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23/04/2019 | FRANCE | N°17DA01563

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 23 avril 2019, 17DA01563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Furmon a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2007 à 2009, des intérêts de retard de l'article 1727 du code général des impôts, des majorations de l'article 1729 de ce code et de l'amende de l'article 1759 du même code.

Par un jugement n° 1403128 du 19 juin 2017, le tribunal administratif de Lil

le a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Furmon a demandé au tribunal administratif de Lille la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2007 à 2009, des intérêts de retard de l'article 1727 du code général des impôts, des majorations de l'article 1729 de ce code et de l'amende de l'article 1759 du même code.

Par un jugement n° 1403128 du 19 juin 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2017 et le 10 janvier 2018, la société Furmon, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de la décharger des majorations de l'article 1729 du code général des impôts mises à sa charge au titre des années 2007 à 2009 tant en matière d'impôt sur les sociétés que de taxe sur la valeur ajoutée ;

2°) de réformer, dans cette mesure, le jugement de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 050 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Furmon, dont le capital était, durant les années 2007 au 31 décembre 2009, détenu à 99,96% par la familleB..., M. D...B...en étant le président, Mme C...B..., son épouse, en étant la directrice générale et leur fils, Aurélien B..., était le directeur du magasin, qui a pour objet l'exploitation d'un supermarché à l'enseigne Intermarché situé à Coudekerque-Branche, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2007 à 2009. Ces rehaussements ont été assortis pour certains de pénalités pour manquement délibéré au taux de 40%, et pour d'autres de pénalités pour manoeuvres frauduleuses au taux de 80%. Par sa requête la société Furmon demande uniquement la décharge des pénalités précitées.

Sur les majorations mises à la charge de la société :

2. Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

En ce qui concerne les majorations de 40 % pour manquement délibéré :

3. Les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts prévoient que les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré.

S'agissant des prélèvements de champagne Launois :

4. Il résulte de l'instruction que, au titre de l'exercice 2007, le service a constaté un écart de 697 bouteilles de champagne Launois entre le volume d'achats revendus théoriques et les quantités vendues. Cet écart, à propos duquel la société n'a apporté aucune explication sérieuse au cours du contrôle, a été valorisé à 6 990 euros hors taxes. La société, dans ses écritures d'appel, soutient que des explications autres que des prélèvements par les dirigeants de l'entreprise peuvent être apportées. Si elle fait ainsi notamment état de possibles vols ainsi que de ventes de certaines bouteilles de champagne Launois en lieu et place de bouteilles de champagne Laffitte lors d'opérations de promotion, elle n'apporte cependant aucun élément de nature à remettre en cause les éléments objectifs relevés par le service et ne justifie pas de ses affirmations par les quelques attestations et documents publicitaires produits. L'élément matériel fondant la majoration de 40 % pour manquement délibéré apparaît donc fondé concernant les prélèvements de champagne Launois. Pour ce qui est de l'élément intentionnel, au regard du nombre très important de bouteilles manquantes, à savoir 697 bouteilles sur une seule année, ce décalage ne peut s'expliquer que par des prélèvements personnels au bénéfice des dirigeants de l'entreprise, qui appartiennent à une même famille. La société ne pouvait ignorer l'existence de ces prélèvements. En se prévalant de ces éléments, l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés, et dont la réalité est établie, concernant les prélèvements en matière de champagne Launois.

S'agissant des prélèvements de vins de prestige :

A propos des 207 bouteilles manquantes :

5. Il résulte de l'instruction que, au titre de l'exercice 2007, le service a relevé les factures d'achats de vins effectués en direct auprès des fournisseurs de vins et alcool, et a ensuite isolé les achats non revendus mais présents dans l'inventaire établi à la fin de l'exercice. 207 bouteilles d'une valeur totale de 7 352 euros n'ont pas été retrouvées dans les stocks au 31 décembre 2007, sachant que ces 207 bouteilles ont un prix d'achat pouvant aller jusqu'à 175 euros la bouteille et un prix coûtant moyen supérieur à 35 euros. Le vérificateur a constaté, lors de la vérification de comptabilité, que ces bouteilles font partie d'une catégorie de produits qui fait l'objet d'une protection antivol sur la bouteille ou sont présentées en vitrine fermée à clefs et/ou d'une surveillance de la part du vigile. Les vols ne peuvent donc expliquer toutes ces bouteilles manquantes. Par ailleurs, le vérificateur a effectué des recherches dans les bandes de caisse mais, pour ces articles, aucune vente n'a pu être retracée.

