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03/10/2017 | FRANCE | N°16DA00474-16DA00900-16DA00901

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 03 octobre 2017, 16DA00474-16DA00900-16DA00901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association de gestion de l'institut de formation des éducateurs de Normandie (AGIFEN) a demandé, par demandes distinctes, au tribunal administratif de Rouen de prononcer la restitution de la taxe sur les salaires qu'elle avait spontanément acquittée au titre des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1301856 du 14 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par deux jugements n° 1403336 et n° 1502828

du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à ses demandes au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association de gestion de l'institut de formation des éducateurs de Normandie (AGIFEN) a demandé, par demandes distinctes, au tribunal administratif de Rouen de prononcer la restitution de la taxe sur les salaires qu'elle avait spontanément acquittée au titre des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1301856 du 14 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par deux jugements n° 1403336 et n° 1502828 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à ses demandes au titre des années 2013 et 2014.

Procédure devant la cour :

I. Par un recours et un mémoire, enregistrés sous le n° 16DA00474, les 3 mars et 24 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301856 du 14 janvier 2016 ;

2°) de remettre à la charge de l'AGIFEN la taxe sur les salaires dont elle est redevable au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;

3°) d'ordonner le remboursement des frais irrépétibles d'un montant de 1 000 euros mis à la charge de l'Etat.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'éducation ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- l'arrêté du 5 juin 2007 relatif au certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant que l'Association de gestion de l'institut de formation des éducateurs de Normandie (AGIFEN) a sollicité le remboursement de la taxe sur les salaires qu'elle a acquittée spontanément au titre des années 2010 à 2014 ; que, sous le n° 16DA00474, le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 14 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a fait droit à la demande de l'AGIFEN et a prononcé la décharge des taxes sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et, sous les n° 16DA00900 et n° 16DA00901, le ministre des finances et des comptes publics relève appel des deux jugements n° 1403336 et n° 1502828 du 22 mars 2016 par lesquels le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des taxes sur les salaires auxquelles l'AGIFEN a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ;

2. Considérant que les recours n° 16DA00474, n° 16DA00900 et n° 16DA00901 présentés par le ministre des finances et des comptes publics présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

3. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa version applicable aux années en litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires (...) à la charge des personnes ou organismes, à l'exception (...) des établissements d'enseignement supérieur visés au livre VII du code de l'éducation qui organisent des formations conduisant à la délivrance au nom de l'Etat d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat, qui paient ces rémunérations (...) " ;

4. Considérant qu'il est constant que l'AGIFEN exploite à Rouen un établissement, l'Institut de formation des éducateurs de Normandie, qui dispense une formation préparant à l'obtention du certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale ; que le ministre soutient, en premier lieu, que ce certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale est délivré à l'issue d'une formation qualifiante à visée professionnelle immédiate et ne peut ainsi être qualifié de diplôme au sens des dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts ;

5. Considérant toutefois que le II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation prévoit la création d'un répertoire national des certifications professionnelles et que les diplômes et les titres à finalité professionnelle y sont classés par domaine d'activité et par niveau ; que les diplômes et titres à finalité professionnelle classés dans ce répertoire au niveau d'étude I correspondent à cinq années d'études après le baccalauréat ; qu'il résulte de l'instruction que le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale figure au répertoire national des certifications professionnelles comme un diplôme ou un titre à finalité professionnelle de niveau I ; qu'en outre, le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale est régi par les articles D. 451-11 à 16 du code de l'action sociale et des familles au sein de la sous-section 1 " Formation supérieure et diplôme d'encadrement " ; que l'article D. 451-12 du code de l'action sociale et des familles prévoit que ce certificat est délivré par le directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique au nom de l'Etat ; que l'article D. 451-14 du même code dispose que : " Les épreuves du diplôme comprennent les épreuves organisées en cours de formation (...) " et l'article D. 451-15 du même code que : " Le directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique nomme le jury du diplôme (...) " ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le ministre, le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention constitue un diplôme délivré au nom de l'Etat sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le livre VII du code de l'éducation comporte un titre V relatif aux établissements d'enseignement supérieur spécialisés dont le premier article, l'article L. 756-1 du code de l'éducation, dispose que : " Les établissements publics ou privés dispensant des formations sociales supérieures sont régis par les dispositions des articles 29 et 29-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales (...) " ; que les dispositions des articles 29 et 29-1 de la loi n° 75-235 du 30 juin 1975 ont été abrogées par l'ordonnance n° 2000-1249 du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du code de l'action sociale et des familles et sont aujourd'hui notamment reprises par l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles qui, dans sa rédaction applicable aux années en litige, prévoit que : " Les établissements publics ou privés dispensant des formations sociales initiales et continues participent au service public de la formation. Ils sont soumis à une obligation de déclaration préalable auprès du représentant de l'Etat dans la région ainsi qu'aux obligations et interdictions prévues aux 2 et 4 de l'article L. 920-4 du code du travail (...) " ; que l'article D. 451-13 du même code dispose que : " La formation préparant au certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale comprend un enseignement théorique et une formation pratique dispensée au cours de stages. / Cette formation est dispensée par les établissements publics ou privés ayant satisfait à l'obligation de déclaration préalable mentionnée à l'article L. 451-1 (...) " ;

