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06/07/2017 | FRANCE | N°16DA00522

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 06 juillet 2017, 16DA00522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 88 703,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2011, en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis résultant du harcèlement moral dont il a été victime et de l'absence de réintégration effective.

Par un jugement n° 1201512 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a condamné

le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 88 703,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2011, en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis résultant du harcèlement moral dont il a été victime et de l'absence de réintégration effective.

Par un jugement n° 1201512 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a condamné le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 26 688,60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'administration de sa demande préalable.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 13 juin 2017, M. E...A...représenté par Me D...F..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 12 janvier 2016 en tant qu'il rejette sa demande indemnitaire présentée au titre :

- du harcèlement moral qu'il soutient avoir subi ;

- de la perte de prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires ;

2°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du harcèlement moral qu'il soutient avoir subi et la somme de 34 446,50 euros au titre de la perte de prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires ; ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ;

- le décret 99-1039 du 10 décembre 1999 ;

- le décret 2005-1150 du 13 septembre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Jacques Gauthé, rapporteur public concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative,

- et les observations de Me D...F..., représentant M. A... et de Me B...C..., représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime.

1. Considérant que M.A..., né le 29 septembre 1958, est sapeur-pompier volontaire depuis le 1er janvier 1975 ; que, par un jugement du 12 janvier 2016 le tribunal administratif de Rouen a jugé que l'absence de réintégration du requérant dans ses fonctions, à l'issue de la demande de suspension de son engagement qu'il avait sollicitée pour, selon ses dires, ne plus être soumis au harcèlement de son supérieur hiérarchique et qui lui avait été accordée, était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours et a condamné ce dernier à l'indemniser des préjudices résultant de la perte de vacations horaires dont il a été illégalement privé ; que, cependant, le tribunal a rejeté tant les conclusions de l'intéressé relatives à l'indemnisation du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont il soutient avoir été victime, que les conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires ; que M. A...relève appel du jugement précité en tant qu'il rejette ces deux demandes ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que l'article R. 611-10 du code de justice administrative dispose que : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. (...) " ; que la mise en oeuvre de ce pouvoir d'instruction constitue un pouvoir propre du juge ; que, lorsqu'il estime être suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier pour statuer sur l'existence d'une faute du service public de nature à engager sa responsabilité, le juge administratif n'a pas à faire usage de son pouvoir d'instruction pour permettre à une partie de faire valoir d'éventuels document susceptibles de lui permettre d'établir le bien-fondé de ses allégations ; qu'en ne demandant pas la communication de pièces, au demeurant non identifiées, qui auraient pu figurer dans la procédure pénale diligentée dans le cadre de l'enquête visant le supérieur hiérarchique de M.A..., alors que figuraient, dans le dossier qui lui était soumis, des éléments suffisants lui permettant de forger sa conviction, le tribunal administratif de Rouen n'a pas méconnu son office ;

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du harcèlement moral :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.... " ; que, d'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont où non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

4. Considérant que M. A...soutient avoir été victime, au cours des années 2001 à 2006 de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, chef du centre d'incendie et de secours de Bolbec, où il est affecté en sa qualité de sapeur-pompier volontaire ; que, si par un arrêt du 17 février 2015, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen a mis en examen le supérieur hiérarchique du requérant au titre des faits de harcèlement moral qui lui sont reprochés, avant, par un arrêt du 28 mars 2017, de décider de son renvoi devant un tribunal correctionnel, M. A...étant en outre partie civile à cette procédure, ces décisions sont, d'une part, dépourvues de l'autorité absolue de la chose jugée et par suite, ne s'imposent pas au juge administratif, d'autre part, ne constituent pas un élément de fait, au sens des principes rappelés au point 3, susceptible de faire présumer que M. A...aurait été personnellement victime de harcèlement moral ; que la circonstance qu'en octobre 2006, sur une photo de l'équipe des sapeurs-pompiers, son visage a été barbouillé et qu'une corde a été dessinée autour du cou de son frère, alors que ce dernier avait fait deux tentatives de suicide, ne permet pas non plus de présumer qu'il était personnellement victime de harcèlement moral ; qu'enfin, la circonstance qui vient d'être rappelée que son frère ait tenté à deux reprises de se suicider et que certains des collègues de M. A...aient été reconnus comme étant victimes de harcèlement de la part de leur supérieur hiérarchique n'est pas de nature à faire présumer que l'intéressé ait, lui-même, été victime d'agissements similaires ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir, par les seuls éléments factuels qu'il invoque, que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime à l'indemniser du préjudice résultant du harcèlement moral qu'il soutient avoir subi ;

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires :

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 13 septembre 2005 relatif à la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, qui constitue un régime permettant aux sapeurs-pompiers volontaires d'acquérir des droits à pension versés sous forme de rente viagère, que les droits ainsi constitués sont liquidés au bénéfice du sapeur-pompier volontaire sous réserve qu'il ait cessé ses fonctions de manière définitive, qu'il ait atteint l'âge de cinquante-cinq ans, et qu'il ait accompli au moins vingt ans de service en qualité de sapeur-pompier volontaire ; que M.A..., sapeur-pompier volontaire depuis le 1er janvier 1975 avait, à la date à laquelle il a sollicité sa réintégration dans le service, accompli un temps de service en cette qualité supérieur à vingt ans ; que, par suite, c'est à tort que, motif pris que l'intéressé ne démontrait pas avoir atteint une telle durée de service, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande sur ce point ;

7. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions indemnitaires en litige ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 5 du décret précité que la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires est liquidée lorsque le sapeur-pompier volontaire est âgé d'au moins cinquante-cinq ans, qu'il a cessé définitivement le service et qu'il en a fait la demande ; que le financement de cette prestation, prévu par les dispositions de l'article 3 du même décret, est assuré, par des cotisations obligatoires et facultatives de l'intéressé, et par une contribution publique à la charge du service d'incendie et de secours ; que, lorsque le sapeur-pompier volontaire suspend son engagement, dans les conditions prévues à l'article 38 du décret du 10 décembre 1999, les cotisations personnelles et la contribution publique ne sont pas exigibles au-delà d'une période continue de suspension supérieure à une année ; qu'il résulte de l'instruction que la suspension de l'engagement de M. A...a été autorisée par arrêté du 14 novembre 2006, à compter du 1er novembre 2006 en vertu des dispositions de l'article 38 du décret précité et a pris fin, selon le requérant, non contredit en défense sur ce point, le 23 avril 2007, soit six mois plus tard ; qu'alors qu'au demeurant, en application des dispositions précitées, et eu égard à la durée de suspension de l'engagement de M.A..., le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Martime devait continuer à assurer le versement de la contribution publique à laquelle il est tenu, l'absence alléguée de contribution publique à la prestation en litige pendant la période au cours de laquelle l'intéressé n'a pas été réintégré en dépit de sa demande, ne pourra être constatée qu'au jour de sa liquidation ; qu'ainsi et dès lors qu'il n'est pas allégué que M. A...aurait demandé la liquidation de la prestation en litige et qu'elle se serait révélée insuffisante, sa requête tendant à l'indemnisation d'un préjudice purement éventuel, ne peut être que rejetée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que par le jugement du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant du harcèlement moral qu'il soutient avoir subi et de la perte de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme que le service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et au service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime.

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N°16DA00522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00522
Date de la décision : 06/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Gauthé
Avocat(s) : SELARL LEXIO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-07-06;16da00522 ?
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