La seule explication plausible est celle du prélèvement personnel opéré par les dirigeants de l'entreprise, ce qui a été confirmé par les résultats de l'enquête pénale. Enfin, il n'est pas sérieusement contesté - aucun procès-verbal d'audition n'étant produit par la société - que, lors des auditions des 14 et 15 septembre 2009, M. D...B...a reconnu s'approvisionner dans la cave du magasin pour sa cave personnelle et a déclaré que les caves découvertes à son domicile étaient composées de 1 500 bouteilles provenant à 90 % du magasin. Si, dans ses écritures d'appel, la société conteste que M. B...ait fait de telles déclarations, aucun élément figurant au dossier ne vient démentir la provenance de ces propos, tenus par le dirigeant de la société lors de ses auditions dans le cadre de l'enquête pénale. Dans ces conditions, il résulte suffisamment de l'instruction que les 207 bouteilles manquantes ont été prélevées par les dirigeants de la société. La société ne pouvant évidemment l'ignorer, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés à cet égard.

A propos de la minoration d'actifs de la société :

6. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion d'une perquisition réalisée au domicile de M. D...B...dans le cadre d'une enquête pénale, il a été découvert dans la cave de son domicile personnel 1 429 bouteilles de vins de prestige, qui ont été estimées dans le cadre de la procédure judiciaire à 100 000 euros, M. B...ayant par ailleurs reconnu qu'elles venaient à 90 % du magasin. Il est suffisamment établi qu'il ne s'agissait pas d'une modalité de stockage du magasin mais bien de prélèvements réalisés irrégulièrement par M. B...précisément sur les stocks du magasin. La société Furmon s'est abstenue volontairement de comptabiliser au titre des années antérieures à 2007 des achats de vins de prestige qui étaient prélevés par son dirigeant, M. D...B..., ces prélèvements ayant eu lieu pendant quatorze ans à raison d'une centaine de bouteilles par an. Les manquements résultant de ce que la société n'a pas compris dans ses valeurs d'actif la créance résultant de ces prélèvements de marchandise pour les besoins personnels de M. D...B...sont suffisamment établis par les pièces du dossier et ne sont pas sérieusement contestés. De par la nature même de ces prélèvements et leur ampleur, il ne peut s'agir d'une erreur ou d'une omission mais d'un acte délibéré, dont le service apporte la preuve.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que c'est à juste titre que le service a appliqué la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré sur les rappels et rehaussements précités.

Sur la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses :

8. Les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts prévoient que les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses.

En ce qui concerne les faux retours de marchandise :

9. Il résulte de l'instruction, notamment des auditions effectuées lors de l'enquête judiciaire, que la société Furmon a récupéré la taxe sur la valeur ajoutée et diminué le montant de ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés par des opérations dites de " retour " de marchandises qui présentaient un caractère fictif et permettaient en particulier des prélèvements d'espèce par le directeur du magasin. Ces annulations de recettes reposant sur des opérations fictives consistant dans l'enregistrement de faux retours de marchandises constituent des manoeuvres frauduleuses, dont l'administration fiscale apporte la preuve.

S'agissant des remboursements indus d'avantages fidélité :

10. Il résulte de l'instruction que les investigations menées par le service ont permis d'identifier neuf cartes de fidélité en 2007, vingt-sept cartes en 2008 et vingt-trois cartes en 2009 portant sur des opérations répétées pour un même client et pour lesquelles les justificatifs étaient incomplets. L'existence de ces remboursements indus d'avantages fidélité a été corroborée par des procès-verbaux établis dans le cadre de la procédure judiciaire. Comme l'indique le service sans être sérieusement contesté par la société Furmon, ces remboursements indus d'avantages fidélité reposaient sur des opérations fictives consistant dans l'enregistrement d'opérations dépourvues de tout justificatif alors qu'elles relèvent d'une procédure d'exception pour laquelle un processus de régularisation est prévu au sein du magasin. L'administration fiscale apporte la preuve de l'existence de ces opérations, constitutives de manoeuvres frauduleuses.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que c'est à juste titre que le service a appliqué la majoration de 80 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré sur les rappels et rehaussements précités.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Furmon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande à fin de décharge des majorations mises à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que d'impôt sur les sociétés. Par voie de conséquence, les conclusions d'appel que la société Furmon présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Furmon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Furmon et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°17DA01563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01563
Date de la décision : 23/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Majorations exceptionnelles d'impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : ELLOY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-04-23;17da01563 ?
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