Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ducauto a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des intérêts de retard et les pénalités y afférents.
Par un jugement n°1206553 du 23 avril 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge à concurrence des dégrèvements de 4 704 euros prononcés en cours d'instance par l'administration, a substitué la pénalité de 10 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts à la pénalité au taux de 40 % dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Ducauto.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 août 2015 et le 26 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1206553 du 23 avril 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de remettre à la charge de la société Ducauto les pénalités dont elle a été déchargée.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas correctement apprécié les faits s'agissant de l'application des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ;
- les déclarations CA3 ont été déposées hors du délai de trente jours prévu à l'article 1728 du code précité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2016, la société Ducauto, représentée Me A..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie d'un recours incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
3°) à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités y afférents ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les frais de première instance et d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant de l'impôt sur les sociétés, l'administration devait respecter la procédure de rectification contradictoire, que la proposition de rectification donne lieu ou non à un redressement effectif de l'impôt ;
- s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration doit être considérée comme ayant renoncé à appliquer la procédure de taxation d'office et la proposition de délai supplémentaire de trente jours constituait un droit ;
- elle a le droit de percevoir les intérêts moratoires sur les sommes qui ont été dégrevées par l'administration.
Par une lettre du 20 septembre 2016, la cour a informé les parties qu'elle est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à obtenir le paiement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales en l'absence de litige né et actuel.
Par une lettre du 20 septembre 2016, la cour a informé les parties qu'elle est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la procédure en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2009 et 2010 dès lors qu'aucun redressement n'a été notifié par l'administration.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la société Ducauto a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle des impositions supplémentaires en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2009 à 2011 lui ont été notifiées par une proposition de rectification du 11 mai 2012 ; que les cotisations supplémentaires en matière de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces rectifications ont été mises en recouvrement le 3 juillet 2012 ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 23 avril 2015 en tant que le tribunal administratif de Lille a substitué la pénalité de 10 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts à la pénalité au taux de 40 % dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 ; que par la voie d'un recours incident, la société Ducauto demande la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande qui tendaient à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ainsi que des intérêts de retard et à la restitution des sommes indument perçues par le Trésor assorties des intérêts moratoires ;
;
Sur le recours incident de la société Ducauto :
En ce qui concerne la procédure en matière d'impôt sur les sociétés :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a procédé à aucun redressement en matière d'impôt sur les sociétés pour les exercices 2009 et 2010 ; qu'ainsi les conclusions aux fins d'annulation de la procédure de rectification en matière d'impôt sur les sociétés sont irrecevables et, par suite, doivent être rejetées ;
En ce qui concerne la procédure d'imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : (...) 4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition. " ; qu'aux termes de l'article L. 66 du même code : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes " ; qu'aux termes de l'article L. 76 du même code : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portés à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) " ; que la procédure de rectification d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée employée conformément aux articles L. 66 et L. 76 du livre des procédures fiscales ne prévoit pas l'obligation pour l'administration d'accorder au contribuable une prorogation de délai ;
4. Considérant que l'administration, à défaut d'avoir reçu les déclarations CA3 de la société Ducauto dans le délai légal, a pu procéder à la taxation d'office des impositions en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ; que la circonstance que l'administration n'ait pas accordé de prorogation de délai de trente jours telle que prévue en matière de procédure contradictoire par l'article 57 du livre des procédures fiscales, alors que la proposition de rectification notifiée à la société requérante faisait mention, à tort, de la possibilité de réclamer une telle prorogation, n'a pu affecter la régularité de la procédure de taxation dès lors que la société requérante, qui n'avait pas à présenter ses observations en l'absence de procédure contradictoire, n'a été privée d'aucune garantie ;
En ce qui concerne les intérêts moratoires :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. " ; qu'aux termes de l'article R. 208-1 du même livre : " Les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 (... ) sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts " ;
6. Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel, avec le comptable chargé du recouvrement, sur le paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions de la SARL Ducauto tendant au paiement desdits intérêts sont irrecevables et doivent être rejetées ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Ducauto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur l'appel principal du ministre des finances et des comptes publics :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) " ;
9. Considérant qu'il est constant que la société Ducauto qui n'avait pas déposé ses déclarations CA3 dans les délais requis s'est vu notifier, le 3 mars 2012, la lettre recommandée du 2 mars 2012 de l'administration la mettant en demeure de produire dans un délai de trente jours les douze déclarations mensuelles CA3 portant sur l'exercice 2011 ; que ce n'est que le 27 avril 2012 qu'elle a déposé ses déclarations après en avoir remis une copie le 24 avril 2012 au vérificateur ; que si la société Ducauto fait valoir, en produisant un courrier de son comptable que l'inspecteur vérificateur aurait accordé oralement la possibilité de lui remettre les déclarations litigieuses en mains propres lors de l'une de ses interventions sur place, une telle circonstance, comme l'a justement rappelé dans ses écrits, sans ambigüité, l'administration, ne pouvait l'autoriser à remettre ses déclarations en dehors du délai de trente jours ; qu'ainsi, la société requérante devait remettre les déclarations en question dans le délai de trente jours, soit avant le 3 avril 2012, et avait tout loisir de le faire notamment le 23 mars, date de la première intervention sur place du vérificateur au cours de laquelle étaient présents tant le dirigeant de la société que son expert-comptable ; que par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que le tribunal a méconnu les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ; qu'il y a donc lieu de remettre à la charge de la société Ducauto la pénalité de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Ducauto pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Ducauto doivent dès lors être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n°1206553 du 23 avril 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La pénalité de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Ducauto pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 est remise à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de l'appel incident de la société Ducauto sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la société Ducauto.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 18 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 novembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. B... La présidente de chambre,
Signé : O. DESTICOURT
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01408