Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL ADS a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1302425 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2016, l'EURL ADS, représentée par Me F...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que des pénalités y afférentes.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me D...E..., substituant Me F...B..., représentant l'EURL ADS.
1. Considérant que l'EURL ADS qui a pour activité la réalisation de plans d'architecture et la constitution de dossiers de demande de permis de construire pour le compte de sociétés de construction de maisons individuelles a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er décembre 2007 au 30 septembre 2010 ; que l'EURL ADS relève appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ;
Sur le bien fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier de la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de l'exercice clos en 2009, l'EURL ADS était en situation de taxation d'office en application des dispositions de l'article L. 66-2 du livre des procédures fiscales dès lors que la société n'avait déposé sa déclaration au titre de cet exercice que le 14 décembre 2010 après une mise en demeure adressée le 1er mars 2010 revenue non réclamée ; que, dès lors, en application des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition incombe, au titre de cette année, à l'EURL ADS ; que, pour les deux autres exercices en litige, il y a lieu de faire application des principes de dévolution de la charge de la preuve qui ont été énoncés au point précédent ;
En ce qui concerne les frais de sous-traitance de dossiers :
4. Considérant que l'EURL ADS a déduit de son bénéfice imposable des dépenses de sous-traitance d'un montant de 62 000 euros au titre de l'exercice clos au 20 septembre 2008, de 66 500 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2009 et de 91 100 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2010 ; que l'EURL ADS soutient que ces dépenses de sous-traitance correspondaient à des travaux effectués par la société Terraplan, dont le siège est situé à l'île Maurice, sur des dessins et plans nécessaires pour la finalisation de dossiers de demande de permis de construire qui étaient adressés à l'EURL ADS par son principal client, le groupe Geoxia, spécialisé dans la construction de maisons individuelles ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de ces charges au motif, d'une part, de l'absence de garantie de l'authenticité de l'origine et de l'intégrité des factures électroniques produites puis de l'absence de caractère probant de l'exemplaire papier desdites factures et, d'autre part, que la société n'a pas été en mesure de présenter des documents probants relatifs à l'identification des tâches confiées à la société Terraplan en contrepartie de la rémunération et ne justifie ainsi pas de la réalité des prestations facturées ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'EURL ADS a produit lors des opérations de contrôle des factures dématérialisées qui ne comportaient aucune signature électronique de nature à assurer l'authenticité de leur origine et l'intégrité de leur contenu et qui ne comportaient pas le numéro d'identification de la société Terraplan, elle a cependant ensuite produit des exemplaires papiers de ces factures sur lesquels figuraient le numéro d'identification de la société Terraplan, le cachet de l'entreprise et une signature de l'un de ses représentants ; que toutefois, l'administration fiscale établit qu'il n'existe aucun contrat de prestation, ni de convention signée entre l'EURL ADS et la société Terraplan fixant notamment les modalités d'intervention de la société Terraplan ou les conditions de rémunération de ces interventions ; que l'administration établit également qu'aucun document attestant des prestations effectuées par la société Terraplan n'a pu être produit, que les deux sociétés utilisent un répertoire partagé pour faire transiter les dossiers de sorte que la dématérialisation ainsi pratiquée des travaux rend impossible la vérification du flux réel d'échange de dossiers entre les deux sociétés et de la consistance de ces échanges ; que l'administration établit, enfin, que les factures établies par la société Terraplan, qui sont mensuelles, ne comportent aucune indication des dossiers traités, de leur date de réalisation, que le nombre d'interventions facturées est toujours exprimé en chiffres ronds par dizaines d'interventions et que, pour au moins l'une de ces factures, il existe une divergence entre la facture dématérialisée et l'exemplaire papier produit ultérieurement