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06/10/2009 | FRANCE | N°09DA00678

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 06 octobre 2009, 09DA00678


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 12 mai 2009 par courrier original, présentée pour M. Joao Carlos A, demeurant ..., par Me Dasilva ; M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900587, en date du 6 mars 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2009 du préfet de l'Oise prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;


2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfe...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée le 12 mai 2009 par courrier original, présentée pour M. Joao Carlos A, demeurant ..., par Me Dasilva ; M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900587, en date du 6 mars 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2009 du préfet de l'Oise prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire ;

4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient :

- que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, dont les motifs utilisent des formules stéréotypées, est insuffisamment motivé, tant en droit qu'en fait, au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 ;

- qu'une simple lecture des motifs dudit arrêté, qui mentionnent par erreur qu'il ne justifierait pas disposer d'attaches familiales sur le territoire français, permet de constater que le préfet de l'Oise ne s'est pas livré à un examen approfondi de sa situation personnelle, notamment au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'au fond, cet arrêté méconnaît lesdites stipulations, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge ; qu'en effet, l'exposant possède des attaches solides, tant privées que familiales, en France, où il est arrivé en 2006 à l'âge de 17 ans afin d'y rejoindre son père, qui y est installé depuis 1989 et y travaille, ses deux grands-pères, qui y résident régulièrement depuis trente ans, ainsi que deux frères et une soeur mineurs, de nationalité portugaise, qui sont, à l'exception de cette dernière âgée d'un an, scolarisés ; que d'autres membres de sa famille, notamment sa tante, demeurent en France sous couvert d'un titre de séjour valide ; que sa cellule familiale se trouve ainsi fixée en France ; que si deux de ses soeurs et sa grand-mère maternelle vivent au Cap Vert, il n'a jamais entretenu des liens étroits avec elles, de sorte qu'il s'est vu contraint de quitter ce pays après le départ de sa mère pour le Portugal ; qu'il serait donc isolé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, s'agissant de sa vie privée, l'exposant a fourni de nombreux efforts, depuis son arrivée sur le territoire français, en vue de parfaire son intégration au sein de la société française, tissant ainsi de nombreux liens amicaux et sociaux ; qu'il a ainsi, dans le cadre d'un stage de fin d'année de quatre semaines au cours du mois de juin 2008, pu mettre en avant ses qualités tant personnelles que professionnelles à l'occasion de projets expérimentaux relatifs à la problématique de l'effet de serre et aux différents facteurs de régulation de la température de la surface terrestre ; qu'il a eu l'occasion de présenter son travail devant un jury officiel et un public, cette prestation lui ayant permis de remporter, avec ses camarades de classe, le prix de la meilleure démarche expérimentale ; que ses travaux ont été publiés sur un site électronique, dans le cadre d'un programme de recherche européen ; qu'ainsi qu'il en est attesté, sa personnalité, ses aptitudes professionnelles et son sérieux ont retenu l'attention des différents intervenants sous la direction desquels cette recherche a été menée et ont suscité l'attachement et l'enthousiasme de ses professeurs ; qu'en ne prenant pas suffisamment en compte l'ensemble de ces éléments, le préfet a, en prononçant la mesure attaquée, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ledit acte a été pris ;

- qu'enfin et dans les circonstances susrappelées, ledit arrêté est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur sa situation personnelle et sa vie de famille ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance du 14 mai 2009 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 15 juin 2009 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2009, présenté par le préfet de l'Oise ; le préfet conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient :

- que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité régulièrement habilitée et s'avère suffisamment motivé, tant en droit qu'en fait ;

- qu'il n'était pas erroné de mentionner dans les motifs dudit arrêté, à la date à laquelle celui-ci a été pris, que M. A, qui n'avait fourni aucune pièce au soutien de ses allégations, ne justifiait pas disposer d'attaches familiales sur le territoire français ;

- que M. A se trouvait dans les situations visées aux 1° et 3° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

