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13/12/2016 | FRANCE | N°16DA00621

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2016, 16DA00621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2015 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1510236 du 15 décembre 2015, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet du Nord

en tant qu'il ordonnait le placement en rétention administrative de Mme F...et a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2015 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1510236 du 15 décembre 2015, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet du Nord en tant qu'il ordonnait le placement en rétention administrative de Mme F...et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2016, MmeF..., représentée par Me D...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2015 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2015 du préfet du Nord en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour temporaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 698 euros à verser à Me E...en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 11 décembre 2015 est insuffisamment motivé ;

- il est dépourvu de base légale et est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Nord retient plusieurs motifs et plusieurs articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme F...tendant à l'annulation de la décision ordonnant son placement en rétention administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 11 décembre 2015 est motivé ;

- l'arrêté n'est entaché d'aucun défaut de base légale ou d'erreur de droit ;

- il a procédé à un examen particulier de la situation de la requérante ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en ordonnant son placement en rétention administrative, il n'a commis aucune erreur d'appréciation.

Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeF..., ressortissante algérienne née le 10 mars 1992, relève appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille du 15 décembre 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, par la voie de l'appel incident, le préfet du Nord relève appel du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 11 décembre 2015 en ce qu'il ordonnait le placement en rétention administrative de MmeF... ;

Sur l'appel principal de MmeF... :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ainsi que leur durée de validité ; qu'en revanche, cet accord ne fixe pas les conditions dans lesquelles il est fait obligation aux ressortissants algériens de quitter le territoire, ni les modalités de leur éventuel placement en rétention, lesquelles sont régies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans les conditions du droit commun ; qu'ainsi, le préfet du Nord n'avait pas à viser les stipulations de cet accord dans l'arrêté attaqué qui, par ailleurs, comporte dans ses visas et ses motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et notamment indique que la décision portant obligation de quitter le territoire est fondée sur les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut de base légale et d'erreur de droit invoqués par Mme F...;

3. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient Mme F..., il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet du Nord a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) " ; que, si Mme F...fait valoir qu'elle a débuté une relation amoureuse avec un compatriote titulaire d'une carte de résident avec lequel elle entend se marier et que plusieurs membres de sa famille vivent en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que sa relation amoureuse est très récente, n'ayant débuté qu'en juin 2015 selon les déclarations de son compagnon et qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et où elle-même a toujours vécu jusqu'à son arrivée sur le territoire national, un an avant la décision attaquée ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, Mme F...n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise la décision contestée ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

5. Considérant que, si Mme F...invoque à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'allègue toutefois pas être exposée à des risques de traitements contraires à ces stipulations en cas de retour en Algérie, mais se borne à indiquer que ses attaches familiales seraient en France ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur l'appel incident du préfet :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6°: Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 dudit code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; qu'au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 561-2 du code précité, la notion de garanties de représentation effectives, suffisantes pour prévenir un risque de fuite, doit être appréciée au regard des conditions de résidence et de logement de l'étranger, et au regard, notamment, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des décisions prises à son encontre et des obligations lui incombant en matière de police des étrangers ;

8. Considérant que le préfet du Nord fait valoir que, si Mme F...indique résider au domicile de sa soeur, elle ne produit qu'un document émanant de son université pour l'établir, d'autant qu'elle avait indiqué vivre chez son frère pendant son audition, qu'elle avait fourni une adresse à Paris lors de sa demande de visa et que le ressortissant français avec lequel elle a débuté une relation amoureuse vit à Tourcoing à une adresse inconnue de l'administration ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que lors de son audition par les services de police le 11 décembre 2015, Mme F...a déclaré résider chez sa soeur où d'ailleurs les services de police l'ont trouvée lorsqu'ils se sont présentés au domicile pour procéder à une perquisition préalablement à cette audition ; qu'en outre, Mme F...a déclaré lors de son inscription universitaire 2015/2016 résider à cette adresse et que cette résidence habituelle est également confirmée par l'attestation d'hébergement fournie par sa soeur ; que, par ailleurs, ni MmeF..., ni son compatriote avec lequel elle venait de débuter une relation amoureuse n'ont jamais allégué résider au domicile de ce dernier et qu'aucun élément ne l'établit ; que, dans ces conditions, Mme F...peut être regardée comme justifiant à la date de la décision de placement en rétention d'une résidence effective et stable chez sa soeur ; que, dans ces conditions, le préfet du Nord n'apparaît pas fondé à soutenir que la requérante ne présentait pas de garanties de représentation effectives, propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à son obligation de quitter le territoire français ; qu'il n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé la décision de placement en rétention ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : L'appel incident du préfet du Nord est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F..., au ministre de l'intérieur et Me D...E....

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C...B..., première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : R. FÉRALLe président-assesseur,

Signé : M. G...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°16DA00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00621
Date de la décision : 13/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : BADAOUI - ARIB

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-13;16da00621 ?
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