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10/04/2018 | FRANCE | N°16DA00063

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 10 avril 2018, 16DA00063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Arjo Huntleigh venant aux droits de la SA Arjo Equipements Hospitaliers a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des exercices 2002 à 2004 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités prévues à l'article 1728 du code général des impôts y afférents.

Par un jugement n° 1203670-1507833 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a fait droit à s

a demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 11 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Arjo Huntleigh venant aux droits de la SA Arjo Equipements Hospitaliers a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des exercices 2002 à 2004 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités prévues à l'article 1728 du code général des impôts y afférents.

Par un jugement n° 1203670-1507833 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 11 janvier 2016 et 11 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2015 ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Arjo Huntleigh les rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des exercices 2002 à 2004 ainsi que les intérêts de retard et les pénalités prévues à l'article 1728 du code général des impôts y afférents.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...B..., représentant la SAS Arjo Huntleigh.

1. Considérant que la SAS Arjo Huntleigh, venant aux droits de la société Arjo Equipements hospitaliers (AEH), fait partie du groupe de sociétés Getinge ; que la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Getinge Infection Control est à la tête du groupe fiscalement intégré créé en France dont la société AEH était membre ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société AEH, l'administration fiscale a considéré qu'il existait une majoration non justifiée des prix d'achats supportés par la société AEH des produits d'origine britannique et suédoise acquis auprès de la société suisse Arjo International AG appartenant également au groupe de sociétés Getinge ; que l'administration fiscale a estimé que les majorations de charges qui en résultent sont à l'origine de transferts de bénéfices de la société AEH vers la société suisse ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 10 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a déchargé la SAS Arjo Huntleigh des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre des exercices 2002 à 2004 ainsi que des intérêts de retards et des pénalités à raison de ces transferts de bénéfice ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition " ; qu'aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 57 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix payés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d'autres clients dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s'explique par la situation différente de ces clients, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes ; qu'à défaut d'avoir procédé à de telles comparaisons, l'administration n'est, en revanche, pas fondée à invoquer une présomption de transfert de bénéfices mais doit établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu ;

3. Considérant qu'il est constant que, d'une part, il existe un lien de dépendance entre la SAS Arjo Huntleigh et la société suisse Arjo International AG pour l'application des dispositions citées au point précédent et, d'autre part, que l'administration fiscale n'a pas procédé à une comparaison des prix moyens facturés par la société suisse Arjo International AG à la SAS Arjo Huntleigh avec ceux pratiqués par des sociétés similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance ; que, par suite, il appartient à l'administration fiscale d'apporter la preuve d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien vendu ou du service rendu ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour établir l'existence d'un transfert de bénéfice, l'administration fiscale a recueilli les prix de vente pratiqués par les sociétés de production britannique et suédoise, libellés en couronne suédoise et en livre sterling, puis a converti ces prix en euros en retenant le taux de change en vigueur à la fin du mois précédent la facture ; que l'administration fiscale a alors déterminé, pour chacune des trois années en litige, le prix moyen d'achat par article payé en euros par la société suisse Arjo International AG ainsi que le prix de revente moyen facturé par ladite société à la SAS Arjo Huntleigh sur les mêmes produits et en a dégagé le taux de marge moyen appliqué par la société suisse Arjo International AG sur les produits d'origine suédoise et britannique qu'elle a refacturés à la SAS Arjo Huntleigh ; qu'en se basant sur les documents remis par la SAS Arjo Huntleigh lors des opérations de contrôle qui font état d'un taux de marge de 6 %, l'administration fiscale a considéré que les taux de marge moyens qui dépassaient ce taux de 6 % avaient constitué une rémunération excessive traduisant un transfert de bénéfices vers la société suisse ;

5. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que le taux de marge de 6 % que la société suisse Arjo International AG est censée percevoir et que l'administration fiscale a considéré comme taux normal de marge ne ressort pas d'un engagement contractuel entre la SAS Arjo Huntleigh et la société suisse Arjo International AG, mais figure dans la documentation sur les prix de transfert au sein du groupe Getinge ; que selon les termes de cette documentation, ce taux de 6 % vise à rémunérer le risque de change que la société suisse Arjo International AG supporte du fait d'opérations entre, d'une part, la Suède et le Royaume-Uni et, d'autre part, la France ainsi que les autres activités qu'elle réalise pour le compte de la SAS Arjo Huntleigh telles que les opérations de marketing, de direction générale, de logistique, de gestion centralisée et de gestion des pièces détachées ; que ce taux de marge de 6 % n'est pas un taux fixe, mais un taux théorique appliqué par la société suisse Arjo International AG ; qu'ainsi, chaque année, les sociétés de production et de commercialisation du groupe devaient arrêter avant le début de l'exercice un budget prévisionnel en volume de transactions dans leur monnaie nationale afin que la société suisse Arjo International AG, à partir de ces éléments prévisionnels, fixe pour chaque société de commercialisation un taux de change unique et constant pour l'année afin de leur garantir un prix d'approvisionnement sans risque lié aux taux de change ; que la société suisse, pour chaque transaction réalisée au cours de l'année, convertissait ensuite le prix de vente en euros selon le taux de change unique et fixe arrêté en début d'exercice avant d'ajouter une marge de 6 % ; qu'il résulte de ce mécanisme que seule la société suisse Arjo International AG supporte le risque lié à la variation des taux de change et qu'une baisse des taux de change en cours d'année par rapport au taux fixe arrêté en début d'exercice entraîne des gains de change pour cette société qui, en valeur absolue, aboutissent à une rémunération supérieure au taux de marge de 6 % pourtant appliqué lors de la refacturation ; que l'administration fiscale n'établit ni même n'allègue que les taux de change fixes arrêtés au début de chaque exercice auraient été surévalués afin d'assurer des gains de change certains ; qu'il ressort également des éléments produits par la SAS Arjo Huntleigh que la valeur de la livre sterling et de la couronne suédoise au cours des années en litige a connu une certaine volatilité alors que les prix catalogues de la société Arjo Intenational AG n'ont subi que de faibles variations, entraînant en conséquence, des gains de change pour ladite société ; que si l'administration fiscale soutient que la documentation sur les prix de transfert produite par la SAS Arjo Huntleigh indique que le taux de marge de 6 % correspond à un taux de marge de pleine concurrence, ainsi qu'il vient d'être dit, ce taux de marge n'est qu'un taux théorique et l'administration fiscale n'établit pas que les taux de marge moyens constatés chaque année ne correspondraient pas à une rémunération de pleine concurrence ; qu'enfin, si l'administration fiscale fait état d'un contrat de couverture des risques de change souscrit auprès d'un organisme bancaire suédois, elle n'apporte aucun élément sur la teneur de ce contrat, notamment les risques couverts, permettant de remettre en cause le risque de change assumé par la société suisse Arjo International AG ; qu'ainsi, l'administration fiscale, par les éléments produits et par la méthode qu'elle a retenue, n'apporte pas la preuve de l'existence d'un avantage consenti par la SAS Arjo Huntleigh à la société suisse Arjo International AG de nature à faire présumer l'existence d'un transfert de bénéfices vers l'étranger au titre des années 2002 à 2004 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de la SAS Arjo Huntleigh tendant à la décharge des rappels de retenue à la source qui ont été mis à sa charge au titre des années 2002 à 2004 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités afférentes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant au remboursement de la somme de 1 500 euros qu'il a été condamné à verser à la SAS Arjo Huntleigh doivent, par voie de conséquence de ce qui a été dit au point précédent, être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS Arjo Huntleigh d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Arjo Huntleigh une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SAS Arjo Huntleigh.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

5

N°16DA00063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00063
Date de la décision : 10/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-083 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : CABINET G.J. VEYSSADE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-04-10;16da00063 ?
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