Vu la requête, enregistrée par télécopie le 2 avril 2010 et régularisée par la production de l'original le 7 avril 2010, présentée pour M. Jacky A, demeurant ..., par Me Enguéléguélé ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801799 du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 1 200 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme totale de 121 935,40 euros ;
3°) subsidiairement, de désigner, aux frais du centre hospitalier universitaire d'Amiens, un expert aux fins de déterminer si des fautes médicales ont été commises et d'évaluer les préjudices qui en résultent ;
4°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Smyth pour le centre hospitalier universitaire d'Amiens ;
Considérant que M. A relève appel du jugement du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser une somme de 1 200 euros en réparation des préjudices qu'il a subis, du fait du défaut d'information sur les soins dont il a bénéficié dans cet établissement le 29 août 2005, le centre hospitalier universitaire d'Amiens demandant par la voie de l'appel incident l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de M. A ;
Sur les conclusions indemnitaires de M. A :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute./ Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ;
Considérant que M. A, qui présentait en juin 2005 une tuméfaction à la base du cou laissant suspecter une lésion du thymus ou une lésion intrathoracique, a subi le 29 août 2005 une opération d'exérèse de cette tuméfaction aux fins de biopsie ; que les suites de cette intervention ont été caractérisées par des douleurs invalidantes ;
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif d'Amiens, que les préjudices dont M. A demande réparation, à savoir les douleurs et le déficit de mobilité de son épaule gauche résultant d'une algodystrophie, syndrome qui peut survenir après tout traumatisme même bénin, ainsi que la réaction dépressive qui s'en est suivie, ne sont pas anormaux au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'au surplus lesdits préjudices ne présentent pas, à la date du présent arrêt, un caractère de gravité suffisant pour que soient considérées comme remplies les conditions posées par l'article L. 1142-1 précité du code de la santé publique pour ouvrir droit à une réparation au titre de la solidarité nationale ;
En ce qui concerne la responsabilité pour faute médicale :
Considérant que M. A soutient en appel comme en première instance, sans apporter d'éléments de faits ou de droit nouveaux, que la responsabilité pour faute médicale du centre hospitalier universitaire d'Amiens serait engagée dès lors que l'intervention d'exérèse de la tumeur qu'il présentait à la base du cou ne revêtait pas un caractère nécessaire, et qu'elle aurait dû être précédée d'examens médicaux plus approfondis ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens ;
En ce qui concerne le défaut d'information :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.(...) / Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'algodystrophie dont souffre M. A au niveau de l'épaule gauche est un syndrome d'occurrence aléatoire mais connu, pouvant survenir à la suite d'un traumatisme même bénin, ou d'un acte chirurgical, même léger et exécuté dans les règles de l'art ; que dans ces conditions, le risque de survenance de cette pathologie était au nombre de ceux dont le centre hospitalier universitaire d'Amiens, en l'absence de toute circonstance s'y opposant, devait informer M. A avant l'intervention subie le 29 août 2005 ; qu'en se bornant à faire valoir que lors d'un entretien individuel, M. A aurait reçu l'information nécessaire, le centre hospitalier universitaire d'Amiens ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il a informé M. A conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ; que, par suite, il a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'exérèse subie par M. A était nécessaire pour réaliser une biopsie, laquelle a permis d'écarter le diagnostic d'une lésion grave nécessitant une lourde intervention de chirurgie thoracique ; que ni l'expert ni M. A ne font état de l'existence d'une alternative thérapeutique qui aurait permis d'obtenir ce résultat avec un geste moins risqué ; que dans ces conditions, compte tenu du caractère très aléatoire de la survenue d'une algodystrophie et de la nécessité de l'intervention en cause, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le défaut d'information de M. A ne lui avait fait perdre qu'une chance minime de se soustraire au risque qui s'est réalisé et ont fixé l'indemnité lui étant due par le centre hospitalier universitaire d'Amiens, à ce titre, à 10 % des préjudices de toute nature résultant de cette algodystrophie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire d'Amiens n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné sur ce fondement à indemniser M. A ;
Sur les préjudices, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le centre hospitalier universitaire d'Amiens :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;
Considérant que l'algodystrophie dont a été victime M. A a engendré des frais d'hospitalisation et de kinésithérapie, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme, à hauteur d'un montant non contesté de 21 935, 35 euros ;
Considérant que si l'état de santé de M. A n'est pas consolidé à la date du présent arrêt, il résulte de l'instruction, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que l'algodystrophie dont il est atteint lui a infligé des troubles dans les conditions d'existence, des douleurs persistantes, une dégradation de ses conditions de travail et un état dépressif secondaire dont les premiers juges ont fait, à la date de leur jugement, une juste appréciation en les évaluant à une somme de 12 000 euros ; qu'en appel M. A ne justifie ni même ne soutient que des préjudices supplémentaires seraient survenus postérieurement au jugement attaqué ;
Sur les droits respectifs de M. A et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme :
Considérant qu'eu égard à la fraction des préjudices dont le centre hospitalier universitaire d'Amiens est responsable, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont condamné à verser à M. A la somme de 1 200 euros ; que M. A n'établit nullement que l'algodystrophie dont il est atteint aurait engendré des frais médicaux qui seraient restés à sa charge ; que, par suite, les conclusions tendant au remboursement de ces frais doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est également à bon droit que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier universitaire d'Amiens à rembourser la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme de débours s'élevant à un montant de 2 193,50 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier universitaire d'Amiens ;
DÉCIDE
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire d'Amiens sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacky A, au centre hospitalier universitaire d'Amiens et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme.
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N°10DA00408