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23/10/2017 | FRANCE | N°17DA00370

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 23 octobre 2017, 17DA00370


Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ;

2. Considérant que MmeA..., alors âgée de 48 ans, a fait l'objet, le 16 juillet 2013, au centre hospi

talier du Belvédère d'une intervention chirurgicale aux fins d'exérèse d'un lipome d...

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ;

2. Considérant que MmeA..., alors âgée de 48 ans, a fait l'objet, le 16 juillet 2013, au centre hospitalier du Belvédère d'une intervention chirurgicale aux fins d'exérèse d'un lipome du creux axillaire gauche ; que cette intervention a été suivie de complications consistant, d'une part, en un lymphocèle qui a disparu après traitement en mars 2015 et, d'autre part, en des douleurs et un enraidissement de l'épaule gauche ; que Mme A...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'une demande de provision en invoquant la responsabilité pour faute du centre hospitalier du Belvédère et la survenance d'un aléa thérapeutique indemnisable par l'ONIAM ; que Mme A...relève appel de l'ordonnance du 8 février 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande de provision ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier du Belvédère :

3. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif qu'aucune faute médicale n'a été commise par le centre hospitalier dès lors que l'intervention était justifiée et s'est déroulée conformément aux données actuelles de la science et que le suivi post opératoire ainsi que la prise en charge des complications survenues ont été également conformes aux bonnes pratiques médicales ; que l'expert indique que l'apparition d'un lymphocèle comme celle d'un syndrome régional douloureux de l'épaule gauche, lequel ne peut se rattacher à un état antérieur, sont constitutifs d'un aléa thérapeutique ; que l'expert relève en revanche que Mme A...n'a reçu aucune information sur les risques de complications et notamment ceux qui se sont réalisés d'écoulement lymphatique et de retentissement douloureux de l'intervention dans la région axillaire au niveau de l'épaule ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) " ;

5. Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance ;

6. Considérant que Mme A...soutient que le défaut d'information sur les complications possibles de l'intervention qui a été pratiquée le 16 juillet 2013 lui a fait perdre une chance d'éviter l'apparition d'un lymphocèle et d'un syndrome douloureux régional complexe de l'épaule gauche ; que toutefois, il ressort du rapport de l'expert que même informée, Mme A...n'aurait pu se soustraire à la chirurgie, seul traitement possible d'une masse douloureuse du creux axillaire, masse qui aurait continué à grossir devenant de plus en plus difficile à enlever ; qu'il indique en outre que cette masse nécessitait un examen anatomopathologique sur le tissu prélevé pour affirmer la bénignité de la lésion ; qu'ainsi, eu égard au risque de développement d'une affection maligne de type lymphome et à la gravité des conséquences d'un retard de prise en charge de ce lymphome, Mme A...ne pouvait raisonnablement différer cette intervention ; que, dans ces conditions, l'intervention étant impérieusement requise à la date où elle a été pratiquée, et la patiente ne disposant d'aucune possibilité raisonnable de refus, Mme A...n'a pas été privée d'une chance de se soustraire aux risques qui se sont réalisés ;

7. Considérant, toutefois, qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ; que s'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée ;

8. Considérant qu'ainsi qu'en a jugé le juge des référés du tribunal administratif, Mme A... ne justifie pas de la réalité et de l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'elle n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident ; qu'en revanche, son préjudice moral doit être présumé ; que, compte tenu de la nature et de l'évolution des complications décrites par l'expert, le lymphocèle ayant nécessité plusieurs ponctions mais ayant complètement disparu à la date du 11 mars 2015 et le syndrome régional douloureux complexe ayant entraîné une incapacité fonctionnelle de l'épaule gauche qui devrait s'établir définitivement à 20 % selon les prévisions de l'expert, il sera fait une juste évaluation du préjudice moral de Mme A...en le fixant, en l'état de l'instruction, à la somme de 2 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, la créance de Mme A...a le caractère d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable à hauteur de 2 000 euros ; que le surplus de la créance dont elle se prévaut à l'encontre du centre hospitalier n'a pas le caractère d'une obligation non sérieusement contestable et qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée sur point ;

Sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale :

10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire " ; que l'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives ;

11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 ;

12. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage ;

13. Considérant qu'alors même que les résultats de l'analyse histologique ont permis en définitive d'affirmer la bénignité du lipome du creux axillaire gauche ayant fait l'objet de l'intervention, Mme A...était exposée au développement de la masse douloureuse du creux axillaire, qui serait devenue de plus en plus difficile à enlever, et à l'intensification des douleurs ; qu'ainsi, les conséquences de l'acte médical, compte tenu de la disparition du lymphocèle et de la nature et de l'importance des manifestations du syndrome douloureux régional complexe, ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; qu'en outre, la survenance du dommage présentait une probabilité très élevée ainsi que l'indique l'expert dans son rapport ; que, dès lors, la condition d'anormalité du dommage n'étant pas remplie, la solidarité nationale ne peut être mise en jeu ainsi que l'a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, et qu'ainsi la créance dont se prévaut Mme A...à l'encontre de l'ONIAM n'a pas le caractère d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable ;

Sur la garantie du centre hospitalier par l'ONIAM :

14. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'un accident médical n'ouvre droit à réparation par l'ONIAM que lorsque la responsabilité d'un établissement de santé n'est pas engagée ; que l'ONIAM ne peut donc, en tout état de cause, ni être condamné in solidum, ni garantir le centre hospitalier ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier du Belvédère doit être condamné à verser une provision de 2 000 euros à MmeA... ; que le surplus des demandes de Mme A...doit être rejeté ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier du Belvédère à verser à Mme A...la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions du centre hospitalier du Belvédère tendant à la condamnation de Mme A...sur le même fondement doivent être rejetées ;

ORDONNE :

Article 1er : Le centre hospitalier du Belvédère est condamné à verser la somme de 2 000 (deux mille) euros à Mme A...à titre de provision.

Article 2 : Le centre hospitalier du Belvédère versera à Mme A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C...A..., au centre hospitalier du Belvédère et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie en sera adressée, pour information, à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine Maritime.

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N°17DA00370


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 17DA00370
Date de la décision : 23/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MORIN et BARBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-10-23;17da00370 ?
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