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16/06/2016 | FRANCE | N°16DA00450

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 16DA00450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...F...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 septembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503154 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'ensemble de ces décisions, a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...F...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 septembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503154 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'ensemble de ces décisions, a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 29 février 2016 sous le n° 16DA00451, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Rouen.

Elle soutient que :

- le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 n'a pas été méconnu ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2016, M. B...F..., représenté par Me E...D..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un certificat de résidence et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 29 février 2016, sous le n° 16DA00450, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15, R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 21 janvier 2016.

La préfète soutient que le moyen de sa requête d'appel est sérieux.

La requête a été communiquée à M. F...qui n'a pas produit d'observations.

M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juin 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai, désignant Me E...D....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- et les observations de Me A...C..., substituant Me E...D..., représentant M. F....

1. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu, dès lors, de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié par le troisième avenant, entré en vigueur le 1er janvier 2003 : " Le certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M.F..., ressortissant algérien né le 26 juillet 1980, est entré en France le 7 mai 2014 muni d'un visa de court séjour Schengen délivré par les autorités maltaises à Alger ; que, par un arrêté du 2 septembre 2015, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance du certificat de résidence qu'il avait sollicité le 2 octobre 2014 en qualité d'étranger malade ; que, pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Rouen a considéré, en suivant sur ce point l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Normandie, que le traitement médicamenteux dont bénéficie l'intéressé, qui a subi une intervention chirurgicale aorto-valvulaire en 1993, n'était pas disponible en Algérie ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Seine-Maritime en cause d'appel, notamment d'une note médicale émanant du service de médecine interne de l'hôpital de Birtraria (Algérie), que le traitement à base de coumadine (warfarine sodique) dont bénéficie M. F...en France depuis l'année 2014, en lieu et place du Sintrom (acenocoumarol) qui lui avait été administré jusque lors en Algérie, appartient à la même famille des anti-coagulants, notamment celle des héparines et anti-vitamines K, lesquels sont régulièrement prescrits en Algérie comme en France, aux porteurs de prothèses cardiaques ; que, sur ce point, les attestations produites devant les premiers juges par M. F...ne permettent pas d'établir que, contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé de Normandie, un traitement approprié à l'état de santé de l'intéressé ne serait pas disponible dans son pays d'origine, alors qu'il ressort des autres pièces du dossier produites par le préfet de la Seine-Maritime que l'Algérie dispose de structures hospitalières et de médecine libérale aptes à prendre en charge l'affection de M.F..., et à en assurer le suivi régulier ; qu'en outre, il n'est pas utilement contredit par l'intéressé que les médicaments appartenant à la famille des anti-coagulants, qui lui sont prescrits depuis l'intervention de 1993, sont effectivement accessibles en Algérie et pris en charge par le régime algérien de sécurité sociale ; qu'à ce titre, figurent parmi la liste des médicaments disponibles, outre la coumadine (warfarine), différents médicaments de la même classe thérapeutique et de la même catégorie chimique que cet anti-coagulant, tels que l'acenocoumarol ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces produites au dossier que M.F..., qui est originaire de la région de Tigzirt, n'aurait pas matériellement accès, dans cette région, au traitement et au suivi médical dont il a besoin ; que, par suite, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour annuler le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de l'arrêté du 2 septembre 2015 :

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.F..., la circonstance que le préfet de la Seine-Maritime se soit mépris sur les conditions d'entrée, régulières, de l'étranger sur le territoire français, est sans incidence sur la légalité du refus de séjour opposé par l'administration sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté ;

8. Considérant que si M. F...invoque son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, en prononçant son éloignement, se serait manifestement mépris dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;

9. Considérant que si M. F...se prévaut de la présence de plusieurs de ses frères et soeurs en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui ne fait état que d'une durée très brève de séjour en France à la date de l'arrêté en litige, a conservé des attaches familiales fortes dans son pays d'origine où résident ses parents ; qu'en outre, il ne fait état d'aucune insertion sociale et professionnelle ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de M.F... ;

10. Considérant, enfin, que M. F...fait valoir qu'en cas de retour en Algérie, sa vie serait menacée dès lors qu'aucune prise en charge sanitaire ne pourrait lui être assurée dans son pays d'origine ; que, toutefois, les traitements anticoagulants appropriés à son état y étant disponibles, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant l'Algérie comme pays de destination ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision de refus de certificat de résidence et, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

12. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la préfète de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 16DA00450 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 21 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par la préfète de la Seine-Maritime.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B...F...et à Me E...D....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 2 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : H. HABCHILe président-assesseur,

Signé : C. BERNIER

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00450
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Bernier
Rapporteur ?: M. Hadi Habchi
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SINOIR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-16;16da00450 ?
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