Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Getinge Infection Control a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2002 à 2004, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités prévues à l'article 1728 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1203670-1507833 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés les 12 janvier 2016 et 11 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2015 ;
2°) de remettre à la charge de la SASU Getinge Infection Control les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2002 à 2004, ainsi que les intérêts de retard et les pénalités prévues à l'article 1728 du code général des impôts.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me A...B..., représentant la SASU Getinge Infection Control.
1. Considérant que la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Getinge Infection Control est à la tête du groupe fiscalement intégré créé en France dont la SAS Arjo Huntleigh venant aux droits de la SA Arjo Equipements Hospitaliers (AEH) était membre ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société AEH, l'administration fiscale a considéré qu'il existait une majoration non justifiée des prix d'achats supportés par la société AEH des produits d'origine britannique et suédoise acquis auprès de la société suisse Arjo International AG appartenant également au groupe de sociétés Getinge ; que l'administration fiscale a estimé que les majorations de charges qui en résultent sont à l'origine de transferts de bénéfices de la société AEH vers la société suisse ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 10 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a déchargé la SASU Getinge Infection Control des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2002 à 2004, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités prévues à l'article 1728 du code général des impôts ;
2. Considérant qu'un débiteur devenu solidaire d'un impôt, ou légalement reconnu comme tel, justifie d'un intérêt lui conférant qualité pour contester, dans la limite des sommes dont il est redevable au titre de cette solidarité, le bien-fondé de cet impôt ; qu'apprécié à la date de l'introduction de la demande devant le tribunal administratif, cet intérêt est insusceptible d'être affecté par les évènements survenus en cours d'instance, notamment si cette imposition a été payée par le débiteur principal dont il est solidaire ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : "Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe (...).Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et du précompte et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'une imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés a été acquittée non par la société mère d'un groupe fiscalement intégré, mais par une filiale, qui a légalement la qualité de débiteur solidaire, cette filiale dispose des mêmes droits que le débiteur principal pour contester l'imposition de ce dernier et peut, sans mandat, saisir le juge de l'impôt pour en demander la décharge au nom du débiteur principal ou en son nom propre ;
4. Considérant que la SASU Getinge Infection Control soutient sans être contredite par l'administration fiscale qu'elle n'a pas acquitté les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2004, mais que c'est sa filiale la SAS Arjo Huntleigh qui a acquitté ces impositions supplémentaires ; que, dès lors, la SAS Arjo Huntleigh avait qualité pour présenter en son nom ou pour celui de la société mère tant la réclamation contentieuse que la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif ; qu'il résulte de l'instruction que la SAS Arjo Huntleigh a présenté le 16 décembre 2011 une réclamation contentieuse en son nom contre les impositions en litige ainsi qu'une requête aux fins de décharge, enregistrée dans le délai de recours contentieux, le 6 juin 2012 ; que, toutefois, par une demande du 28 août 2015, le tribunal administratif de Lille a invité la SAS Arjo Huntleigh à régulariser sa requête en lui demandant que le redevable légal des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dues au titre des années 2002 à 2004, la SASU Getinge Infection Control, présente une requête en son nom tendant à la décharge desdites impositions ; que le 24 septembre 2015, la SASU Getinge Infection Control, en réponse à cette demande de régularisation, a présenté un mémoire par lequel elle demandait la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont elle a été déclarée redevable ; que, par ce mémoire, la SASU Getinge Infection Control doit être regardée comme s'appropriant les conclusions présentées dans le délai de recours contentieux par sa filiale à la suite de la demande de régularisation présentée par le tribunal ; qu'en outre, en indiquant que les décisions par lesquelles l'administration statue sur une réclamation sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif, l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales a entendu renvoyer aux dispositions qui régissent la notification des décisions clôturant l'instance ; qu'il suit de là que le délai de recours devant le tribunal administratif court à compter du jour où la notification de la décision de l'administration statuant sur la réclamation du contribuable a été faite au contribuable lui-même, à son domicile réel, alors même que cette réclamation aurait été présentée par l'intermédiaire d'un mandataire au nombre de ceux mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ; que la circonstance que le contribuable aurait non seulement mandaté un conseil pour le représenter, mais aussi fait élection de domicile en son cabinet, est sans incidence sur l'application de cette règle ; qu'il résulte de l'instruction que la décision de rejet de la réclamation du 16 décembre 2011 qui portait sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2002 à 2004 n'a pas été notifiée au redevable légal, mais uniquement à la SAS Arjo Huntleigh ; que, par suite, le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que la requête déposée le 24 septembre 2015 par la SASU Getinge Infection Control était tardive ;
5. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 57 du code général des impôts qui sont applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de minoration des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (...) " ; que lorsque l'administration entend faire application de ces dispositions prescrivant l'incorporation aux résultats des entreprises qui sont sous la dépendance d'entreprises situées hors de France, des bénéfices indirectement transférés à ces dernières, elle doit d'abord établir l'existence d'un avantage de nature à faire présumer la réalité d'un tel transfert ; que si elle y parvient, le contribuable doit justifier de ce que cet avantage a été consenti dans son propre intérêt ;