7. Considérant qu'il est constant que l'AGIFEN est un établissement privé et qu'il résulte de l'instruction qu'elle a déposé auprès des services compétents de l'administration la déclaration préalable visée par les dispositions précitées de l'article L. 451-1 du code de l'éducation ; que par arrêté du 7 août 2008, le préfet de Haute-Normandie a d'ailleurs arrêté que la formation préparatoire au certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale dispensée par l'Institut de formation des éducateurs de Normandie était inscrite sur la liste d'enregistrement de déclaration préalable à compter de cette date ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale est un diplôme délivré au nom de l'Etat sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat ; que, dans ces conditions, l'AGIFEN constitue un établissement privé dispensant des formations sociales supérieures visé par les dispositions de l'article L. 756-1 du code de l'éducation ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de rechercher si l'AGIFEN constitue également un établissement d'enseignement supérieur au sens des dispositions de l'article L. 731-1 du code l'éducation, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'AGIFEN constituait un établissement d'enseignement supérieur visé au livre VII du code de l'éducation ;

8. Considérant, en troisième lieu, que le ministre soutient que l'AGIFEN ne saurait être regardée comme organisant la formation conduisant à la délivrance du certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale, seule l'Ecole des hautes études en santé publique pouvant être regardée comme organisant cette formation ; que, toutefois, l'AGIFEN exploite l'Institut de formation des éducateurs de Normandie qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, dispense la formation préparatoire au certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale qui est inscrite sur la liste d'enregistrement de déclaration préalable par arrêté du préfet de Haute-Normandie du 7 août 2008 ; que, dès lors, et pour ce seul motif, l'AGIFEN doit être regardée comme organisant une formation conduisant à la délivrance au nom de l'Etat d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat au sens des dispositions du 1 de l'article 231 du code général des impôts ; qu'en tout état de cause, contrairement à ce que soutient le ministre, l'AGIFEN ne se borne pas à dispenser la formation conduisant à la délivrance au certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale ; qu'ainsi, pour l'accès à la formation, l'article 3 de l'arrêté du 5 juin 2007 relatif au certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale prévoit que le règlement d'admission de l'établissement de formation précise les modalités des épreuves de sélection ainsi que la durée de la validité de la sélection et qu'une commission d'admission, composée de membres de l'établissement de formation et de membres nommés par ce dernier, arrête la liste des candidats admis ; qu'ainsi les établissements de formation organisent la sélection des candidats à la formation ; que, s'agissant du contenu et de l'organisation de cette formation, l'établissement de formation élabore un projet pédagogique, dans le cadre du référentiel de formation fixé par l'arrêté précité du 5 juin 2007 ; que, selon l'arrêté précité du 5 juin 2007, la formation pratique se compose de stages effectués sur des " sites qualifiants " qui sont sélectionnés par l'établissement de formation qui conclut alors une convention avec les sites retenus afin de fixer les conditions d'accueil des stagiaires ; que, pour les candidats titulaires de certains diplômes, un allègement de formation peut leur être accordé par les établissements de formation et que ces allègements de formation sont inscrits dans un protocole d'allègement de formation ; que l'article 8 de l'arrêté du 5 juin 2007 prévoit que c'est le directeur de l'établissement de formation qui établit, avec chacun des candidats, un programme de formation individualisé au regard des allègements obtenus ; que l'article D. 451-15-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que l'Ecole des hautes études en santé publique anime le réseau des établissements de formation selon des modalités définies par convention avec les établissements de formation et que l'article 10 de l'arrêté du 5 juin 2007 prévoit qu'une instance technique et pédagogique est mise en place par l'établissement de formation pour veiller à la mise en oeuvre des orientations du projet pédagogique et " aux conditions générales d'organisation de la formation " ; qu'enfin, s'agissant des épreuves de certification, l'article 11 de l'arrêté du 5 juin 2007 prévoit que trois épreuves sont organisées par l'Ecole des hautes études en santé publique et que la quatrième est organisée par l'établissement de formation qui participe donc aux épreuves de certification ; que l'article 12 de l'arrêté précité prévoit d'ailleurs que c'est l'établissement de formation qui présente les candidats au diplôme ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce que soutient le ministre, les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts ne réservent pas le bénéfice de l'exonération qu'elles prévoient aux établissements d'enseignement supérieur délivrant eux-mêmes les diplômes, mais à ceux organisant des formations conduisant à la délivrance au nom de l'Etat de diplômes sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat ; que ces dispositions législatives étant claires, le ministre ne saurait en tout état de cause, invoquer les travaux préparatoires à la loi du 30 décembre 2006, dont elles sont issues ;

10. Considérant, enfin, que l'exonération que prévoit l'article 231 du code général des impôts au profit des établissements d'enseignement supérieur porte sur l'ensemble des rémunérations versées à leur personnel salarié, quelle que soit la fonction exercée, à la condition que ces établissements relèvent du livre VII du code de l'éducation et qu'ils organisent au moins une formation conduisant à la délivrance au nom de l'Etat d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, que l'AGIFEN, établissement d'enseignement supérieur qui relève du livre VII du code de l'éducation, exploite l'institut de formation des éducateurs de Normandie qui organise la formation au certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale, diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat ; que, par suite, l'AGIFEN bénéficie de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 231 du code général des impôts sur l'ensemble des rémunérations versées au personnel salarié de cet établissement de formation ; qu'il résulte de l'instruction que les montants de taxe sur les salaires que l'AGIFEN a spontanément versés au titre des années 2010 à 2014 correspondent aux montants dus pour les seules rémunérations des salariés de l'Institut de formation des éducateurs de Normandie ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des taxes sur les salaires auxquelles l'AGIFEN a été assujettie au titre des années 2010 à 2014 ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné le remboursement des frais irrépétibles mis à la charge de l'Etat par le tribunal doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les recours du ministre des finances et des comptes publics sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'Association de gestion de l'institut de formation des éducateurs de Normandie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à l'Association de gestion de l'institut de formation des éducateurs de Normandie.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

6

N°16DA00474,16DA00900,16DA00901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00474-16DA00900-16DA00901
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : LAURENT ; LAURENT ; SOCIETE D' AVOCATS FIDAL ; SOCIETE D' AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-10-03;16da00474.16da00900.16da00901 ?
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