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20/01/2009 | FRANCE | N°08DA00128

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 janvier 2009, 08DA00128


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 janvier 2008 et régularisée par la production de l'original le 28 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY, dont le siège est 8 rue Caroline Follet à Conty (80160), par la SCP Bretin, Lepretre ; la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502456 du 20 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que la société d'architectes X soit condamné

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 janvier 2008 et régularisée par la production de l'original le 28 janvier 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY, dont le siège est 8 rue Caroline Follet à Conty (80160), par la SCP Bretin, Lepretre ; la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502456 du 20 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que la société d'architectes X soit condamnée à lui verser la somme de 17 233 euros en remboursement des frais qu'elle a dû engager à la suite d'une erreur d'implantation commise lors de la construction de la déchetterie publique de Loeuilly, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2004 ;

2°) de condamner la société d'architectes X à lui verser cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2004, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de la condamner à tous frais et dépens des procédures de référé et de la présente instance au fond et notamment à supporter les frais de l'expertise ;

4°) de mettre à la charge de la société d'architectes X la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la société d'architectes X était chargée de la maîtrise d'oeuvre aux termes d'une convention signée le 31 mars 1998 et qu'il est apparu au cours du chantier que le terrassement d'une rampe d'accès empiétait sur la propriété voisine appartenant aux consorts Y ; que la communauté de communes a alors dû construire un mur de soutènement pour mettre fin à cet empiétement, pour un coût de 16 386,82 euros toutes taxes comprises, outre les frais des diverses procédures engagées par les propriétaires voisins ; que les architectes ont entériné une cote erronée de 12,86 m sans vérifier sa compatibilité avec le projet d'ensemble alors qu'il leur appartenait de prendre en compte le plan de bornage, et les dimensions des bâtiments et des voiries ; que la responsabilité des architectes est engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil sur le terrain contractuel ; que les architectes ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 1792 du même code en faisant valoir que la réception a été prononcée sans réserve dans la mesure où le fait générateur ne constitue pas un désordre au sens des dispositions de cet article ; que la réception sans réserve d'un ouvrage comportant un vice connu met seulement un obstacle à la mise en jeu de la garantie décennale ; qu'en outre, l'architecte a un devoir de conseil lors des opérations de réception et engage sa responsabilité en laissant le maître de l'ouvrage réceptionner sans réserve un ouvrage comportant un défaut dont il a connaissance ; que si l'entreprise Léon Z avait, aux termes de l'article 2.1 du cahier des clauses techniques particulières, la charge de l'implantation des ouvrages à édifier, elle agissait selon les instructions données par le maître d'oeuvre d'exécution qui était l'agence d'architecture qui ne peut donc l'appeler en garantie ; que si les architectes ont également appelé en garantie la direction départementale de l'équipement, celle-ci n'avait pas en charge l'implantation du bâtiment mais seulement la voirie interne, la voirie pompier et l'adduction d'eau ; que l'erreur d'implantation constitue un vice de conception ; que les premiers juges ont dénaturé le fondement juridique de la demande ; que l'erreur d'implantation a causé à la communauté un préjudice financier ; qu'il a été mis fin à l'empiétement en novembre 2001 et que la réception est intervenue postérieurement, en septembre 2002 ; que les architectes ont donc commis une faute de nature dolosive lors des opérations de réception ; que les premiers juges ont à tort considéré que la mission des architectes était essentiellement technique et que la communauté de communes disposait de services techniques à même de la conseiller lors des opérations de réception ; que la responsabilité des architectes peut, après la réception, être engagée sur le terrain quasi-délictuel ; que les prétentions de la requérante constituent une action récursoire du maître de l'ouvrage ayant désintéressé les tiers victimes du trouble de voisinage résultant du défaut d'implantation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2008, présenté pour la SARL Agence X, dont le siège est 3 rue des Augustins à Amiens (80000), par la SCP Frison, Decramer et associés, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la limitation des demandes de la communauté de communes compte tenu de ses propres fautes et enfin, présente des conclusions incidentes tendant à ce que l'entreprise Léon Z et la direction départementale de l'Equipement la garantissent des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; elle fait valoir que les voiries n'entraient pas dans la mission des architectes et relevaient de celle de la direction départementale de l'équipement ; que l'empiétement est resté en l'état jusqu'à la fin du chantier et lors de la réception et que les propriétaires voisins n'ont saisi la juridiction de fond qu'après l'achèvement de l'ouvrage ; que la réception est intervenue le 29 septembre 2000 et a purgé le vice ; que celui-ci était un vice apparent même pour un profane alors que le devoir de conseil de l'architecte porte sur les vices qui ne sont pas apparents pour le profane ; que l'action des voisins pour mettre un terme à l'empiétement a été engagée le 28 septembre 2000 ; que la communauté connaissait parfaitement la difficulté ; que si les architectes ne contestent pas l'erreur de cote, l'entreprise Léon Z avait la charge de l'implantation du bâtiment en application de l'article 2.1 du cahier des clauses techniques particulières et ne devait pas seulement s'en remettre à la maîtrise d'oeuvre et vérifier toutes les cotes fournies, ce qu'elle était tenue de faire aux termes du cahier des clauses techniques particulières du lot 0, article 00.4 ; que la direction départementale de l'équipement était elle-même chargée d'une mission M2 pour l'aménagement de la voirie interne, de la voirie pompier et de l'adduction d'eau, devait donc étudier les cotes de ces ouvrages et qu'elle n'a émis aucune réserve ; que la communauté de communes a commis une faute en prononçant la réception sans réserve ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juin 2008, présenté pour l'entreprise Léon Z, dont le siège est Espace Industriel Nord, Rue de Poulainville à Amiens (80000), par la SCP Devauchelle, Cottignies, Cahitte, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante et/ou de la société d'architectes à la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que la requérante ne dirige son action qu'à l'égard des architectes et que sur le terrain de la responsabilité contractuelle ; que la réception a mis fin aux relations contractuelles entre les différents intervenants ; que l'entreprise ne peut être tenue de garantir les architectes alors qu'elle n'avait elle-même aucun devoir de conseil à l'égard ni du maître d'oeuvre, ni du maître d'ouvrage ;