6. Considérant qu'il est constant que, d'une part, il existe un lien de dépendance entre la SAS Arjo Huntleigh et la société suisse Arjo International AG pour l'application des dispositions citées au point précédent et, d'autre part, que l'administration fiscale n'a pas procédé à une comparaison des prix moyens facturés par la société suisse Arjo International AG à la SAS Arjo Huntleigh avec ceux pratiqués par des sociétés similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance ; que, par suite, il appartient à l'administration fiscale d'apporter la preuve d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien vendu ou du service rendu ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour établir l'existence d'un transfert de bénéfice, l'administration fiscale a recueilli les prix de vente pratiqués par les sociétés de production britannique et suédoise, libellés en couronne suédoise et en livre sterling, puis a converti ces prix en euros en retenant le taux de change en vigueur à la fin du mois précédent la facture ; que l'administration fiscale a alors déterminé, pour chacune des trois années en litige, le prix moyen d'achat par article payé en euros par la société suisse Arjo International AG ainsi que le prix de revente moyen facturé par ladite société à la SAS Arjo Huntleigh sur les mêmes produits et en a dégagé le taux de marge moyen appliqué par la société suisse Arjo International AG sur les produits d'origine suédoise et britannique qu'elle a refacturés à la SAS Arjo Huntleigh ; qu'en se basant sur les documents remis par la SAS Arjo Huntleigh lors des opérations de contrôle qui font état d'un taux de marge de 6 %, l'administration fiscale a considéré que les taux de marge moyens qui dépassaient ce taux de 6 % avaient constitué une rémunération excessive traduisant un transfert de bénéfices vers la société suisse ;
8. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que le taux de marge de 6 % que la société suisse Arjo International AG est censée percevoir et que l'administration fiscale a considéré comme taux normal de marge ne ressort pas d'un engagement contractuel entre la SAS Arjo Huntleigh et la société suisse Arjo International AG, mais figure dans la documentation sur les prix de transfert au sein du groupe Getinge ; que selon les termes de cette documentation, ce taux de 6 % vise à rémunérer le risque de change que la société suisse Arjo International AG supporte du fait d'opérations entre, d'une part, la Suède et le Royaume-Uni et, d'autre part, la France ainsi que les autres activités qu'elle réalise pour le compte de la SAS Arjo Huntleigh telles que les opérations de marketing, de direction générale, de logistique, de gestion centralisée et de gestion des pièces détachées ; que ce taux de marge de 6 % n'est pas un taux fixe, mais un taux théorique appliqué par la société suisse Arjo International AG ; qu'ainsi, chaque année, les sociétés de production et de commercialisation du groupe devaient arrêter avant le début de l'exercice un budget prévisionnel en volume de transactions dans leur monnaie nationale afin que la société suisse Arjo International AG, à partir de ces éléments prévisionnels, fixe pour chaque société de commercialisation un taux de change unique et constant pour l'année afin de leur garantir un prix d'approvisionnement sans risque lié aux taux de change ; que la société suisse, pour chaque transaction réalisée au cours de l'année, convertissait ensuite le prix de vente en euros selon le taux de change unique et fixe arrêté en début d'exercice avant d'ajouter une marge de 6 % ; qu'il résulte de ce mécanisme que seule la société suisse Arjo International AG supporte le risque lié à la variation des taux de change et qu'une baisse des taux de change en cours d'année par rapport au taux fixe arrêté en début d'exercice entraîne des gains de change pour cette société qui, en valeur absolue, aboutissent à une rémunération supérieure au taux de marge de 6 % pourtant appliqué lors de la refacturation ; que l'administration fiscale n'établit ni même n'allègue que les taux de change fixes arrêtés au début de chaque exercice auraient été surévalués afin d'assurer des gains de change certains ; qu'il ressort également des éléments produits par la SAS Arjo Huntleigh que la valeur de la livre sterling et de la couronne suédoise au cours des années en litige a connu une certaine volatilité alors que les prix catalogues de la société Arjo Intenational AG n'ont subi que de faibles variations, entraînant, en conséquence, des gains de change pour ladite société ; que si l'administration fiscale soutient que la documentation sur les prix de transfert produite par la SAS Arjo Huntleigh indique que le taux de marge de 6 % correspond à un taux de marge de pleine concurrence, ainsi qu'il vient d'être dit, ce taux de marge n'est qu'un taux théorique et l'administration fiscale n'établit pas que les taux de marge moyens constatés chaque année ne correspondraient pas à une rémunération de pleine concurrence ; qu'enfin, si l'administration fiscale fait état d'un contrat de couverture des risques de change souscrit auprès d'un organisme bancaire suédois, elle n'apporte aucun élément sur la teneur de ce contrat, notamment les risques couverts, permettant de remettre en cause le risque de change assumé par la société suisse Arjo International AG ; qu'ainsi, l'administration fiscale, par les éléments produits et par la méthode qu'elle a retenue, n'apporte pas la preuve de l'existence d'un avantage consenti par la SAS Arjo Huntleigh à la société suisse Arjo International AG de nature à faire présumer l'existence d'un transfert de bénéfices vers l'étranger au titre des années 2002 à 2004 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de la SASU Getinge Infection Control tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2004 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités afférentes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant au remboursement de la somme de 1 500 euros qu'il a été condamné à verser à la SASU Getinge Infection Control doivent, par voie de conséquence de ce qui a été dit au point précédent, être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SASU Getinge Infection Control d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SASU Getinge Infection Control une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SASU Getinge Infection Control.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°16DA00065