- que l'intéressé est célibataire, sans enfant, et n'a constitué aucune cellule familiale sur le territoire français ; qu'il ne justifie pas, alors qu'il est majeur, de ce que sa présence aux côtés de son père serait indispensable ; qu'en outre, il conserve des attaches familiales hors de France, sa mère résidant au Portugal et sa grand-mère et trois de ses soeurs demeurant, selon ses propres déclarations, au Cap Vert ; que ses allégations actuelles et opportunes selon lesquelles sa venue en France serait motivée par une dégradation des relations avec celles-ci ne sont pas concordantes avec ses déclarations lors de l'audition qui a suivi son interpellation, selon lesquelles son départ du Cap Vert était motivé par la situation économique de ce pays ; que, s'agissant de sa vie privée, M. A est arrivé récemment sur le territoire français et ne justifie pas avoir réalisé durant ce court séjour une intégration significative à la société française ; que le stage de quatre semaines qu'il a effectué durant sa scolarité est, à cet égard, peu probant ; que l'intéressé ayant déclaré avoir abandonné ses études en comptabilité, l'arrêté attaqué ne vient donc pas interrompre son cursus ; qu'il exerce clandestinement une activité salariée sur des chantiers ; que l'arrêté en litige n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la situation personnelle de M. A ;

- qu'enfin, la désignation du Cap Vert comme pays de renvoi n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du même code, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. A, qui n'a jamais demandé l'asile en France, ne démontrant pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour dans ce pays, qui, au surplus, figure sur la liste des pays d'origine sûrs établie par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que cette même désignation n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu l'ordonnance en date du 11 juin 2009 par laquelle le président de la Cour décide la réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. André Schilte, président de la Cour, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Dasilva, pour M. A ;

Considérant que, par arrêté en date du 2 mars 2009, le préfet de l'Oise a prononcé la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant capverdien, né le 8 mai 1989, en se fondant concomitamment sur les dispositions du 1° et du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A forme appel du jugement en date du 6 mars 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui a été prise le 19 novembre 2007 par le préfet de la Seine-Saint-Denis et qui est demeurée exécutoire depuis lors ; que M. A entrait donc, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettaient à elles seules au préfet de l'Oise de décider qu'il serait reconduit à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué que ceux-ci mentionnent que l'intéressé ne justifie pas d'attaches familiales sur le territoire ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que M. A avait déclaré être venu en France dans le but de rejoindre son père, qui l'héberge et qui l'accompagnait lorsqu'il a été interpelé ; que, dans ces circonstances, alors même que l'intéressé n'était pas en mesure, au jour de son interpellation, de produire des éléments propres à justifier de la réalité de ses allégations, qu'il était d'ailleurs loisible au préfet de l'Oise de vérifier avant de prendre la mesure de reconduite à la frontière en litige, M. A soutient à bon droit que la motivation ainsi retenue par le préfet révèle que sa situation particulière n'a pas fait l'objet d'un réel examen et que ce vice entache la légalité de l'arrêté attaqué, qui doit être annulé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Oise en date du 2 mars 2009 prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas et qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant que la présente décision, qui annule l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de l'Oise à l'égard de M. A au motif que ledit arrêté n'a pas été pris à l'issue d'un examen suffisant de la situation particulière de l'intéressé, n'implique pas, par elle-même, qu'une carte de séjour temporaire soit délivrée à celui-ci ; que cette décision implique, en revanche, en application des dispositions précitées et dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de droit ou de fait y fasse obstacle, qu'une autorisation provisoire de séjour couvrant la durée nécessaire au réexamen de sa situation soit délivrée par le préfet des Hauts-de-Seine, compétent territorialement, à M. A dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision et qu'il soit procédé à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application desdites dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0900587 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 6 mars 2009 et l'arrêté du préfet de l'Oise en date du 2 mars 2009 décidant de reconduire M. A à la frontière sont annulés.

Article 2 : Il est prescrit au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. A, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour couvrant le délai nécessaire au réexamen de la situation de l'intéressé et de procéder, dans le délai d'un mois à compter de cette date, à ce réexamen.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Joao Carlos A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise et au préfet des Hauts-de-Seine.

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N°09DA00678 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09DA00678
Date de la décision : 06/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : DASILVA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-10-06;09da00678 ?
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