Vu la mise en demeure adressée le 23 septembre 2008 au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 31 décembre 2008, régularisé par la production de l'original le 5 janvier 2009, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de l'appel en garantie de la société d'architectes X en faisant valoir que la réception sans réserve a mis fin à l'ensemble des relations contractuelles ; que l'Etat et les architectes ne sont liés par aucun contrat ; que les architectes avaient une mission de maîtrise d'oeuvre complète qui comprenait notamment la réalisation des plans de situation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2009 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY a entrepris en 1998 la construction d'une déchetterie sur le territoire de la commune de Loeuilly dans la Somme ; qu'il est apparu au cours des travaux que l'implantation prévue pour le bâtiment était trop proche de la limite séparative de la propriété des consorts Y sur laquelle empiétait, par suite, le remblai assurant le soutènement de la voirie en pente semi-circulaire permettant aux véhicules l'accès au niveau inférieur de l'installation ; que les travaux se sont néanmoins poursuivis sans aucune modification ; que les consorts Y ont assigné la communauté le 28 septembre 2000 devant le juge judiciaire pour voie de fait ; que celle-ci a été condamnée à faire cesser l'empiétement, ce qu'elle a fait en remplaçant le remblai litigieux par un mur assurant le soutènement de la voie, implanté en limite séparative ; qu'elle a alors demandé au juge judiciaire la condamnation des architectes à l'indemniser des divers préjudices subis du fait de cette erreur d'implantation ; que le juge judiciaire s'étant déclaré incompétent, elle a alors saisi le Tribunal administratif d'Amiens ; que la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY relève appel du jugement du 20 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que l'agence d'architecture X soit condamnée à lui verser une indemnité de 17 233 euros ;

Sur la responsabilité :

Considérant que la maîtrise d'oeuvre de l'ensemble de l'opération a été confiée par un marché en date du 31 mars 1998 à l'agence d'architecture X, le gros oeuvre étant dévolu à l'entreprise Léon Z ; que, par une autre convention, en date du 30 octobre 1998, la maîtrise d'oeuvre de la voirie interne de l'opération a été confiée à la direction départementale de l'équipement ; que la réception a été prononcée sans réserve le 29 septembre 2000 ;

