La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2017 | FRANCE | N°16DA01104-16DA01114

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 07 février 2017, 16DA01104-16DA01114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 décembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1504231 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 jui

n 2016, sous le n° 16DA01104, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 décembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1504231 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 juin 2016, sous le n° 16DA01104, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2016 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de rejeter la demande de M. C...devant le tribunal administratif.

Elle soutient que :

- M. C...peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- il peut bénéficier d'une prise en charge par le système algérien d'assurance maladie en l'absence de ressources dans son pays.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2016, M.C..., représenté par Me B...F..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence algérien valable un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le tribunal est fondé ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Maritime aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- il n'a pas procédé à un examen personnel de sa situation ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure tiré de ce que le médecin de l'agence régionale de santé ne s'est pas prononcé sur sa capacité à voyager ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II. Par une requête, enregistrée le 17 juin 2016, sous le n° 16DA01114, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 mai 2016.

Elle soutient que le moyen de sa requête d'appel est sérieux.

Par un mémoire, enregistré le 24 novembre 2016, M.C..., représenté par Me B...F..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le moyen de la requête d'appel n'est pas sérieux ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Maritime aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- il n'a pas procédé à un examen personnel de sa situation ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure tiré de ce que le médecin de l'agence régionale de santé ne s'est pas prononcé sur sa capacité à voyager ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 29 août 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu, dès lors, de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié par le troisième avenant, entré en vigueur le 1er janvier 2003 : " Le certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par avis du 15 juillet 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué que l'état de santé de M. C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par arrêté du 2 décembre 2015, le préfet de la Seine-Maritime a néanmoins refusé à M. C...la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ; que par jugement du 17 mai 2016, dont la préfète de la Seine-Maritime relève appel, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté au motif que l'autorité préfectorale n'établissait pas que M. C...pourrait bénéficier d'un accès effectif au traitement nécessaire pour soigner sa pathologie ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que la préfète de la Seine-Maritime se borne à soutenir en appel qu'il ressort des pièces produites devant le tribunal que M. C...peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ; que, toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les pièces versées aux débats par la préfète, à qui il incombe d'établir que l'intéressé peut bénéficier d'un accès effectif au traitement nécessaire à sa pathologie, ne suffisent pas à démontrer que M. C...peut avoir un accès effectif à l'ensemble des médicaments qui composent son traitement actuel ou à des médicaments équivalents ; qu'en effet, si pour établir la disponibilité en Algérie de l'un des médicaments prescrit à M.C..., la préfète de la Seine-Maritime se réfère à la liste des médicaments essentiels disponibles dans ce pays et fait valoir qu'un médicament sous forme d'équivalent est disponible, il ressort toutefois de ces documents, au demeurant datés de 2008 et antérieurs à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, que si les molécules présentes dans ces deux médicaments sont toutes deux à effet hypnotique, ils n'appartiennent pas au même groupe générique de médicament et la préfète de la Seine-Maritime n'apporte aucun élément en appel pour démontrer que malgré cette différence, les molécules seraient substituables l'une à l'autre ; que, par ailleurs, si la préfète de la Seine-Maritime produit en appel une fiche ministérielle de l'offre de soins en Algérie, des éléments sur le régime algérien de sécurité sociale pour les non-salariés et sur la couverture sanitaire de la wilaya de Mostaganem, ces éléments sont sans influence sur l'administration de la preuve de la disponibilité en Algérie de tous les médicaments qui composent le traitement de M. C...ou à des médicaments équivalents ; que, dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime, qui ne développe aucune critique utile du motif retenu par les premiers juges, n'établit pas que M. C...peut bénéficier d'un accès effectif au traitement nécessaire à sa pathologie ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Seine-Maritime avait, en prenant l'arrêté contesté, méconnu les dispositions du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et ont annulé, pour ce motif, cet arrêté ; que, dès lors, la préfète de la Seine-Maritime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont prononcé l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

6. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la préfète de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 16DA01114 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Considérant que M. C...demande à la cour qu'il soit enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'il a déjà été fait droit à de telles conclusions en première instance et que la préfète de la Seine-Maritime a délivré au requérant une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'enjoindre à nouveau à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer à M. C...le titre de séjour qu'il sollicite ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Seine-Maritime enregistrée sous le n° 16DA01104 est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement présentées par la préfète de la Seine-Maritime.

Article 3 : L'Etat versera à Me F...la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat dans l'instance n° 16DA01114.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A...C...et à Me B...F....

Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 24 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E...D..., première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 février 2017.

Le rapporteur,

Signé : R. FERALLe président-assesseur,

Signé : M. G...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

2

No16DA01104,16DA01114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01104-16DA01114
Date de la décision : 07/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU ; SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU ; SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-02-07;16da01104.16da01114 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award