Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 16 juin 2009 par la production de l'original, présentée pour M. Ahmed A, demeurant ..., par Me Clément ; M. A demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900221, en date du 16 janvier 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2009 du préfet du Nord prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et des décisions du même jour désignant le pays de destination de cette mesure et plaçant l'intéressé en rétention administrative, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté et ladite désignation du pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, et L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient :
- que sa requête est recevable, compte tenu de la demande d'aide juridictionnelle qu'il a présentée dans le délai qui lui était imparti pour faire appel ;
- que, contrairement à ce qu'a estimé à tort le premier juge, les motifs de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué révèlent que le préfet du Nord ne s'est pas livré à un examen sérieux de sa situation particulière ; qu'en effet, ces motifs se bornent à relever que l'exposant serait célibataire et sans charge de famille ; qu'ils ne font cependant aucune mention de son projet de mariage avec une ressortissante française, dont la célébration a dû être ajournée en raison d'évènements indépendants de leur volonté ; qu'il n'est pas davantage fait mention de la naissance au sein de leur couple le 9 décembre 2008, un mois auparavant, d'un enfant sans vie, ainsi qu'il en est justifié ;
- que cet arrêté a, en outre, été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, en décidant de prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'égard d'un père qui venait de perdre son premier enfant un mois à peine plus tôt, le préfet a porté une atteinte grave et manifestement disproportionnée au droit de l'intéressé et de la mère de l'enfant, sa compagne, au respect de leur vie privée et familiale ; que la tentative de suicide commise, au cours de la garde à vue de l'exposant, par sa compagne atteste de la fragilité psychologique de celle-ci et de l'intensité des liens unissant les deux concubins, dont il est par ailleurs justifié par plusieurs pièces, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge ; que les médecins qui suivent médicalement l'intéressée insistent sur l'intérêt que revêt pour elle la présence à ses côtés de son compagnon pour la soutenir dans son travail de deuil ; que le préfet du Nord ne pouvait ignorer cette situation, dès lors que l'exposant en avait fait état durant son audition ; que, dans ce contexte, son épouse n'a pas été auditionnée, les interventions de celle-ci auprès des services de police n'ayant fait l'objet d'aucun compte-rendu ;
- qu'à la date à laquelle l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris, en pleine période de deuil, cet arrêté a comporté sur sa situation personnelle et sur celle de sa compagne des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu la décision en date du 14 avril 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. A l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;
Vu l'ordonnance en date du 24 août 2009 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 8 octobre 2009 ;
Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que le préfet du Nord a reçu communication de la requête susvisée et n'a pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique, et notamment son article 37, et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. André Schilte, président de la Cour, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Clément, pour M. A ;
Considérant que, par arrêté en date du 13 janvier 2009, le préfet du Nord a prononcé la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant algérien, né en 1976, en se fondant sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A forme appel du jugement en date du 16 janvier 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la désignation du pays de renvoi ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui a déclaré à la suite de son interpellation être arrivé sur le territoire français au cours de l'année 2001 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa en cours de validité, n'a cependant pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière ; qu'il était ainsi dans la situation prévue au 1° précité de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorisant le préfet du Nord à décider, par l'arrêté attaqué, qu'il serait reconduit à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A vit maritalement depuis 2006 avec une ressortissante française ; que plusieurs témoins attestent de l'intensité et de la stabilité de cette relation ; que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige a été pris, ainsi qu'il a été dit, le 13 janvier 2009, soit moins d'un mois après que la compagne de M. A a donné naissance, le 8 décembre 2008, à un enfant sans vie, enterré le 14 décembre 2008, ce dont M. A avait fait état au cours de l'audition qui a suivi son interpellation ; que cet évènement douloureux, qui est survenu à l'issue d'une période d'inquiétude dans laquelle le couple avait été placé au vu des résultats des nombreux examens médicaux auxquels M. A a assisté, a profondément fragilisé sa compagne, qui, malgré un suivi psychologique, a tenté de mettre fin à ses jours quelques heures après avoir appris que son compagnon avait été interpellé et qu'il risquait de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que le médecin traitant de celle-ci atteste de l'importance que revêt la présence auprès d'elle de M. A afin de la soutenir dans son travail de deuil ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, ledit arrêté est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de M. A ;
Considérant, en revanche, que si M. A présente de nouveau en appel des conclusions tendant à l'annulation d'une décision désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son égard, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Nord ait pris une telle décision, les seules mentions portées dans les motifs de l'arrêté du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative étant insusceptibles à elles seules de révéler l'existence d'une telle décision ; que, dès lors, lesdites conclusions, qui ne sont au demeurant assorties d'aucun moyen, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte (...) ;
Considérant que la présente décision, qui annule l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet du Nord à l'égard de M. A implique, dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de droit ou de fait y fasse obstacle, qu'une autorisation provisoire de séjour couvrant la durée nécessaire au réexamen de sa situation soit délivrée par le préfet du Pas-de-Calais, territorialement compétent, à M. A dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision et qu'il soit procédé à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de cette date ; qu'il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir d'une astreinte l'injonction ainsi prescrite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 13 janvier 2009 prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, et L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Clément renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qu'il demande à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0900221 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille en date du 16 janvier 2009 et l'arrêté du préfet du Nord en date du 13 janvier 2009 décidant de reconduire M. A à la frontière sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à M. A, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour couvrant le délai nécessaire au réexamen de la situation de l'intéressé et de procéder, dans le délai d'un mois à compter de cette date, à ce réexamen.
Article 3 : L'Etat versera à Me Clément, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Ahmed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Copie sera transmise au préfet du Nord et au préfet du Pas-de-Calais.
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N°09DA00847 2