société FCI ne saurait utilement soutenir que l'administration fiscale a méconnu les dispositions des articles 256, 258 et 259 du code général des impôts en retenant comme critère d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour les livraisons de bien celui de l'établissement stable dès lors qu'il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires taxable à la taxe sur la valeur ajoutée retenu par l'administration fiscale au titre de la période en litige du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 se rapporte uniquement à des prestations de service.

21. Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA au titre d'une année postérieure ou lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (...) ".

22. Ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, la société FCI dispose en France d'un établissement stable. Il est constant qu'elle n'a, pour la période en litige, déposé dans le délai légal aucune déclaration prévue en matière de taxe sur la valeur ajoutée à raison de l'activité exercée par cet établissement stable en France, sans par ailleurs avoir déclaré cette activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Ainsi, la société FCI a exercé une activité occulte au sein de cet établissement stable. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a pu, en application des dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, exercer son droit de reprise sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige étaient atteints par la prescription.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société FCI n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et des pénalités afférentes.

Sur les frais liés au litige :

24. L'Etat n'étant pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme que la société FCI demande au titre des frais qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401948 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée

Article 2 : La demande la société A...Consulting International relative à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de la requête de la société A...Consulting international est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société A...Consulting International et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°17DA01040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01040
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Lieu d'imposition.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Territorialité.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : LAFITAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-06-18;17da01040 ?
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