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15/11/2016 | FRANCE | N°14DA01601

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2016, 14DA01601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010.

Par un jugement n° 1201586 du 4 août 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 octobre 2014 et le 5 juillet 2016, M. F..., représenté par Me C...B..., demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 4 août 2014 ;

2°) de pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010.

Par un jugement n° 1201586 du 4 août 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 octobre 2014 et le 5 juillet 2016, M. F..., représenté par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen du 4 août 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son activité de location de bateaux pour des sorties en mer n'était pas occulte ;

- les originaux de ses documents comptables ayant été saisis par l'autorité judiciaire, il n'a pas été en mesure de vérifier les chiffres avancés par l'administration fiscale ;

- l'administration fiscale ne peut se fonder pour procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires sur les déclarations que lui ou ses clients ont pu faire devant les services de police judiciaire ;

- la méthode de reconstitution retenue par l'administration fiscale est radicalement viciée et les bases d'imposition retenues à l'issue de cette reconstitution sont exagérées notamment au regard du pointage de ses sorties en mer effectué par le sémaphore de Dieppe ;

- son activité n'étant pas occulte, l'administration fiscale ne pouvait lui appliquer la pénalité de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 décembre 2014 et le 4 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'activité de M. F...était occulte ;

- M.F..., comme il a la charge de la preuve, ne démontre ni le caractère radicalement vicié de la méthode de reconstitution, ni le caractère exagéré des bases d'impositions retenues ;

- l'activité étant occulte, c'est à bon droit qu'il a appliqué la pénalité de 80 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de MeD... E... pour M.F....

1. Considérant que M. A...F...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour son activité de loueur de bateaux pour des sorties touristiques en mer après qu'une information judiciaire ouverte à son encontre eut révélé l'existence de cette activité ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, l'administration fiscale lui a notifié, selon la procédure d'évaluation et de taxation d'office, des redressements en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée ; que M. F...relève appel du jugement du 4 août 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, pour rectifier d'office les recettes de l'activité de sorties touristiques en mer de M.F..., ainsi que sa base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2010, s'est notamment fondée sur les mentions figurant sur les calendriers et agendas de M. F...saisis à l'occasion d'une perquisition par les services de gendarmerie, dont elle a pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication ; que l'administration fiscale a annexé à la proposition de rectification adressée à M. F...les tableaux reprenant, année par année, les mentions qui figuraient sur les calendriers et agendas saisis ;

4. Considérant que M. F...soutient que les originaux de ses agendas et calendriers ayant été saisis, il n'a pas été en mesure de s'assurer que les mentions figurant dans les tableaux annexés à la proposition de rectification ne contenaient pas d'erreur ; que, toutefois, les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales précitées ne font obligation à l'administration fiscale que de communiquer au contribuable la teneur et l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers ; que l'obligation faite à l'administration de tenir à la disposition du contribuable les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements, ne s'applique qu'à l'égard des contribuables qui en font la demande auprès de l'administration fiscale ; qu'en outre cette obligation ne peut porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux ; que, par suite, au cas où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais, comme en l'espèce, par la police judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé qui en a fait la demande vers ce service ;

5. Considérant qu'en l'espèce, il est constant que M. F...n'a pas demandé à l'administration fiscale à consulter ou à recevoir une copie de ses calendriers et agendas qui avaient été saisis et dont l'administration soutient au demeurant qu'ils lui ont été restitués par l'autorité judiciaire le 23 mars 2011, soit antérieurement à l'envoi de la proposition de rectification ; qu'en outre, M. F...n'établit ni même n'allègue qu'il aurait adressé une demande de consultation aux services de police judiciaire ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Sur le bien fondé des impositions :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a évalué d'office, en vertu des dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, l'activité occulte de loueur de bateaux de plaisance exercée par M. F...en se fondant sur les documents saisis par les services de gendarmerie lors de la procédure diligentée contre ce dernier pour travail dissimulé ; que M. F... ne contestant pas la régularité du recours à la procédure d'évaluation d'office utilisée par l'administration fiscale, il lui appartient, conformément aux dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère radicalement vicié de la méthode d'évaluation des résultats imposables retenue par l'administration fiscale ou le caractère exagéré des impositions supplémentaires mises à sa charge ;

7. Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par M. F...pour l'exercice de son activité de sorties touristiques en mer, en l'absence de toute comptabilité, l'administration fiscale s'est principalement fondée sur les agendas et calendriers de l'intéressé, en multipliant le nombre de personnes embarquées figurant dans ces documents au jour le jour par le tarif moyen de 60 euros par personne embarquée, et sur les déclarations des clients de M. F... et de ce dernier faites au cours de l'enquête pénale devant les services de police judiciaire ;