Considérant que la collectivité invoque la faute contractuelle commise par les architectes dans leur mission d'assistance à la réception des travaux, l'ayant conduite à prononcer la réception sans émettre de réserve alors que l'implantation de l'ouvrage créait un empiétement sur la propriété voisine, dont l'origine, ainsi que cela résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis à la fois par le juge judiciaire et le Tribunal administratif d'Amiens, réside dans une cote erronée retenue par les architectes lors de la conception du projet, de nature à engager leur responsabilité contractuelle à raison de l'exécution de l'ouvrage ; que la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre peut également être engagée à raison de sa carence dans l'exercice de sa mission d'assistance pour les opérations de réception qui peut être invoquée après la réception, laquelle dans ce cas, n'a pas pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre maître d'ouvrage et maître d'oeuvre ; que la collectivité est par suite fondée à rechercher la responsabilité de l'agence d'architecture X pour manquement à son obligation contractuelle d'assistance ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte également de l'instruction que la collectivité avait elle-même pleinement connaissance de l'existence de l'empiétement litigieux et de son origine résidant dans une faute des architectes dans l'exécution de leur mission contractuelle de construction, à la date de signature des procès-verbaux de réception ; qu'elle a donc elle-même commis une faute en les signant sans formuler de réserve relative à cette malfaçon ; qu'il y a donc lieu d'exonérer l'agence d'architecture X de la moitié de sa responsabilité ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif a rejeté en totalité les conclusions indemnitaires formulées par la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY fondées sur la responsabilité du maître d'oeuvre à raison de son manquement dans sa mission d'assistance pour les opérations de réception ;

Sur les préjudices :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le coût du mur de soutènement s'élève à la somme non contestée de 16 386,82 euros ; que, d'autre part, si la collectivité demande également à être indemnisée du coût des procédures introduites devant le juge judiciaire par les consorts Y, elle ne produit aucun justificatif de nature à en établir la réalité et le montant ; qu'enfin les conclusions tendant au remboursement des frais d'expertise ne sont pas chiffrées et doivent donc être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant du préjudice peut être évalué à la somme de 16 386,82 euros dont, compte tenu du partage de responsabilité, la moitié soit 8 193,41 euros doit être mise à la charge des architectes ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant, en premier lieu, que la requérante a droit aux intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa première demande d'indemnisation présentée devant le juge judiciaire soit le 12 février 2004 ;

Considérant, en second lieu, que la capitalisation a été demandée pour la première fois le 27 août 2007 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les appels en garantie :

Considérant, en premier lieu, que les architectes appellent en garantie l'entreprise Léon Z, titulaire du lot « Gros oeuvre », au motif qu'il lui appartenait de vérifier les cotes des plans qui lui étaient fournis ; que, toutefois, le présent arrêt ayant retenu la responsabilité contractuelle des architectes à raison de leur devoir de conseil, ils ne sont pas fondés à appeler en garantie l'entreprise Léon Z qui a exécuté les travaux ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la direction départementale de l'équipement avait signé avec la collectivité un contrat de maîtrise d'oeuvre séparé et n'était donc pas co-traitant de l'agence d'architecture X ; qu'il ressort, notamment, de la convention d'honoraires des architectes qu'étaient comprises dans leur mission de maîtrise d'oeuvre, la conception d'ensemble du projet et l'exécution des voiries situées sous l'emprise de la toiture ; que la direction départementale de l'équipement avait uniquement une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution pour les voiries autres, dont celle ayant abouti à la mise en place du remblai litigieux ; que, par suite, les conclusions incidentes des architectes tendant à être garantis par l'Etat doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'agence d'architecture X les sommes de 1 500 euros et 1 000 euros au titre des frais exposés respectivement par la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY et l'entreprise Léon Z, et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0502456 du Tribunal administratif d'Amiens du 20 novembre 2007 est annulé.

Article 2 : L'agence d'architecture X est condamnée à verser à la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY la somme de 8 193,41 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2004. Les intérêts échus à la date du 27 août 2007 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions incidentes de l'agence d'architecture X sont rejetés.

Article 4 : L'agence d'architecture X versera à la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY une somme de 1 500 euros et une somme de 1 000 euros à l'entreprise Léon Z au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE DES COMMUNES DU CANTON DE CONTY, à l'agence d'architecture X, à l'entreprise Léon Z, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

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N°08DA00128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00128
Date de la décision : 20/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: Mme Marianne Terrasse
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SCP BRETIN LEPRETRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-01-20;08da00128 ?
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