quant au prix unitaire et aux quantités facturées ; que si l'EURL ADS, qui fait état de ce que les relations commerciales avec la société Terraplan sont verbales, produit un tableau faisant apparaître le nom des dossiers, le nombre d'interventions réalisées par la société Terraplan sur chacun d'eux et la facturation d'interventions de cette dernière, ces éléments, au demeurant invérifiables, ne permettent pas de justifier de la réalité des prestations facturées alors que l'EURL ADS n'apporte aucun élément de nature à établir une cohérence entre les dossiers traités par la société Terraplan et les dossiers qu'elle a facturés à son principal client la société Geoxia au cours de la période en litige ; que si l'EURL ADS produit également un rapport établi par un expert informatique qui, après avoir examiné le répertoire partagé entre les deux sociétés fait état d'une adresse IP à l'île Maurice et d'échanges enregistrés en 2010 portant sur des plans de maisons, des dessins et des textes sur des aspects de construction, ces éléments ne permettent pas davantage de justifier de la réalité des prestations facturées ; que, par suite, l'administration fiscale était fondée à remettre en cause la déduction de ces charges du résultat fiscal de l'EURL ADS au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ;
En ce qui concerne les versements comptabilisés en rémunération au nom de Mme A... :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL ADS a comptabilisé en charges, au titre de rémunérations, des versements au profit de Mme A...pour des montants de 2 100 euros le 31 décembre 2008, de 2 800 euros le 31 janvier 2009 et de 1 800 euros le 31 mai 2009 alors que cette dernière n'était ni gérante, ni associée, ni salariée de la société à ces périodes ; que l'EURL ADS soutient qu'il s'agit en réalité de versements qui correspondent aux rémunérations de M.C..., lequel ne disposait pas à cette période de compte bancaire ; que si à l'appui de cette allégation, l'EURL ADS fait référence à des bulletins de salaire et à la déclaration annuelle de salaires, pièces au demeurant non produites, l'administration fiscale fait toutefois valoir, sans être contredite, que les bulletins de salaire font état de montants différents de ceux comptabilisés au nom de MmeA... et que la déclaration annuelle de salaires de 2009 mentionne que M. C...a cessé d'être employé à compter du 25 janvier 2009 avant d'être à nouveau embauché, avec un statut différent, à compter du 1er décembre 2009 ; qu'en outre, l'administration fiscale soutient sans être contredite que dans sa déclaration de revenus de l'année 2009, M. C...n'a mentionné que des revenus versés par une autre entité que l'EURL ADS ; que, par suite, l'EURL ADS n'établit pas le caractère déductible des versements comptabilisés en rémunération au nom de MmeA... ;
En ce qui concerne les frais de déplacement :
7. Considérant, d'une part, que l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des dépenses de frais de déplacement d'un montant de 4 969 euros au titre de l'exercice clos au 20 septembre 2008, de 4 488 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2009 et de 6 943 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2010 ; que l'EURL ADS soutient qu'il s'agit de déplacements professionnels de M. C...à l'île Maurice pour rendre visite à son sous-traitant la société Terraplan ; qu'il résulte de l'instruction que ces frais de déplacement correspondent à des déplacements à l'île Maurice, mais également à des billets d'avion à destination de la Malaisie ou de Dubaï parfois pour deux personnes et que seules quatre factures ont pu être présentées ; que la seule circonstance que le principal sous-traitant de l'EURL ADS serait situé à l'île Maurice ne saurait suffire à justifier du caractère déductible de ces dépenses dans leur principe et dans leur montant en l'absence de tout autre élément, tel que des courriels, agendas, rendez-vous établissant le caractère professionnel du déplacement ; qu'en outre, comme le fait valoir l'administration fiscale, M. C...n'était plus salarié de l'EURL ADS entre le 25 janvier et le 30 novembre 2009, période pendant laquelle les frais de déplacement à l'étranger se sont élevés à 4 488 euros ; que, par suite, l'EURL ADS n'établit pas le caractère déductible de ces dépenses de frais de déplacement à l'étranger ;