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.F..., l'administration fiscale pouvait se fonder sur les déclarations qu'il avait faites devant les services de police pour reconstituer son chiffre d'affaires, M. F...pouvant cependant apporter la preuve contraire devant le juge de l'impôt ; qu'ainsi, l'administration fiscale a pu régulièrement retenir que la moitié des encaissements étaient réalisés en espèces et que M. F...percevait le montant des recettes relatives aux passagers transportés sur des bateaux supplémentaires dès lors que cela ressort des déclarations faites par les clients et les propriétaires de bateaux interrogés par les services de police judiciaire sans que M. F...n'apporte aucun élément de preuve de nature à remettre en cause ces déclarations ;

9. Considérant que M. F...soutient également que le nombre de sorties en mer retenues par l'administration fiscale serait disproportionné au regard du nombre de sorties en mer de ses deux bateaux consignées par le sémaphore de Dieppe, sémaphore de première catégorie tenu à la surveillance des côtes ; que, toutefois, il ressort du courrier du 20 février 2014 de la formation opérationnelle de surveillance et d'information territoriale de Cherbourg que le sémaphore de Dieppe n'est pas en charge de la surveillance et du pointage des sorties de plaisance en mer et n'a aucune obligation de recenser toutes les sorties de ce type ; que ce courrier, qui indique qu'il est possible que certains mouvements n'aient pas été comptabilisés, ne recense d'ailleurs, pour la majorité des dates, qu'une entrée ou une sortie du port pour les bateaux de M. F...et non les deux mouvements correspondant à une sortie en mer ; que si le requérant soutient également que l'administration fiscale n'aurait pas assez pris en compte de sorties annulées et fait état de doublons dans le nombre de sorties réalisées un même jour, il n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ces allégations de nature à remettre en cause le nombre de sorties retenues par l'administration fiscale au titre de chaque année ; que, par suite, M. F...n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode, suivie par l'administration, de reconstitution de recettes de son activité de sorties touristiques en mer, ni du caractère exagéré des bases d'imposition retenues ;

Sur les pénalités :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : "1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. " ; que, par sa décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d'interprétation en ce qui concerne les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts en indiquant que, pour l'interprétation de la notion d'activité occulte, il convenait de se référer à la définition qui en était donnée à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, comme désignant la situation du contribuable qui n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations prévues par la loi et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et qu'en outre, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'exercice occulte de l'activité professionnelle ;

11. Considérant qu'il est constant que l'inscription de l'activité de M. F...au registre du commerce et des sociétés a été radiée le 13 septembre 1993 ; qu'il n'est pas contesté par M. F...qu'il avait eu connaissance de cette radiation et que s'il soutient qu'il avait pris l'attache des personnes compétentes pour régulariser cette situation, il ne l'établit pas ; que l'administration fiscale soutient sans être contredite que M.F..., postérieurement au 13 septembre 1993, n'a pas déclaré son activité de sorties touristiques en mer à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ;

12. Considérant que l'administration fiscale fait également valoir que M. F...n'a souscrit aucune déclaration fiscale afférente à cette activité ; que si M. F...soutient qu'il aurait déclaré, au titre de l'année 2008, dans sa déclaration à l'impôt sur le revenu le montant des revenus tirés de son activité de sorties touristiques en mer dans la rubrique ".autres revenus imposables connus ", il ressort toutefois de la copie de cette déclaration produite par l'intéressé que la seule somme portée dans cette rubrique est une somme de 400 euros dans la case réservée aux revenus du conjoint ; que M. F...n'établit pas qu'il s'agirait d'une erreur déclarative et que cette somme correspondrait aux revenus de son activité commerciale et non à des revenus d'activité de son épouse ;

13. Considérant par ailleurs que la circonstance que M. F...aurait notamment acquitté des cotisations auprès de l'organisme en charge de la sécurité sociale des Marins ou auprès d'une compagnie d'assurance pour ses bateaux ne saurait avoir pour effet de le faire regarder comme ayant rempli ses obligations déclaratives auprès de l'administration fiscale ou auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ; que, dans ces conditions, M. F...n'ayant pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et n'ayant pas souscrit dans le délai légal les déclarations auxquelles il était tenu, c'est à juste titre que l'administration fiscale a qualifié d'occulte l'activité en cause et a, par suite, fait application de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1728 du code général des impôts ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué,, le tribunal administratif de Rouen, qui s'est fondé à tort sur l'article 1729 du code général des impôts pour confirmer les pénalités, a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 18 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 novembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : R. FERALLa présidente de chambre,

Signé : O. DESTICOURT

Le greffier,

Signé : M. T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

N°14DA01601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01601
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY-OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-11-15;14da01601 ?
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