8. Considérant, d'autre part, que l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des dépenses de frais de déplacement à Lacanau d'un montant de 262 euros au titre de l'exercice clos en 2008 et de 1 100 euros au titre de l'exercice clos en 2010 ; que l'EURL ADS soutient que ces frais correspondent à des déplacements de M. C...pour se rendre à Lacanau afin de rencontrer les collaborateurs de son principal client, la société Geoxia ; que si l'EURL ADS produit une attestation d'un salarié de Geoxia selon laquelle M. C...aurait été reçu dans les locaux de la société pendant une période de 15 jours courant juillet 2010 et invité à une visite de chantier en cours le lundi 19 mai 2008, l'administration fiscale produit une attestation du directeur de territoire de Geoxia Aquitaine selon laquelle " En réponse à votre demande, je vous confirme que je n'ai pas souvenir que nous ayons reçu en nos locaux M. C..., tant pendant une période de 15 jours en juillet 2010 que du 18/05/08 au 20/05/08 " ; qu'ainsi, et en l'absence d'autres éléments de preuve, tel un agenda ou des échanges de courriels relatifs à ces visites, l'EURL ADS n'établit pas le caractère déductible de ces frais de déplacement à Lacanau ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la majoration prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts en cas d'absence de dépôt de déclaration dans les délais :
9. Considérant qu'il est constant que l'EURL ADS n'a pas souscrit de déclaration de résultat relative à l'exercice clos au 30 septembre 2009 malgré l'envoi d'une mise en demeure le 1er mars 2010 retournée " non réclamée " ; qu'ainsi, en application des dispositions citées au point précédent, l'administration fiscale a pu appliquer la majoration de 40 % prévue par ces dispositions aux droits réclamés au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2009 ;
En ce qui concerne la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;
11. Considérant que pour établir le manquement délibéré, le ministre de l'économie et des finances soutient que l'EURL ADS a inscrit en charges déductibles des dépenses de frais de déplacements à Lacanau dont l'entreprise et son dirigeant ne pouvaient ignorer qu'ils correspondaient à des déplacements non professionnels et en conséquence, à des frais non exposés dans l'intérêt de l'entreprise ; qu'ainsi, le ministre de l'économie et des finances doit être regardé comme établissant l'intention de l'EURL ADS d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré appliquée aux rappels d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2009 résultant des rehaussements relatifs aux déplacements à Lacanau ;
En ce qui concerne la majoration de 80 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manoeuvres frauduleuses :
12. Considérant que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ont pour objectif de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a appliqué la pénalité pour manoeuvres frauduleuses au rehaussement relatif au refus de déduction des frais de sous-traitance au titre des charges ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, l'administration établit que l'EURL ADS et la société Terraplan ont recours à un répertoire partagé pour faire transiter les dossiers de sorte que la dématérialisation ainsi pratiquée des travaux rend impossible la vérification du flux réel d'échange de dossiers entre les deux sociétés et de la consistance de ces échanges et que les factures établies par la société Terraplan sont mensuelles, ne comportent aucune indication des dossiers traités, de leur date de réalisation, que la quantité d'interventions facturées est toujours exprimée en chiffres ronds par dizaines d'interventions et que, pour au moins l'une de ces factures, il existe une divergence entre la facture dématérialisée et l'exemplaire papier produit ultérieurement quant au prix unitaire et aux quantités facturées et alors qu'il n'existe aucun contrat de prestation, ni de convention signée entre l'EURL ADS et la société Terraplan et qu'aucun document attestant des prestations effectuées par la société Terraplan n'a pu être produit ; qu'il suit de là que l'EURL ADS a voulu conférer une apparence de réalité et de régularité aux charges ainsi comptabilisées destinée à masquer la réalité de l'infraction et à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle ; que, par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant l'existence de manoeuvres frauduleuses de nature à justifier, par application de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 80 % dont ont été assortis les rehaussements relatifs au refus de déduction des frais de sous-traitance au titre des charges ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL ADS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL ADS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL ADS et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°16DA01409